Que reste-t-il de la gauche en Europe? L'un des derniers pays où elle gouverne, l'Espagne, s'est trouvé submergé par une marée conservatrice le 28 mai, lors des élections locales. Sur les dix plus grandes villes, les socialistes n'en dirigent plus qu'une, après avoir perdu –entre autres– Séville, Valence, Valladolid. Ainsi que six des dix régions qu'ils détenaient. La gauche radicale de Podemos est, elle, balayée, passant sous les 5% à Madrid et à Valence.
«Un tsunami», comme l'a reconnu un cadre socialiste espagnol, qui laisse peu d'espoir à Pedro Sánchez, l'actuel président du gouvernement et secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Dans la foulée de cette déroute, il a convoqué des élections législatives anticipées le 23 juillet.
Quelques jours avant, c'est en Grèce que la gauche subissait une déculottée historique. Lors des législatives du 21 mai, le parti Syriza d'Aléxis Tsípras a plafonné à 20% des voix. Malgré l'usure du pouvoir de son adversaire, le Premier ministre libéral Kyriákos Mitsotákis (Nouvelle Démocratie). Malgré les casseroles de ce dernier (affaire des écoutes illégales d'opposants, accident mortel de train dans la nuit du 28 février au 1er mars). Malgré l'inflation, supérieure à 10%. La droite a atteint 40% des suffrages, une configuration inédite depuis la fin de la dictature des colonels, dans les années 1970.
En avril dernier, c'est la Finlande qui passait à droite. À l'automne dernier, la Suède.
«Un tsunami», comme l'a reconnu un cadre socialiste espagnol, qui laisse peu d'espoir à Pedro Sánchez, l'actuel président du gouvernement et secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Dans la foulée de cette déroute, il a convoqué des élections législatives anticipées le 23 juillet.
Quelques jours avant, c'est en Grèce que la gauche subissait une déculottée historique. Lors des législatives du 21 mai, le parti Syriza d'Aléxis Tsípras a plafonné à 20% des voix. Malgré l'usure du pouvoir de son adversaire, le Premier ministre libéral Kyriákos Mitsotákis (Nouvelle Démocratie). Malgré les casseroles de ce dernier (affaire des écoutes illégales d'opposants, accident mortel de train dans la nuit du 28 février au 1er mars). Malgré l'inflation, supérieure à 10%. La droite a atteint 40% des suffrages, une configuration inédite depuis la fin de la dictature des colonels, dans les années 1970.
En avril dernier, c'est la Finlande qui passait à droite. À l'automne dernier, la Suède.
A gauche, reste la nostalgie
Bref, dès que l'on dézoome, cela se confirme: la situation de la gauche française (éliminée dès le premier tour de la présidentielle lors des deux derniers scrutins) n'a rien d'exceptionnel en Europe.
Sur vingt-sept pays, seule une poignée est désormais gouvernée par la gauche: l'Espagne (mais pour combien de temps?), le Portugal, la Slovénie. Elle dirige aussi la coalition au Danemark (où –signe des temps– la politique très ferme sur l'immigration suscite l'admiration internationale… de la droite). Sans oublier l'Allemagne: les sociaux-démocrates y gouvernent alliés aux Verts et aux libéraux. Bref, en Europe, la gauche de gouvernement deviendrait presque un oxymore.
Cela n'a pas toujours été ainsi. Il y a vingt ans, la carte électorale de l'Europe était largement teintée de rose. En 2003, avant l'élargissement de l'Union européenne (UE), la gauche dirigeait 13 des 15 gouvernements de l'UE. Lionel Jospin (PS) en France, Gerhard Schröder (SPD) en Allemagne), Tony Blair au Royaume-Uni (Parti travailliste)…
Les conservateurs européens devaient se contenter des strapontins –même si plusieurs des gouvernements cités ci-dessus ont versé davantage dans le social-libéralisme que dans la révolution prolétarienne. Comment expliquer qu'en deux décennies, les socialistes aient presque partout quitté les palais du pouvoir?
Le besoin d'un «homme ou d'une femme fort(e)»
Certes, toute généralisation est périlleuse. Chaque scrutin a ses enjeux nationaux. En Grèce, l'élection s'est jouée avec, en arrière-plan, la peur de l'expansionnisme turc de Recep Tayyip Erdoğan. En Espagne, la question des indépendantistes (catalans, notamment) traverse en filigrane tous les votes. Mais les dernières élections donnent quelques indices sur les ressorts de cette poussée à droite.
D'abord, la demande d'un «homme fort» ou d'une «femme forte». Dans un monde traversé par les crises (guerre en Ukraine, tensions entre les États-Unis et Chine), la prime va au dirigeant qui montre les muscles et promet la stabilité. D'où l'avantage des conservateurs. Ils ne planifient pas le Grand Soir, mais la continuité.
En Grèce, la récente campagne de Kyriákos Mitsotákis, après quatre ans de gouvernement, s'est résumée à deux arguments. Un, réarmer la défense nationale face aux menaces turques. Deux, garantir la stabilité économique, loin des traumatismes de la crise grecque. Ne pas faire peur aux marchés, ne pas effaroucher les créanciers. En somme: contre l'usure du pouvoir, le pouvoir de l'usure.
En Italie, Giorgia Meloni (Frères d'Italie), présidente du Conseil des ministres depuis le 22 octobre 2022, s'est présentée comme une femme à poigne, tout en minimisant le risque de bouleversements à l'international. Elle s'est affichée en alliée de l'Ukraine et en partisane de l'OTAN et des États-Unis, laissant d'ailleurs amers certains de ses alliés, plus volontiers prorusses.
En Espagne, le gouvernement de Pedro Sánchez a revendiqué des succès dans la lutte contre l'inflation et le chômage. Mais les partis de gauche se sont divisés sur une loi autorisant le changement de genre à partir de 16 ans, sans avis parental ni médical. Une «conquête sociale» selon la gauche radicale; un texte excessif d'après des cadres socialistes, qui ont vu dans cette loi sociétale controversée une explication de la déroute électorale.
Le succès des partis conservateurs doit aussi s'analyser en considérant l'âge de l'électorat. Désormais, un Européen sur cinq a plus de 65 ans. Selon l'ONU, en deux décennies (entre 2000 et 2021), l'âge médian est passé de 36 à 44 ans en Espagne; de 37 à 42 ans en France; de 39 à 47 ans en Italie.
(Avec Slate)
L'immigration en filigrane électoral
L'immigration rassemble. En tout cas les droites. Dans chaque pays, le sujet permet des rapprochements plus ou moins poussés entre la droite et l'extrême droite. Les deux blocs, souvent séparés sur l'économie (libéralisme contre étatisme) et sur l'Europe (intégration européenne contre nationalisme), se trouvent plus facilement sur la protection des frontières.
Dans son dernier meeting de campagne, dans une marée de drapeaux grecs et l'acropole en arrière-plan, le Premier ministre Kyriákos Mitsotákis a promis de «stopper l'immigration illégale». C'était le passage de son discours le plus applaudi. Son gouvernement est accusé de refouler les bateaux de migrants au large de la Turquie. Ce que les ONG dénoncent, ce que ledit gouvernement dément… mais ce que ses électeurs soutiennent.
En Espagne, le parti Vox, classé à la droite de la droite, a doublé le nombre de ses voix en quatre ans. Thème principal: l'immigration illégale, venue depuis les côtes marocaines à destination de l'Andalousie ou des Canaries.
Selon une récente enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) portant sur quatre pays européens, la phrase «il y a trop d'immigrés dans notre pays» obtient une adhésion majoritaire quelle que soit la nationalité du répondant (60% chez les Français, les Allemands et les Italiens, 57% chez les Britanniques).
Partout en Europe, le thème de l'immigration dope les droites. D'autant que l'Union européenne peine à définir une politique commune sur le sujet, au-delà du slogan usé «agir avec humanité et fermeté».
Dans son dernier meeting de campagne, dans une marée de drapeaux grecs et l'acropole en arrière-plan, le Premier ministre Kyriákos Mitsotákis a promis de «stopper l'immigration illégale». C'était le passage de son discours le plus applaudi. Son gouvernement est accusé de refouler les bateaux de migrants au large de la Turquie. Ce que les ONG dénoncent, ce que ledit gouvernement dément… mais ce que ses électeurs soutiennent.
En Espagne, le parti Vox, classé à la droite de la droite, a doublé le nombre de ses voix en quatre ans. Thème principal: l'immigration illégale, venue depuis les côtes marocaines à destination de l'Andalousie ou des Canaries.
Selon une récente enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) portant sur quatre pays européens, la phrase «il y a trop d'immigrés dans notre pays» obtient une adhésion majoritaire quelle que soit la nationalité du répondant (60% chez les Français, les Allemands et les Italiens, 57% chez les Britanniques).
Partout en Europe, le thème de l'immigration dope les droites. D'autant que l'Union européenne peine à définir une politique commune sur le sujet, au-delà du slogan usé «agir avec humanité et fermeté».