La Loi de Finances est un outil clé à la disposition du gouvernement pour instaurer une politique de relance rigoureuse et redonner de l’espoir aux citoyens et de la confiance aux entreprises. Elle définit, pour un exercice, les dépenses et les recettes. La manière dont elles sont construites oriente l’action financière de l’État pour réaliser ses objectifs.
Dans ce sens, et avant même la sortie du Projet de Loi de Finances 2021, l’AEI, par son communiqué du 20 septembre dernier, avait émis un certain nombre de propositions, autour de 3 axes majeurs :
. Sauvegarder les entreprises et sauver les emplois ;
. Préserver le pouvoir d’achat ;
. Préparer l’avenir
Si certaines mesures sont à saluer comme, par exemple, la CPU (faisant partie des propositions de l’AEI) ou encore l’exonération de l’IR pour les nouveaux CDI, force est de constater que ce Projet de Loi de Finances 2021 manque de tranchant et donne un sentiment d’inachevé par rapport aux enjeux actuels de notre pays.
L’idée ici n’est pas de reprendre toutes les propositions soumises par l’AEI, mais de faire un focus sur quelques réalités macroéconomiques. Car que remarquons-nous ?
L’excès de monnaie fiduciaire en circulation dépasse les 25% du PIB. C’est tout simplement énorme. Nous avons atteint les 300 milliards de dirhams à fin août. C’est autant de liquidités en moins pour les banques et donc des possibilités de financement de l’économie amputées d’autant de ressources. Ce qui nous situe à contresens de l’histoire.
Le crédit commercial interentreprises dépasse les 40% du PIB, et les délais de paiement se rallongent avec la crise du Covid. Le crédit interentreprises moyen dépasse les 85 jours au Maroc. Dans de nombreux secteurs, il dépasse la moyenne de 180 jours effectifs. La moyenne mondiale étant de 65 jours.
Sur ces deux aspects, en particulier, le PLF est resté muet, et c’est dommage, car nous aurions pu :
• Nous donner pour objectif de réduire par exemple de 25% l’encours des créances interentreprises. C’est plus de 100 milliards de dirhams qui seraient venus soulager la trésorerie des entreprises. Si les liquidités se font rares, alors la mise en place d’une plateforme de compensation de créances inter-entreprises est une alternative qui pourrait réduire significativement les encours ;
• Faire décoller véritablement l’inclusion financière en défiscalisant les transactions électroniques pendant un temps au moins (sur ce point, le manque à gagner pour l’Etat, si tant est qu’il y en ait un, n’est pas vraiment significatif). Rappelons que le Maroc reste loin derrière plusieurs pays africains qui ont réalisé des bonds spectaculaires en la matière. C’est aussi un commencement de l’élargissement de l’assiette fiscale ;
• Réformer en profondeur les procédures sur les ATD, véritable épouvantail des déposants. Ce serait aussi une occasion de rétablir un climat de confiance entre l’administration des impôts et le contribuable :
• Relancer la consommation, préserver le tissu industriel et commercial et, bien entendu, protéger les emplois. Un secteur comme l’artisanat fait vivre plus de deux millions de nos concitoyens. Ne mérite-t-il pas d’être éligible au programme « Intelaka » ?
Mais il y aussi un aspect sur lequel le PLF ne dit rien, et c’est aussi un enjeu de moyen terme, ce sont les canaux de financement.
Aujourd’hui, tout passe par les banques. Cela démontre à minima que le pays dispose d’une charpente bancaire structurée, solide et résiliente. Mais faut-il continuer à ne financer qu’à travers les banques? Nous finirons un jour par saturer ce canal.
Quid des autres canaux de financements, qu’ils soient sous forme de dettes, de fonds propres, de mezzanines, de capital risque, de crowdfunding, etc. Si les banques ont encore de la capacité à prêter, il n’y a aucun encouragement pour d’autres canaux. Pire, il est pour le moins surprenant que le PLF prévoit la taxation des apports en compte courant de 1.5%. Est-ce bien le moment ?
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et par les temps qui courent, tous les moyens de financement de l’entreprise sont à encourager en exonérant les opérations comme les apports des associés en fonds propres. Cela doit inclure les entreprises en difficulté et même les entreprises en risque de disparition par manque de relève.
Le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement est une excellente et heureuse initiative puisqu’il s’intègre dans un plan de relance de 120 milliards de dirhams. Compte tenu de son importance, les effets de levier attendus prendront du temps. C’est pourquoi il aurait fallu dans ce PLF mobiliser plus de moyens et travailler le ciblage.
S’il y avait une Loi de Finances qui devait être ambitieuse et volontaire, c’était bien celle-là. Nous sommes en effet dans un contexte où :
• Les taux d’intérêts, aussi bien sur le marché des capitaux national que sur les marchés internationaux, n’ont jamais été aussi bas ; et il est peu probable qu’ils augmentent de manière significative sur les 2 ou 3 prochaines années ;
• Tous les pays du monde n’ont trouvé aucun autre moyen de faire face aux conséquences de cette pandémie, autrement que par l’endettement ;
• Le ratio dette/PIB est de 72% certes (presque 90% si l’on ajoute la dette garantie) ; mais, mécaniquement, ce ratio devrait s’améliorer par la hausse du dénominateur qu’est le PIB prévue en 2021 (+4.7%) ;
• Une grande partie de cette dette reste tout de même due à des créanciers domestiques ; la dette extérieure représentant environ 25% du stock.
On pourra alors dire qu’il est attendu que l’endettement et la dépense soient plus intelligemment utilisés que plus intensément mobilisés, le parfum de mauvais goût du PAS flottant toujours. Mais une approche n’interdit pas l’autre.
Bref, ce n’est pas le moment de faire la fine bouche … d’où ce sentiment d’inachevé.
Mohamed KETTANI, Membre du Bureau exécutif de l’AEI
Dans ce sens, et avant même la sortie du Projet de Loi de Finances 2021, l’AEI, par son communiqué du 20 septembre dernier, avait émis un certain nombre de propositions, autour de 3 axes majeurs :
. Sauvegarder les entreprises et sauver les emplois ;
. Préserver le pouvoir d’achat ;
. Préparer l’avenir
Si certaines mesures sont à saluer comme, par exemple, la CPU (faisant partie des propositions de l’AEI) ou encore l’exonération de l’IR pour les nouveaux CDI, force est de constater que ce Projet de Loi de Finances 2021 manque de tranchant et donne un sentiment d’inachevé par rapport aux enjeux actuels de notre pays.
L’idée ici n’est pas de reprendre toutes les propositions soumises par l’AEI, mais de faire un focus sur quelques réalités macroéconomiques. Car que remarquons-nous ?
L’excès de monnaie fiduciaire en circulation dépasse les 25% du PIB. C’est tout simplement énorme. Nous avons atteint les 300 milliards de dirhams à fin août. C’est autant de liquidités en moins pour les banques et donc des possibilités de financement de l’économie amputées d’autant de ressources. Ce qui nous situe à contresens de l’histoire.
Le crédit commercial interentreprises dépasse les 40% du PIB, et les délais de paiement se rallongent avec la crise du Covid. Le crédit interentreprises moyen dépasse les 85 jours au Maroc. Dans de nombreux secteurs, il dépasse la moyenne de 180 jours effectifs. La moyenne mondiale étant de 65 jours.
Sur ces deux aspects, en particulier, le PLF est resté muet, et c’est dommage, car nous aurions pu :
• Nous donner pour objectif de réduire par exemple de 25% l’encours des créances interentreprises. C’est plus de 100 milliards de dirhams qui seraient venus soulager la trésorerie des entreprises. Si les liquidités se font rares, alors la mise en place d’une plateforme de compensation de créances inter-entreprises est une alternative qui pourrait réduire significativement les encours ;
• Faire décoller véritablement l’inclusion financière en défiscalisant les transactions électroniques pendant un temps au moins (sur ce point, le manque à gagner pour l’Etat, si tant est qu’il y en ait un, n’est pas vraiment significatif). Rappelons que le Maroc reste loin derrière plusieurs pays africains qui ont réalisé des bonds spectaculaires en la matière. C’est aussi un commencement de l’élargissement de l’assiette fiscale ;
• Réformer en profondeur les procédures sur les ATD, véritable épouvantail des déposants. Ce serait aussi une occasion de rétablir un climat de confiance entre l’administration des impôts et le contribuable :
• Relancer la consommation, préserver le tissu industriel et commercial et, bien entendu, protéger les emplois. Un secteur comme l’artisanat fait vivre plus de deux millions de nos concitoyens. Ne mérite-t-il pas d’être éligible au programme « Intelaka » ?
Mais il y aussi un aspect sur lequel le PLF ne dit rien, et c’est aussi un enjeu de moyen terme, ce sont les canaux de financement.
Aujourd’hui, tout passe par les banques. Cela démontre à minima que le pays dispose d’une charpente bancaire structurée, solide et résiliente. Mais faut-il continuer à ne financer qu’à travers les banques? Nous finirons un jour par saturer ce canal.
Quid des autres canaux de financements, qu’ils soient sous forme de dettes, de fonds propres, de mezzanines, de capital risque, de crowdfunding, etc. Si les banques ont encore de la capacité à prêter, il n’y a aucun encouragement pour d’autres canaux. Pire, il est pour le moins surprenant que le PLF prévoit la taxation des apports en compte courant de 1.5%. Est-ce bien le moment ?
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et par les temps qui courent, tous les moyens de financement de l’entreprise sont à encourager en exonérant les opérations comme les apports des associés en fonds propres. Cela doit inclure les entreprises en difficulté et même les entreprises en risque de disparition par manque de relève.
Le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement est une excellente et heureuse initiative puisqu’il s’intègre dans un plan de relance de 120 milliards de dirhams. Compte tenu de son importance, les effets de levier attendus prendront du temps. C’est pourquoi il aurait fallu dans ce PLF mobiliser plus de moyens et travailler le ciblage.
S’il y avait une Loi de Finances qui devait être ambitieuse et volontaire, c’était bien celle-là. Nous sommes en effet dans un contexte où :
• Les taux d’intérêts, aussi bien sur le marché des capitaux national que sur les marchés internationaux, n’ont jamais été aussi bas ; et il est peu probable qu’ils augmentent de manière significative sur les 2 ou 3 prochaines années ;
• Tous les pays du monde n’ont trouvé aucun autre moyen de faire face aux conséquences de cette pandémie, autrement que par l’endettement ;
• Le ratio dette/PIB est de 72% certes (presque 90% si l’on ajoute la dette garantie) ; mais, mécaniquement, ce ratio devrait s’améliorer par la hausse du dénominateur qu’est le PIB prévue en 2021 (+4.7%) ;
• Une grande partie de cette dette reste tout de même due à des créanciers domestiques ; la dette extérieure représentant environ 25% du stock.
On pourra alors dire qu’il est attendu que l’endettement et la dépense soient plus intelligemment utilisés que plus intensément mobilisés, le parfum de mauvais goût du PAS flottant toujours. Mais une approche n’interdit pas l’autre.
Bref, ce n’est pas le moment de faire la fine bouche … d’où ce sentiment d’inachevé.
Mohamed KETTANI, Membre du Bureau exécutif de l’AEI