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Culture

MAGAZINE : Meriam Benkirane, longévité de la beauté éphémère


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 6 Octobre 2024

Si elle décide de migrer vers la peinture à l’huile, laissant de côté son land acrylique, l’artiste n’oublie pas son approche géométrique qui n’est pas à redéfinir. Elle s’y emploie avec grande finesse et le prouve dans ce « Interlude » qui se tient à la galerie casablancaise 38 du 17 octobre au 16 novembre. On nous parle de maturité, mais une maturité qui s’inscrit dans la continuité. En 2022, nous parlions d’elle en ces termes. Plagions-nous alors.



« Where the Lions Weep », huile sur toile, 160 x 160 cm, 2024.
« Where the Lions Weep », huile sur toile, 160 x 160 cm, 2024.
L’aveuglement par la couleur est-il possible ? Oui, et on en redemande. L’aveuglement ici est multiple, pluriel. Scruter une œuvre de Meriam Benkirane c’est donner la deuxième joue avec un déconcertant consentement. Elle parle de nous, de ce que nous sommes ou pas, de notre douceur, de notre rigidité, de notre environnement, des cris de nos villes que nous refusons de considérer. Nos vies sont ainsi décortiquées dans un élan de désolation enveloppée d’espoir, une sorte de rappel à l’ordre, un constat fait de fééries ravalées. Qu’attendons-nous d’un monde qui chatouille nos entrailles, nos libertés, l’air que nous respirons ? Qu’il soit mieux appréhendé, plus gardé à distance puisque c’est en s’éloignant que nous voyons mieux ce qui nous entoure. Cet entourage est finalement en nous et ne souhaite pas prendre congé de notre quotidien. Il est là, féroce, fruit d’acharnements d’humains accros à une technologie galopante. Où ira cette folie de la démesure ? Là où on ne l’attend pas, là où elle s’évertue à nous expliquer qu’avant ce n’était pas mieux. Un « nous » global où l’arroseur est également arrosé.
 
Eclaircissement, démystification
 
Le travail de Meriam Benkirane chatoie, tutoie. Quittant ses préoccupations d’architecte d’intérieur, l’artiste prend dans ses bras l’urbain, étreigne son interminable évolution. L’approche n’est pas innocente, le résultat édifiant. S’armant de formes joyeusement géométriques qu’elle imbrique à l’infini, elle rajoute le questionnement à la perplexité ambiante. Un chromatisme à haute intensité s’occupe d’éblouir. En fait, Meriam est dans l’éclaircissement, la démystification. Et pour démystifier, il faut bien s’engouffrer dans la faille qui engendre l’analyse.

Sa relation avec l’art ressemble aux rapports d’un couple qui donne pour surprendre. Humaine à outrance, elle constate, rend compte et donne à réfléchir. Elle convoque le mécanique pour ensuite l’adoucir, se jette à bras-le-corps dans des décompositions vertigineuses, pose son empreinte sur des surfaces qui ont du mal à s’aplatir. Partageons ce fragment d’un poème que l’artiste choisit de ne pas titrer : « Et moi je rêve de silence / Pendant que je me transforme en bruit / Mon essentiel est habité par des envies qui ne sont pas miennes / Je les traine comme des chaines. » C’est que ça bouillonne dans l’esprit de cette grande fille qui sait de quoi elle cause : dessinatrice, peintre, sculpteure et installatrice, elle n’oublie pas de fouiner dans l’univers du digital.

Un « plusieurs en un » qui la rapproche du multilinguisme plastique qu’elle compte continuer à déclamer. Elle use du présent narratif que seuls les esprits au passé simple voient en parfait conditionnel. Elle se raconte, nous conte, clame l’immédiat qui la fait avancer. Mohammed Kacimi disait : « Je suis un peintre qui cesse de parler au nom des ancêtres. Je suis plus intéressé par la mutation, le questionnement. L’interrogation d’une pensée envoûtante, sorcière, magique, déroutante, souvent en anachronisme avec mes préoccupations temporelles. » Alors, les œuvres de Meriam s’identifient-elles à une quelconque mutation et spécifiquement à l’art contemporain ? Si le contemporain est fraîcheur, elle y a contemplativement sa place. S’il est générique, elle l’accompagne tout au plus. Aucune comparaison avec d’autres artistes qui nagent dans pareilles eaux n’est à conseiller face à ce qui ressort de la fluidité hachée et agréablement soutenue du langage de Meriam Benkirane. Subjectivité et continuel mouvement prennent à la gorge cette agitatrice qui sait respirer du nez.
                                                                                                     
 
          
 



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