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Projet de loi de procédure civile entre légitimité constitutionnelle et cadre juridique

Tribune de Abdellatif Ouahbi, Ministre de la Justice


Rédigé par Abdellatif Ouahbi le Dimanche 21 Juillet 2024

​Le projet de loi de procédure civile a naturellement suscité un débat, étant donné son importance dans l’arsenal juridique et la nécessité de clarifier certains choix. Cependant, ce sujet est difficile à aborder, car les slogans ont souvent pris le pas sur une analyse juridique approfondie. Le texte est, par nature, rigide et complexe, susceptible de multiples interprétations et pouvant sembler limité dans sa portée. À mon avis, un juriste doit aborder le texte avec subtilité, car, malgré l’apparente spécificité des articles de loi, ceux-ci ne peuvent être dissociés de la logique générale et des interactions avec les autres textes de la procédure civile. Ainsi, de nombreuses opinions se sont révélées n’être que des slogans, ce qui m’empêche, en tant que responsable politique, de répondre par souci de respect et d’intégrité envers le texte.



Le débat sur ce projet de loi de procédure civile se heurte à de nombreux jugements préconçus, souvent justifiés par une lecture sélective de ses articles. Affirmer que ce projet de loi contient des dispositions contraires à la Constitution et aux normes internationales des droits de l’homme nécessitait une analyse scientifique rigoureuse et productive, capable de proposer des améliorations concrètes et d’éviter toute lacune dans le texte juridique. Cette approche permettrait de renforcer la qualité du texte et de réaliser ses objectifs nobles, à savoir garantir la protection des droits des justiciables.
 
En lisant ces allégations, et non des critiques, il apparaît qu’elles ne sont que des généralités ne fournissant aucune évaluation objective et globale du projet de loi, ni des dispositions importantes qu’il contient, répondant pourtant largement aux attentes de la société en matière de justice. Ce projet de loi vise à adopter un nouveau code de procédure civile capable d’accompagner les transformations de la société, en application des dispositions de la Constitution, des discours et messages royaux relatifs à la justice, ainsi que des différents documents nationaux concernés, et en harmonisation avec les conventions internationales ratifiées par le Royaume du Maroc.
 
En conséquence, pour répondre aux exigences de ce débat juridique, nous avons estimé que toute allégation de non-conformité du projet de loi aux dispositions de la Constitution et aux normes des droits de l’homme devait être soumise à une analyse scientifique rigoureuse. Cela inclut, d’une part, l’analyse des dispositions constitutionnelles pertinentes (première section), et, d’autre part, une présentation des normes internationales des droits de l’homme en lien avec la justice (deuxième section). Une troisième section sera consacrée à l’interaction avec les autres critiques adressées au projet de loi de procédure civile, lesquelles nécessitent une relecture attentive des dispositions du projet.
 
Première section : Les allégations de non-conformité de certaines dispositions du projet de loi à la Constitution
 
En examinant certaines opinions exprimées à cet égard, on remarque qu’un ensemble de dispositions du projet de loi de procédure civile ont été jugées contraires aux principes et règles constitutionnels, notamment :

 
  1. L’allégation selon laquelle l’article 383 établit une discrimination entre le citoyen et l’administration publique
 

En revenant aux dispositions de l’article 383 du projet, qui définit les cas dans lesquels le pourvoi en cassation suspend l’exécution, il apparaît qu’il n’établit aucune forme de discrimination entre le citoyen et l’administration publique. Cet article énumère de nombreux cas où le pourvoi en cassation suspend l’exécution dans des affaires concernant des personnes physiques, telles que les affaires de statut personnel, la falsification subsidiaire, la conservation foncière, et la validation des décisions judiciaires, entre autres. Ainsi, dire que les dispositions de cet article sont contraires à l’article 6 de la Constitution est une allégation erronée, car il n’y a pas de discrimination entre les personnes physiques et les personnes de droit public. En effet, la notion de discrimination selon la Constitution et les normes internationales implique que la jouissance d’un droit ne se fait qu’en raison d’une discrimination claire fondée sur la couleur, le sexe, la religion, ou l’origine nationale, ce que cet article ne reconnaît pas. Sachant que l’article 6 de la Constitution considère que la loi est la plus haute expression de la volonté de la nation, il est clair que la loi de procédure civile s’applique de manière égale à la fois aux citoyens et aux institutions publiques. De plus, les montants réclamés ou les décisions en litige concernent non seulement la personne impliquée, mais aussi le bon fonctionnement de l’administration, y compris la gestion des fonds publics, qui sont la propriété de tous. L’administration ne fait que gérer ces fonds à travers les lois financières.

 
  1. L’allégation selon laquelle l’article 30 instaure une discrimination entre les citoyens
 

Dans le cadre de la rationalisation et de l’amélioration des voies de recours, le projet de loi de procédure civile a introduit des modifications importantes visant à réduire le nombre de recours et à garantir un accès efficace à la justice, en tenant compte du type d’affaire et des exigences de la justice, selon des critères spécifiques estimés par le législateur en fonction de ses choix législatifs. Ainsi, le projet a relevé le seuil de compétence des tribunaux de première instance pour statuer en premier et dernier ressort à quarante mille (40 000) dirhams, et en premier ressort avec droit d’appel pour toutes les demandes dépassant quarante mille (40 000) dirhams.

Ce choix repose sur des considérations objectives n’ayant aucun lien avec une discrimination entre les justiciables, qu’ils soient personnes physiques ou morales, comme expliqué ci-dessus. Il est à noter que le droit de recours s’arrête au respect des autres droits des citoyens, et que le défendeur a le droit de contester les décisions dans les affaires inférieures à 40 000 dirhams par opposition devant le président du tribunal, afin de vérifier le respect de la loi. Ainsi, le projet consacre le principe du double degré de juridiction à travers les dispositions de l’article 32, permettant à la partie lésée par un jugement de première instance et en dernier ressort dans des litiges ne dépassant pas 40 000 dirhams de demander l’annulation devant le président du tribunal de première instance compétent.

Les motifs de ce recours incluent, par exemple, le non-respect par le juge de son champ de compétence, le défaut de conciliation entre les parties, la non-vérification préalable de l’identité des parties, le fait de statuer au-delà de ce qui est demandé, ou l'omission de statuer sur certaines demandes, comme le prévoit l’article précité. Le projet a donc préservé les droits des parties et garanti leur droit de défense même pour les litiges d’une valeur inférieure à 40 000 dirhams, assurant ainsi l’efficacité judiciaire souhaitée.
 
En revanche, le demandeur dispose également de droits. Si ceux-ci sont avérés, pourquoi devrait-il être alourdi par des frais et des procédures dont le coût dépasse le montant réclamé ? Cela ne serait-il pas une raison de renoncer à sa créance si les frais dépassent le montant du litige, tels que les frais d’avocat, de déplacement, de procédure, etc. ? De plus, le facteur temps peut constituer un fardeau psychologique et social important.
 
Le droit de recours devient une contrainte lorsqu’il est utilisé pour abuser des autres, ce qui est contraire à l’équité. Il convient également de noter que certains plaident pour l’obligation de recourir à un avocat dans ce type d’affaires. Or, ces affaires ne nécessitent pas un débat juridique complexe, mais plutôt une discussion factuelle. De plus, la profession d’avocat, en tant que profession libre, est indépendante de l’autorité et du citoyen, qui est à l’origine du litige et dont le choix de recourir aux services d’un avocat ou non doit être respecté. En fin de compte, le citoyen est le détenteur du droit et le seul à décider de faire appel ou non à un avocat.

 
  1. L’allégation de violation des articles 6, 118, 120 et 121 de la Constitution
 

Une lecture attentive des dispositions du projet de loi de procédure civile révèle qu’il vise à consacrer et mettre en œuvre tous les principes et règles constitutionnels garantissant à toute personne le droit de recourir à la justice et de défendre ses droits et intérêts légitimes protégés par la loi, sur un pied d’égalité. Il consacre également le droit de contester toute décision administrative devant la juridiction compétente, le droit à la défense, à un procès équitable, à une décision rendue dans un délai raisonnable, et à la gratuité des procédures pour ceux qui n'en ont pas les moyens, en conformité avec les articles 6, 118, 120 et 121 de la Constitution.
 
L’article 120 de la Constitution stipule que « toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable ». Contrairement à certaines affirmations, l’article 5 du projet de loi de procédure civile ne contredit pas cette disposition constitutionnelle. En effet, garantir à chaque personne le droit à un jugement rendu dans un délai raisonnable impose au juge l’obligation légale de rendre son jugement dans un délai raisonnable. Le juge est responsable de superviser et de contrôler toutes les procédures judiciaires de l’affaire dont il est saisi et de prendre toutes les mesures légales pour éviter les retards procéduraux et réduire les délais judiciaires. Le fait de statuer dans un délai raisonnable est un droit pour le citoyen, conformément aux pouvoirs constitutionnels du juge, qui doit protéger les droits des individus et des groupes, leurs libertés, leur sécurité juridique et appliquer la loi, conformément à l’article 117 de la Constitution.
 
Le nouveau projet de loi de procédure civile est conforme aux articles constitutionnels mentionnés, ainsi qu’à d’autres dispositions constitutionnelles pertinentes, en garantissant l’égalité d’accès à la justice pour tous les citoyens, en fixant des délais raisonnables pour statuer sur les affaires et en permettant l’exercice des recours dans des délais proportionnés au type de litige. Il ne contient aucune disposition portant atteinte aux droits et principes constitutionnels visant à garantir les conditions d’un procès équitable et à protéger les droits des justiciables sur un pied d’égalité. Le législateur est conscient de l’importance de mettre en œuvre les engagements imposés par la Constitution, en particulier en ce qui concerne les aspects liés à la garantie des libertés et des droits, considérés comme des acquis irréversibles selon l’article 175 de la Constitution.
 
Alléguer une violation des dispositions constitutionnelles nécessite de présenter les dispositions en question et de démontrer objectivement en quoi elles contreviennent à la Constitution, sur la base d’une analyse scientifique et objective. Cette analyse doit permettre de formuler des propositions juridiques convaincantes, susceptibles d’inciter le législateur à les adopter afin d’éviter toute lacune dans le texte juridique, et ainsi contribuer à son amélioration et à la réalisation des objectifs recherchés par tous ceux qui souhaitent garantir la protection des droits des citoyens et des justiciables sur un pied d’égalité.
 
L’obtention du droit ne dépend pas seulement de la délivrance d’un jugement équitable, mais également de sa rapidité. Ce principe n’a pas seulement sa légitimité dans le domaine pénal, mais aussi dans le domaine civil. Prolonger les délais et retarder les jugements revient à tuer le droit, soit en réalité, soit psychologiquement, avec des conséquences négatives sur le principe d’équité. Le rôle du juge civil est de protéger le droit et de permettre à son titulaire d’en jouir dans les plus brefs délais. Si le défendeur a le droit de se défendre, le demandeur, en tant que titulaire du droit, doit pouvoir en jouir rapidement et de manière appropriée, afin de garantir la stabilité sociale et des droits, ce qui contribue à la dynamique économique et permet de surmonter les complexités juridiques pour jouir pleinement de son droit.

 
  1. L’allégation concernant l’impossibilité de contester la constitutionnalité d’une loi
 

Selon l’article 133 de la Constitution, subordonner la possibilité de contester une loi pour inconstitutionnalité à la promulgation d’une loi organique définissant les conditions et les procédures d’application de cet article est infondé. Cet article stipule que la Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur toute exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’une procédure judiciaire, si l’une des parties affirme que la loi applicable au litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
 
Ainsi, pour mettre fin à toutes les discussions concernant la constitutionnalité du projet de loi de procédure civile et les allégations de domination de la majorité, il est important de noter qu’au contraire de certaines affirmations selon lesquelles il est impossible pour un parti politique de saisir la Cour constitutionnelle, l’article 132 de la Constitution permet à un cinquième des membres de la Chambre des représentants ou à quarante membres de la Chambre des conseillers de saisir la Cour constitutionnelle avant la promulgation des lois ordinaires, pour qu’elle se prononce sur leur conformité à la Constitution, sans attendre l’adoption de la loi organique relative à l’exception d’inconstitutionnalité. Cette disposition permet à l’opposition de soumettre les lois ordinaires à la Cour constitutionnelle, même sans majorité.
 
L’exception d’inconstitutionnalité est spécifiquement encadrée par les articles 129, 130, 131 et 132, et elle relève exclusivement de la compétence de la Cour constitutionnelle. Ce cadre repose sur la création de la Cour constitutionnelle et l’attribution d’une nouvelle compétence en vertu de l’article 133, qui donne aux parties le droit de contester la constitutionnalité d’une loi au cours d’une procédure judiciaire. Ce choix est très positif, car il unifie l’interprétation constitutionnelle des textes législatifs et confie cette compétence à une seule juridiction. Si nous permettons aux juges du fond de statuer sur l’inconstitutionnalité, cela pourrait entrer en contradiction avec l’exclusivité de la compétence de la Cour constitutionnelle, dont les décisions sont contraignantes, exécutoires et annulent les dispositions législatives jugées inconstitutionnelles.
 
 
Deuxième Axe : Allégations Concernant la Non-Conformité de Certaines Dispositions du Projet de Loi sur le Code de Procédure Civile avec les Principes des Droits de l’Homme
 

Lorsqu’il est question des principes des droits de l’homme dans toute proposition ou critique, il est méthodologiquement requis de se conformer à ces principes selon les définitions établies dans les instruments internationaux. Ceux-ci définissent de manière précise plusieurs concepts liés à la justice et aux droits de l’homme en général, tels que l’égalité, la non-discrimination, le droit à la défense, les jugements rendus dans un délai raisonnable, l’assistance judiciaire et l’accès gratuit à la justice. Ces principes sont reconnus internationalement à travers des déclarations, des conventions, des recommandations, des commentaires généraux et des décisions émanant des organes des Nations Unies et de leurs mécanismes. Par conséquent, protester contre le non-respect de ces droits et principes ne peut s’écarter de ce qui est stipulé dans ces documents, qui portent souvent une force contraignante en tant que cadre normatif internationalement accepté.
 
Sur cette base, les opinions affirmant que le Projet de Loi sur le Code de Procédure Civile viole des principes des droits de l’homme n’ont pas fourni d’analyse scientifique et objective pour élucider les aspects spécifiques où le projet serait en violation de ces principes dans le cadre normatif mentionné. Cela diminue leur pertinence académique, les reléguant au domaine de la rhétorique souvent teintée de partialité politique et professionnelle. En effet, contester les violations de principes tels que la non-discrimination, l’égalité, le droit à la défense, l’accès gratuit à la justice, entre autres, est convaincant seulement lorsque ces principes et droits sont définis précisément et que leur contravention dans les dispositions du projet est démontrée. Cette analyse critique a largement fait défaut dans ces écrits et opinions, comme expliqué précédemment, se concentrant plutôt sur des généralités qui ne répondent pas aux exigences d’une critique constructive nécessaire pour constituer une base solide pour un dialogue significatif.
 
Les droits ont des implications universelles, et bien que leur mention puisse sembler évidente, il est crucial de pointer précisément les textes violant ces droits, et de clarifier la nature, la forme et l’importance de ces violations pour engager un dialogue sincère et constructif. J’aurais sincèrement souhaité que nous puissions identifier précisément ces textes et leurs conflits avec les textes et les droits internationaux, afin de pouvoir traiter le texte national en pleine conformité avec le texte international, plutôt que de les utiliser simplement comme des slogans, ce qui est une question distincte.

 
Troisième Axe : Répondre à d’Autres Critiques Adressées au Projet de Loi sur le Code de Procédure Civile
 

Reconnaissant le rôle crucial de la justice procédurale dans la garantie de conditions de procès équitable et d’efficacité judiciaire, le projet de loi a, contrairement à certaines allégations, intégré de nombreuses nouvelles dispositions. Ces dispositions visent à assurer un accès effectif et équitable à la justice et à surmonter les obstacles juridiques et pratiques qui entravent la résolution rapide des litiges civils. De plus, le projet de loi inclut des mesures visant à fournir des solutions efficaces pour accélérer l’exécution des jugements et pour satisfaire rapidement les droits des parties, en exploitant les avancées numériques de notre pays et en utilisant des applications qui simplifient les procédures juridiques à toutes les étapes du litige. Le législateur s’est également assuré que toutes ces dispositions sont conformes aux droits garantis par la constitution et aux obligations internationales du Royaume du Maroc.
 
Il est pertinent de rappeler le chemin parcouru par ce projet de loi, qui n’a pas été enveloppé de secret mais a adopté une approche collaborative avec tous les acteurs de la justice, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement. Cela a été réalisé à travers l’organisation de plusieurs réunions nationales documentées en partenariat avec le secteur ministériel concerné. Le processus de préparation a impliqué des discussions approfondies auxquelles ont participé des universitaires, des parlementaires, des juges, des avocats, des défenseurs des droits humains, des étudiants chercheurs, ainsi que divers professionnels du domaine juridique et judiciaire, et des associations professionnelles et syndicales pertinentes. Ces réunions ont constitué une occasion importante d’échanger des points de vue entre différents acteurs et de recueillir des commentaires constructifs.
 
De plus, tout le monde sait que le projet de loi a été soumis au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, au Procureur Général, ainsi qu’à plusieurs secteurs gouvernementaux, syndicats et associations professionnelles pour recueillir leurs avis sur ses dispositions. Cela a permis d’enrichir le projet avec plusieurs observations soumises par ces entités, contribuant ainsi à améliorer plusieurs de ses articles, contrairement à toutes les allégations soulevées comme nous l'expliquerons ci-dessous :
 
  1. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles l’abrogation de la loi actuelle sur la procédure civile en vigueur affecterait plus d’un demi-siècle de jurisprudence et la stabilité du travail judiciaire.
 

Le projet de loi sur la procédure civile n’est qu’une partie intégrante du cadre gouvernemental visant à activer le projet de réforme judiciaire dans six domaines prioritaires. Il est évident que la mise en œuvre de la réforme souhaitée dans ces domaines ne peut se faire que par l’adoption d’une nouvelle loi sur la procédure civile incluant des dispositions répondant aux attentes des demandeurs pour l’adoption d’une loi civile procédurale capable de suivre les évolutions mondiales, avec les défis juridiques et réels qu’elles entraînent.
 
Contrairement aux allégations selon lesquelles le projet de loi sur la procédure civile affecterait plus d’un demi-siècle de jurisprudence et perturberait la stabilité du travail judiciaire, ce projet a en fait introduit plusieurs principes déjà établis par la jurisprudence et fréquemment cités par le Conseil Supérieur précédemment – actuellement la Cour de Cassation. De plus, il a adopté plusieurs règles procédurales qui tiennent compte des spécificités de la réalité marocaine dans une formulation juridique claire et fluide facilitant la compréhension du contenu des textes et des intentions du législateur, en conciliant la nécessité de précision et de clarté dans la formulation avec l’efficacité et l’efficience judiciaire, éléments clés de la réforme.
 
Ainsi, ce projet a consolidé plusieurs interprétations judiciaires et a codifié des principes établis dans divers cas, tels que la capacité de la Cour d’appel de statuer sur un appel, que ce soit sur la forme ou sur le fond du jugement, et le rôle crucial de l’avocat en tant que lien entre le tribunal et les parties. Il a également clarifié que la notification des actes judiciaires aux parties par le biais de leurs avocats constitue une notification légale. De plus, il a accordé à la cour civile le pouvoir de statuer sur une action en annulation pour fraude initiale, et a précisé que si un jugement sur un différend indivisible est rendu, il ne peut faire l’objet d’un appel que s’il est dirigé contre toutes les parties, comme dans le cas d’un jugement de liquidation… etc. Par conséquent, contrairement aux allégations susmentionnées, l’adoption d’une nouvelle loi sur la procédure civile contribuera à promouvoir plusieurs interprétations judiciaires établies et à les consolider en principes juridiques efficaces, renforçant ainsi la stabilité du travail judiciaire et par conséquent la stabilité des conditions sociales et économiques.
 
En conséquence, la créativité et l’interprétation judiciaire ne s’arrêtent pas avec l’adoption d’une loi, mais évoluent et prennent de nouvelles dimensions qui contribueront à consolider la justice, car la loi possède une âme qui évolue avec l’humanité qui garantit son existence et sa pérennité. L’interprétation judiciaire est conditionnée par l’humanité et l'application collective de l’intelligence dans le domaine du droit. Se reposer uniquement sur les réalisations du passé risque de figer l’avenir du droit. Nous devons utiliser les interprétations et les innovations du passé pour faire face à l’avenir et construire un arsenal juridique qui soit un pilier pour le présent et l’avenir. Du point de vue juridique, je crois qu’il est impératif d’affronter l’avenir en s’appuyant sur les efforts d’interprétation, d’innovation et de production intellectuelle du passé, et non pas simplement de s’y reposer, afin de ne pas être dépassés par le temps et de tomber dans la stagnation juridique.
 
2. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le projet n’a pas proposé de solutions efficaces pour la notification et l’exécution : 

 
Le projet de loi introduit de nouvelles dispositions relatives à la notification. Il prévoit la possibilité d’utiliser les informations disponibles dans la base de données liées à la carte nationale d’identité électronique lorsque la notification est impossible, notamment lorsque le défendeur est inconnu à l’adresse indiquée dans la citation ou a déménagé. L’adresse indiquée sur la carte nationale d’identité électronique est reconnue comme l’adresse officielle pour toutes les procédures judiciaires. De plus, il attribue la responsabilité de la notification exclusivement à un commissaire judiciaire, avec la possibilité pour le tribunal de faire appel aux autorités administratives et aux greffiers pour assister dans le processus. Le projet permet également au tribunal d’utiliser la base de données des adresses résidentielles des demandeurs pour les procédures de notification et de suivi des affaires, intégrée à la carte nationale d’identité électronique en cas de difficultés juridiques, et accorde aux parties au procès le droit de recevoir une copie de la citation du greffe une fois que la preuve documentaire de la plainte est disponible, afin de garantir la notification par un commissaire judiciaire, tout en éliminant la procédure de notification par huissier après avoir prouvé son inefficacité.
 
En outre, le projet de loi a introduit des mesures significatives pour surmonter les défis liés à l’exécution des jugements et pour assurer la satisfaction des droits des demandeurs dans des délais raisonnables. Pour la première fois, il institue la fonction de juge de l’exécution, doté de vastes pouvoirs, et il réglemente précisément la procédure à suivre devant lui, ainsi que les règles générales concernant la supervision et la surveillance des procédures d’exécution, y compris la compétence pour statuer sur les difficultés matérielles et juridiques entravant l’exécution.
 
Contrairement à ce qui est allégué, le projet de loi comprend plusieurs dispositions législatives visant à sécuriser les échanges électroniques de procédures entre les différentes cours du royaume et avec d’autres acteurs du domaine judiciaire, en adoptant des dispositions légales favorisant le procès à distance via une plateforme électronique officielle spécialement conçue à cet effet. Il autorise également l’utilisation de comptes électroniques professionnels pour la communication avec les tribunaux, permettant la notification électronique aux parties intéressées via leurs adresses électroniques officielles conformément à la base de données centrale de la notification électronique, en plus de nombreuses autres mesures visant à établir une infrastructure informatique avancée et des logiciels de gestion de cas pour accélérer le traitement des affaires et garantir la transparence dans leur gestion.
 
De plus, le projet de loi intègre l’utilisation des moyens de communication électronique dans les procédures judiciaires civiles et promeut l'échange numérique de données dans les interactions des tribunaux avec les avocats, les experts, les parties et les procédures, en adoptant une plateforme électronique officielle pour les procès à distance. Il autorise l’utilisation de comptes électroniques, de courriels, d’adresses électroniques et de signatures électroniques, ainsi que l’utilisation de moyens électroniques dans les procédures de notification, de publication et de vente aux enchères publiques.
 
3. Concernant l’interdiction de saisie des biens de l’État et des collectivités locales :
 

Si l’objectif principal de la justice administrative est de promouvoir des objectifs nobles tels que la protection des droits des citoyens contre les abus administratifs, alors accorder une protection juridique aux biens et propriétés de l’État, des collectivités territoriales ainsi que de leurs groupes et organismes contre la saisie, comme stipulé à l’article 502 du projet de loi sur la procédure civile, revêt une importance équivalente. Cela découle de considérations objectives qui font de cette mesure une garantie légale empêchant l’épuisement des ressources de l’État et facilitant le respect de ses obligations constitutionnelles en matière de protection des droits économiques, sociaux, culturels, et autres droits fondamentaux. La perturbation de ces droits priverait un grand nombre de citoyens de ressources essentielles pour répondre à leurs besoins quotidiens, tels que le paiement des salaires, la fourniture de soins de santé, d’éducation, d’infrastructures et de sécurité. Ainsi, l’inscription de l’incapacité de saisir les fonds et biens de l’État, des collectivités territoriales, de leurs groupes et organismes, ne constitue en aucune manière une atteinte aux droits des demandeurs ni une forme de discrimination. Cette disposition n’entrave pas l’exécution des jugements par d’autres moyens légaux, tout en assurant le recouvrement des droits des demandeurs de manière à préserver la capacité de l’État et des collectivités locales à honorer leurs obligations, comme précédemment indiqué.
 
Ce sujet a suscité un vif débat lors de son intégration dans la législation financière, justifié par le fait qu’il garantit la continuité des services publics, qui sont essentiels au bon fonctionnement des institutions et donc dans l’intérêt général. Je suis convaincu que notre pays n'est pas le seul à inclur’ cette disposition, chaque État ayant un budget défini qu’il ne peut dépasser même si cette restriction était levée. Cependant, est-il raisonnable d’exécuter une saisie sur un véhicule d’urgence tel qu’une ambulance ou un camion de collecte des déchets, tous destinés au service des citoyens et financés par leurs impôts ? Ou devrions-nous garantir la continuité des services publics, conçus pour servir l’ensemble des citoyens et non les parties à un litige ? La réponse exige un débat approfondi et une réflexion claire afin de trouver une solution pratique et législative à cette question complexe. Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’État doit exécuter les jugements rendus au nom de Sa Majesté le Roi, tout en équilibrant cela pour assurer la continuité des services publics et garantir la prestation de services aux citoyens.
 
4. En ce qui concerne l’introduction de l’obligation de recourir à un avocat lors des procès :
 

Les propositions visant à imposer à tous les plaignants de mandater un avocat dans toutes les affaires pour les représenter devant la justice vont à l’encontre des principes fondamentaux relatifs aux droits de la défense. Elles portent atteinte au droit à l’assistance judiciaire, garantissant à chacun cette assistance gratuitement, sans alourdir leur fardeau financier, même en l’absence des ressources nécessaires pour supporter les frais de la défense par un avocat. Ces propositions contredisent clairement les droits de la défense énoncés à l’article 120 de la Constitution, tout comme le droit à un procès gratuit pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour poursuivre, comme stipulé à l’article 121 de la Constitution.
 
Ce sont les principaux arguments que j’ai choisi de contribuer scientifiquement à la discussion en cours, affirmant que ces défenses ne visent pas à défendre un ministre ou même le ministère de la Justice, mais plutôt à protéger les conditions d’une justice équitable.
 

Abdellatif Ouahbi,
Ministre de la Justice







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