L’analyse est d’autant plus intéressante qu’elle émane d’une chercheure aux convictions laïques bien ancrées, comme c’est évident dans d’autres de ses écrits. Son analyse cherche essentiellement à déterminer les particularités qui font la tolérance du modèle religieux marocain.
Triptyque malékisme, asharisme et soufisme
L’ascharisme, école théologique à mi-chemin du littéralisme et du rationalisme des Muâtzilites, est l’autre pilier de l’identité islamique marocaine, qui théorise cette souplesse adaptative juridique, tout en la maintenant ancrée dans l’orthodoxie.
La voie mystique du soufisme sunnite est le troisième volet qui achève ce triptyque spécifiquement marocain. Sophie De Peyret n’a pas manqué de souligner sa profonde empreinte historique, sa prégnance dans la culture populaire marocaine et le rayonnement de confréries du Royaume auprès des populations musulmanes d’Afrique de l’Ouest.
Les barrières institutionnelles contre le radicalisme
Quand la première assume la charge de maintenir la cohésion religieuse du Royaume, fermant la porte aux néfastes influences venues d’ailleurs, le second veille à ce que les imams professant dans les 53.000 mosquées que compte le Maroc soient suffisamment bien formés pour diffuser la vision éclairée de l’Islam. La pertinence de cette dernière entité lui a conféré une aura à l’international telle que 1070 étudiants étrangers y poursuivent actuellement la formation d’imam.
La commanderie des Croyants
Traitant de la place du judaïsme dans le Royaume, l’islamologue note la discrimination positive dont il fait l’objet, étant la seule religion autre que l’Islam à laquelle est reconnu corpus juridique civil et tribunaux distincts.
Réformisme assumé
Toute cette dynamique réformiste qui vivifie la pensée islamique marocaine, sans reniement des principes fondamentaux, Sophie De Peyret la mesure à l’aune de la crispation religieuse qui déstabilise plusieurs pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord et projette son ombre terrorisante sur les deux rives de la Méditerranée.
Bien plus qu’un exemple de modération et de tolérance religieuse dont il convient de s’inspirer, le modèle marocain répond, par sa simple existence, à un besoin, celui d’une preuve vivante de la compatibilité de l’Islam avec la modernité.
L’approche globale contre la menace terroriste
Repères
L’islamologue Sophie De PeyretL’Institut Thomas More est un thnik-tkank libéral conservateur et indépendant créé en 2004, basé à Bruxelles et Paris. À la fois laboratoire de solutions innovantes, centre d’expertise et relais d’influence, il est organisé en réseau et réunit personnalités politiques, opérateurs économiques, experts et représentants de la société civile. Sa profession de foi européiste complète les valeurs proclamées de sa charte. Saint Thomas More est un théologien et homme politique anglais du XVIème siècle, exécuté pour sa fidélité à l’église catholique.
Diplômée en sciences politiques, Sophie de Peyret a vécu quatre ans au Moyen Orient, où elle a commencé à apprendre l’arabe. A son retour en France en 2014, elle poursuit son apprentissage de la langue et s’intéresse à l’Islam comme religion et civilisation. Diplômée de l’Institut de Science et Théologie des Religions à l’Institut Catholique de Paris, elle y réalise une étude approfondie sur la symbolique du drapeau de Daesh. Elle anime, au sein de l’Institut Thomas More, le programme de travail « Défi de l’islam en France ».La « wassatya » telle que vue par la chercheure
« Bien loin de la mollesse ou de la tiédeur, la « wassatya » est une conception orthodoxe de la religion qui reste en adéquation avec le contexte. La diffusion et la pérennité de cette conception tiennent, notamment, à l’homogénéité du Royaume en matière religieuse. En effet, afin d’assurer l’unité du rite et de la doctrine, tous les imams qui prêchent au Maroc sont formés au Maroc. (…) Cette maîtrise totale de la formation et du discours se révèle un bon rempart contre l’irruption d’interprétations religieuses radicales ».