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Moncef Benkiran : « Mon regret, c’est que la pandémie ait sabordé le concours de mots fléchés »

Entretien avec Moncef Benkiran, verbicruciste du journal « L’Opinion »


Rédigé par Safaa KSAANI Mercredi 2 Décembre 2020

L’un des vieux routiers des mots fléchés nous ramène dans les coulisses de la création de cette partie ludique du quotidien « L’Opinion », où il s’active depuis le milieu des années 80.



- Comment réussissez-vous à concevoir les grilles des mots fléchés ?
- -Tout d’abord, il y a un respect sans bornes pour le lecteur, en général, et le cruciverbiste, en particulier. Il faut lui servir une matière qui puisse l’intéresser de façon ludique sans perdre notre marocanité. Il faut également savoir doser la difficulté ; pas trop facile pour ne pas l’ennuyer et pas trop difficile pour l’accrocher. Chercher des jeux de mots qui puissent le faire voyager dans l’univers des mots, lui permettre d’enrichir son vocabulaire, y ajouter un brin d’humour quand cela est possible. Il faut éviter les mots techniques et aider le lecteur à trouver les mots quand il s’agit de mots sophistiqués. Je m’explique : quand un mot est simple, on peut proposer une définition un peu corsée ou à jeu de mots, et vice-versa ; quand le mot est difficile, on peut donner une définition plus simplifiée.

- En ces temps de pandémie, vous qui faites les grilles du quotidien « L’Opinion », avez-vous rencontré des difficultés pour concevoir ces grilles ou, au contraire, vous en avez été inspiré ?
- Non, l’inspiration demeure la même, mais elle n’est pas toujours au rendez-vous. On peut rester de marbre longtemps devant une feuille qui va demeurer vierge si l’inspiration nous fait défaut, et au contraire faire simultanément plusieurs grilles quand elle est au rendez-vous. Je ne vous cache pas que la difficulté d’une grille, ou sa facilité, peut être volontaire car elle dépend de l’humeur du moment.

- Les auteurs des mots croisés et fléchés ont-ils connu la crise cette année ?
- La seule répercussion que je déplore, c’est l’absence du concours des mots fléchés pendant le mois de Ramadan que les lecteurs attendaient avec impatience et qui engendrait une émulation entre plusieurs membres d’une même famille. J’espère qu’à l’avenir, on pourra reprendre nos bonnes habitudes avec les soirées de remise des Prix. A ce propos, je voudrais remercier notre compagnon de route LENOBLE TRAITEUR qui prenait en charge l’organisation de ces soirées qui sont restées ancrées dans la mémoire de cruciverbistes de plusieurs générations.

- Un bon verbicruciste a-til besoin uniquement d’une bonne imagination pour exceller dans ce métier ?
- Je ne considère pas que verbicruciste est un métier, en ce qui me concerne du moins, mais une passion que j’aime partager avec mes semblables. D’ailleurs, mon métier est dans l’informatique, étant ingénieur analyste bien avant de toucher aux grilles de mots croisés au début et aux mots fléchés plus tard. La conception des grilles se faisait une fois que mon rôle de responsable du système d’information prenait fin. J’ai toujours eu en quelque sorte deux métiers parallèlement. 
 
Recueillis par Safaa KSAANI

Portrait

Le prestidigitateur des mots
Il met autant de temps à créer une grille qu’il en faut pour les résoudre, voire plus par moments. Le verbicruciste Moncef Benkiran s’est spécialisé dans les jeux de lettres depuis 1985. Sa passion pour les mots, elle, remonte à sa plus tendre enfance.

Paradoxalement, il était plus doué pour les mathématiques que pour la langue française. Mais concernant celle-ci, il avait un penchant plus prononcé pour la grammaire et la conjugaison que pour le vocabulaire.

“Les dictées me passionnaient mais la rédaction ou l’expression écrite (construction de phrases) m’exaspérait», nous raconte-t-il sur un ton nostalgique.

Ses débuts à « L’Opinion » étaient en 1986 sous un pseudonyme, car il était à ce moment verbicruciste pour d’autres publications. “J’ai même collaboré avec un magazine mensuel intitulé «Afrique Football» qui paraissait en France, cela me permettait de joindre l’utile à l’agréable avec ma passion pour le football”, nous confie-t-il non sans un brin de fierté. Cela fait donc plus de 3 décennies qu’il est fidèle à « L’Opinion », titillant les méninges de ses fidèles cruciverbistes.

Ce “sport” cérébral, qui requiert un bagage culturel assez conséquent pour en pratiquer régulièrement, possède des bienfaits avérés. Il stimule l’activité des neurones et il permettrait de prévenir le syndrome d’Alzheimer, selon des recherches scientifiques publiées dans des revues très sérieuses. Malheureusement, les cruciverbistes se font de plus en plus rares. Il faut dire que ls cruciverbistes ne sont plus aussi nombreux que par le passé. La Toile a changé bien des habitudes…

S. K. 

Repères

Les années de gloire des jeux de lettres
Les nostalgiques des arts et des lettres se rappelleront de l’émission phare ”Apostrophe”, sans doute le meilleur rendezvous littéraire de son temps de la télévision française. Celle-ci avait consacré en 1981 une émission aux jeux de lettres en invitant une palette d’intellectuels bien de renommée. À l’époque, Bernard Pivot, animateur mythique de l’émission, accueillit l’un des plus célèbres cruciverbistes de France, Max Favalelli, devant qui les invités sont restés cois quand il évoqua les origines des mots croisés, ancêtres des mots fléchés, et les obstacles qui ont entravé leur naissance. C’est d’ailleurs grâce à Arthur Wynne qui a attendu jusqu’en 1913 pour que la première grille soit publiée dans la rubrique “Fun” du “New York Times”, que les mots fléchés ont eu leur droit de cité. Cette petite plongée dans le passé leur a permis de se remémorer des années de gloire littéraire où les « jeux de mots » avaient la cote. Il faut dire que ce genre de sports cérébraux subit aujourd’hui, dans bien des contrées, un dédain de plus en plus patent. 
L’autre victime de l’évolution technologique
Les cafés, véritables points de chute des cruciverbistes les plus chevronnés, sont devenus, pour la plupart, peuplés de gens scotchés à leurs smartphones ou devant un match de foot à la télé. Mais cela n’empêche pas de rencontrer, à l’occasion, des adeptes des jeux cérébraux qui s’évertuent à perpétuer la tradition se mesurant à une, deux, voire trois grilles de mots fléchés par jour. Si cela prouve une chose, c’est que cette « discipline sportive » peine à survivre dans un monde de plus en plus connecté et de moins en moins cultivé… malheureusement.








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