"C'est trop tendance en ce moment", ou alors au contraire, "ce n'est pas du tout tendance". "C'est revenu à la mode", ou, pour les plus rusés, "je le rangerai au fond de mes grands tiroirs en espérant qu'il revienne un jour à la mode".
Ici, il s'agit des considérations que bon nombre de fashionistas prennent en compte dès lors qu'il est question de partir en virée shoppinguesque à la recherche de bonnes trouvailles vestimentaires ou carrément du graal.
Mais qui décide de ce que les féru(e)s des tendances vestimentaires vont finir par suivre le plus fidèlement du monde en un claquement de doigts? Est-ce, tout comme dans le film "le diable s'habille en Prada", une femme poussant les standards du chic aux cimes, qui sillonne avec ses deux assistantes les capitales mondiales de la mode dans le but d'enrichir les grands décideurs de la mode parisienne de ses conseils essentiels et décisifs sur les incontournables de la saison à venir ? Ce n'est, en fait, pas exactement cela, ni tout à fait autre chose.
Lorsque nous entamons des recherches au niveau national nous trouvons qu'il existe des cabinets de mode qui travaillent en étroite collaboration avec des bureaux de style implantés à Paris, Rome, New York, Londres, Madrid et Tokyo, avec des bureaux subsidiaires à Moscou, Kiev, Dubaï, Beyrouth et un peu partout en Chine.
Des conciliabules à huit clos ?
Ces agences de "prospection" proposent aux acteurs de la mode ce que l'on appelle dans le jargon des "cahiers de tendances". Il s'agit de magazines volumineux dont la valeur peut atteindre 4000 ou 5000 euros. Remplis de photos, de dessins et de commentaires explicatifs, ils servent à suggérer, 18 mois à l'avance, les tendances d'une saison donnée.
Ces cahiers sont en fait un outil qui met en synergie les phénomènes de mode, les tendances socioculturelles, économiques et technologiques du moment, dans un secteur d'activité ou, au contraire, indépendamment des activités, dans une approche plus fédératrice.
En moyenne, chaque bureau de style peut s'appuyer sur un réseau d'environ une vingtaine de correspondants répartis aux quatre coins du globe. Leur mission consiste à détecter ce qu'ils appellent les "signaux socio-culturels". En d'autres termes, ils identifient les nouveautés dans tous les secteurs de la société : art, consommation, distribution, culture, etc. Dans cette masse infinie de phénomènes et de nouveautés, le défi est de faire le tri entre ce qui est significatif, et donc rentable, et ce qui ne l'est pas.
Une fourmilière à pied d'œuvre !
Après toutes ces interventions, les correspondants rassemblent les données et les font parvenir aux bureaux de style. Puis, deux fois par an, les comités de tendance se tiennent. Ils sont composés de stylistes, bien entendu, mais aussi de coloristes, de directeurs de magazines européens et américains spécialisés en mode ou encore de sociologues. Après avoir recoupé et exploité les données, ils créent des thèmes, au nombre des saisons de l'année.
Chaque thème est associé à une atmosphère, des couleurs, des tissus, des matériaux, des formes, etc. Tout cela est mis en évidence dans les cahiers de tendances et complété par des analyses socio-économiques réalisées par des experts.
Lorsque les tendances vont validées par ces comités internationaux, la parole est donnée aux journalistes de la mode, aux sociologues mais surtout aux "puristes". Oui, ces adeptes de la fameuse phrase "la mode, c'était mieux avant". Ces derniers n'ont d'ailleurs pas fini de mettre à l'index les jeans troués dits "destroy", plébiscités aux Etats-Unis et les chaussettes dans les sandales, validées par un grand cabinet allemand.
Aussi, n'ont-ils pas fini de clouer au pilori les doudounes sans manches, les vestes d'hiver de tissu "pilou-pilou" et on en passe.
Houda BELABD