Que de Marocains auraient souhaité prendre également connaissance de ce « point d’étape » des activités de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) présenté par son président, Chakib Benmoussa, à l’ambassadrice de France à Rabat, Hélène Le Gal. S’il est de bon ton de tenir les partenaires économiques du Maroc au fait de la vision qu’il conçoit pour son développement, la primeur en revient aux contribuables qui auront à la financer, ce qui est la moindre des politesses.
Ancien ministre de l’Intérieur et actuel ambassadeur du Maroc à Paris, poste qu’il a conservé en parallèle à sa présidence du CSMD, Chakib Benmoussa a suffisamment d’expérience pour éviter de s’entremêler les pinceaux à ce sujet. Si SM le Roi a prolongé de six mois le délai de livraison du rapport du CSMD, c’est bel et bien parce que le corona-krach a brouillé toutes les données.
Ancien ministre de l’Intérieur et actuel ambassadeur du Maroc à Paris, poste qu’il a conservé en parallèle à sa présidence du CSMD, Chakib Benmoussa a suffisamment d’expérience pour éviter de s’entremêler les pinceaux à ce sujet. Si SM le Roi a prolongé de six mois le délai de livraison du rapport du CSMD, c’est bel et bien parce que le corona-krach a brouillé toutes les données.
Les leçons du passé
Pour mesurer l’ampleur du cataclysme économique mondial provoqué par la pandémie du Coronavirus, il serait intéressant de réviser les manuels d’Histoire, la peste noire ayant sévi au 14ème siècle fournissant un instructif précédent à étudier.
Après avoir éliminé entre 30 et 50% des populations européennes, la peste noire a tellement réduit la main d’oeuvre disponible que les ateliers en furent désertés et les champs abandonnés. Pour recruter les survivants, les employeurs les mieux-disants étaient les propriétaires d’ateliers, futurs bourgeois des cités, alors que les propriétaires terriens féodaux, leurs champs restés en friche faute de bras pour les cultiver, ont vu leur fortune et leur pouvoir politique décliné.
C’est la bactérie de la peste qui, en provoquant un effondrement démographique en Europe, a mis à genoux le système féodal. La bourgeoisie des cités, dopée par l’essor ainsi pris par la production manufacturière, n’a fait qu’exploiter cette opportunité pour reléguer, par la suite, aux oubliettes de l’Histoire les propriétaires terriens féodaux et tout le système économique basé sur la production agricole, fondement du système sociopolitique carolingien.
Et comme l’Histoire se plaît, quelques fois, à se répéter, on trouve également au 14ème siècle une grave crise d’endettement des nations européennes et les conséquences désastreuses d’une crise du système bancaire des cités-Etats italiennes déjà « libre-échangistes ». Quand le roi Edouard III d’Angleterre a déclaré, en 1342, une « cessation de paiement » de ses créances envers les banques florentines Bardi et Peruzzi, ses dernières, déjà très mal en point en raison de bien d’autres clients non-solvables dont leur propre cité-Etat, ont fini par faire faillite, en 1345, entraînant dans leur sillage l’économie de l’ensemble de l’Europe. Deux ans plus tard, la peste noire a frappé et le scandale fut oublié. Les similitudes avec les temps présents sont saisissantes.
Après avoir éliminé entre 30 et 50% des populations européennes, la peste noire a tellement réduit la main d’oeuvre disponible que les ateliers en furent désertés et les champs abandonnés. Pour recruter les survivants, les employeurs les mieux-disants étaient les propriétaires d’ateliers, futurs bourgeois des cités, alors que les propriétaires terriens féodaux, leurs champs restés en friche faute de bras pour les cultiver, ont vu leur fortune et leur pouvoir politique décliné.
C’est la bactérie de la peste qui, en provoquant un effondrement démographique en Europe, a mis à genoux le système féodal. La bourgeoisie des cités, dopée par l’essor ainsi pris par la production manufacturière, n’a fait qu’exploiter cette opportunité pour reléguer, par la suite, aux oubliettes de l’Histoire les propriétaires terriens féodaux et tout le système économique basé sur la production agricole, fondement du système sociopolitique carolingien.
Et comme l’Histoire se plaît, quelques fois, à se répéter, on trouve également au 14ème siècle une grave crise d’endettement des nations européennes et les conséquences désastreuses d’une crise du système bancaire des cités-Etats italiennes déjà « libre-échangistes ». Quand le roi Edouard III d’Angleterre a déclaré, en 1342, une « cessation de paiement » de ses créances envers les banques florentines Bardi et Peruzzi, ses dernières, déjà très mal en point en raison de bien d’autres clients non-solvables dont leur propre cité-Etat, ont fini par faire faillite, en 1345, entraînant dans leur sillage l’économie de l’ensemble de l’Europe. Deux ans plus tard, la peste noire a frappé et le scandale fut oublié. Les similitudes avec les temps présents sont saisissantes.
Dans quelles dispositions est le Maroc ?
Où en est le Maroc dans ce monde en profonde mutation ? Il est alors important de se rappeler les sévères constats de faiblesses relevés par Bank Al-Maghrib, le Haut-Commissariat au Plan et la Cour des comptes il y a à peine 8 mois.
Des activités non-agricoles qui peinent à se relever depuis le précédent krach de 2008, des produits à l’exportation à faible valeur ajoutée et compétitivité, un Etat toujours aussi budgétivore privilégiant la solution de facilité du recours à l’endettement, des hommes politiques qui s’étripent pour des motivations bassement politiciennes à propos du grave et stratégique sujet de la réforme de l’enseignement, une recherche scientifique qui se morfond dans la misère du 1% du PIB qui lui est consacré…
Ce que le Coronavirus a ajouté au tableau, c’est la mise en évidence de la fragilité du tissu des TPE-PME, des travailleurs indépendants, l’ampleur du secteur informel (4,3 millions de ménages marocains !). Et ce ne sont pas les quelques masques de protection que le Maroc a commencé à exporter, une opportunité qui s’épuise déjà en raison de la surproduction qui a suivi le déficit dans nombre de pays, qui pourront faire l’arbre cachant la forêt.
Des activités non-agricoles qui peinent à se relever depuis le précédent krach de 2008, des produits à l’exportation à faible valeur ajoutée et compétitivité, un Etat toujours aussi budgétivore privilégiant la solution de facilité du recours à l’endettement, des hommes politiques qui s’étripent pour des motivations bassement politiciennes à propos du grave et stratégique sujet de la réforme de l’enseignement, une recherche scientifique qui se morfond dans la misère du 1% du PIB qui lui est consacré…
Ce que le Coronavirus a ajouté au tableau, c’est la mise en évidence de la fragilité du tissu des TPE-PME, des travailleurs indépendants, l’ampleur du secteur informel (4,3 millions de ménages marocains !). Et ce ne sont pas les quelques masques de protection que le Maroc a commencé à exporter, une opportunité qui s’épuise déjà en raison de la surproduction qui a suivi le déficit dans nombre de pays, qui pourront faire l’arbre cachant la forêt.
Autres temps, autres moeurs
Dans un monde où autant l’offre que la demande se sont effondrées, où la tendance au repli sur soi des consommateurs a été forgée par les semaines de confinement, d’anciens comportements d’achat vont disparaître pour laisser place à de nouveaux, auxquels les appareils productifs doivent s’adapter.
L’adaptation aux nouvelles tendances comportementales est donc d’abord intellectuelle, avant d’être celle des outils de production. Sous cet angle, le non-évènement du tweet d’Hélène Le Gal et le pseudo «point d’étape» du CSMD que lui aurait fait Chakib Benmoussa paraissent comme les relents d’une époque qu’ils ne savent peut-être pas tous les deux révolue.
L’adaptation aux nouvelles tendances comportementales est donc d’abord intellectuelle, avant d’être celle des outils de production. Sous cet angle, le non-évènement du tweet d’Hélène Le Gal et le pseudo «point d’étape» du CSMD que lui aurait fait Chakib Benmoussa paraissent comme les relents d’une époque qu’ils ne savent peut-être pas tous les deux révolue.
Ahmed NAJI
Repères
Les errements de diplomates d’un autre temps
La conception que se fait l’ambassadrice de France à Rabat de sa fonction et de la politique étrangère de son pays est à l’image de la présidence de François Hollande, dont elle a été conseillère pour l’Afrique du temps de l’éphémère gloire de l’opération Serval. C’est comme entendre siffler le vent dans le désert du Sahel, avec des jihadistes goguenards qui attendent patiemment dans leurs véhicules tout-terrain que les soldats français partent d’épuisement. Les attentes des Marocains envers leurs grands commis de l’Etat ont également grimpé à des standards plus élevés. Se faire danser par une diplomate étrangère ne fait pas partie des critères requis. Encore plus lorsque le personnage, également diplomate, chapeaute un collège de compétences élevées dont il est escompté une feuille de route pour le Maroc du 21ème siècle. C’est Jean Paul Sartre qui disait : « On ne fait pas ce que l’on veut, mais on est responsable de ce que l’on est ».
Quand la peste noire a décidé du Maghreb
Au Maroc, en 1348, la peste noire a mis fin aux ambitions des Mérinides d’unifier le Maghreb sous leur dynastie, 3ème et dernière tentative du genre après celles des Almoravides et des Almohades. L’épidémie est venue à bout du règne glorieux du Sultan Abou Al Hassan, détrôné par son fils. Cette même triste année a vu Ibn Khaldoun, alors jeune étudiant de 15 ans en philosophie à la fameuse Université Zitouna en Tunisie, perdre sa mère emportée par la peste et son père l’année d’après, un drame qui l’a marqué à vie et influé sur son oeuvre. Le théoricien de la « assabya » savait dans son âme meurtrie qu’un monde peut en remplacer un autre en moins de temps qu’il n’en faut pour s’en rendre compte.