Après la polémique provoquée lors du confinement suite à des factures assez salées, gonflées par des frais exagérés qu’impose la société délégataire à ses clients, le problème des coupures d’alimentation suscite la curiosité des Marocains, notamment quant à l’origine de cette pratique qui les agace et les prive d’un droit reconnu en 2010 par l’ONU comme un « droit de l’homme fondamental ».
De nombreuses personnes, de Rabat ou Salé, se plaignent de ce qu’ils considèrent « des frais fictifs » qui viennent alourdir le fardeau dans une situation exceptionnelle, marquée par un taux de chômage élevé dû aux répercussions du Covid-19.
La coupure attend tout « mauvais payeur »
« Si le paiement de la somme due par l’abonné, public ou privé, n’intervient pas 10 jours ouvrables après la présentation de la facture, un avis de suspension de l’alimentation lui est laissé sur place. L’abonné aura 8 jours calendaires en plus pour régler la dette, faute de quoi, la suspension de l’alimentation sera effective », peut-on lire dans le règlement des services de Redal. Un constat qui nous a été expliqué, différemment, par Hassan Berraud, directeur clients particuliers.
Ce dernier a indiqué qu’il s’agit de « 19 jours de délai de paiement après la réception de la facture, ensuite nous envoyons un avis de relance de 6 jours avant d’envoyer le dernier qui est d’un délai de 2 jours, tout en avisant le client qu’il est indispensable de régler sa facture avant de procéder à toute intervention nécessitant la suspension de l’un de nos services ». Ce qui est considéré par M. Berraud comme étant « une marge de temps assez suffisante pour qu’un client puisse se présenter à l’une de des agences ou de procéder au paiement de ses factures à distance avant que nous soyons dans l’obligation de procéder à la coupure qui n’est pas une fin en soi, mais nous permet de stopper l’hémorragie ».
Pour ce qui concerne les frais qualifiés de « fictifs », il a noté qu’il est question de « frais d’intervention technique » et non de pénalités. Ceux-ci sont, en effet, les frais de tout déplacement que ce soit pour la suspension de l’alimentation ou pour la distribution des avis de notification. Une pratique jugée « arbitraire » et illégitime par Mimoune Chtibi, président de l’Association Essalam pour la Protection du Consommateur de Salé. (Voir 3 questions ci-dessous).
Tous égaux devant une facture
Dans le cadre des facilités proposées par l’entreprise, soucieuse quant aux catégories les plus défavorisées, notre interlocuteur a fait savoir que « nous avons fixé un tarif social, moins de 200 DH, où nous ne relançons pas l’abonné au bout du premier mois de facture impayée ».
Pour faire taire les mauvaises langues qui pointent du doigt la gestion de ladite société à propos du favoritisme entre les clients, Fouad Chaouni, directeur de la communication à Redal, a fait remarquer que « nous avons un système intelligent et bien paramétré pour que la cible de la coupure soit détectée de manière scientifique, sans prendre en considération un bon ou un mauvais payeur, car c’est du traitement au cas par cas ».
Tout en précisant que les recettes de Redal émanent de la facturation, M. Chaouni a noté que « nous sommes dans l’obligation de payer nos fournisseurs, nos salariés et nos sous-traitants à temps. Si nous ne sommes pas payés au moment opportun, nous ne pouvons pas s’approvisionner en eau et en électricité respectivement de l’Office national de l’eau potable (ONEP) et de l’Office national de l’électricité (ONEE) pour le redistribuer après ».
Le directeur des clients particuliers a, in fine, souligné que « tous les délais sont contractuels, donc nous ne faisons qu’appliquer ce qui est mentionné dans le cahier des charges. Dans des cas de difficultés financières, l’abonné est appelé à contacter le centre service client ou l’agence pour traiter les demandes et trouver une solution, particulièrement à l’aide des facilités de paiement ».
Siham MDIJI
3 questions à Mimoune Chtibi
« Toute personne doit être informée de manière claire, objective et loyale avant de conclure tout contrat »
Président de l’Association Essalam pour la Protection du Consommateur de Salé, Mimoune Chtibi répond à nos questions à propos de la facturation et les avis de coupure qu’un citoyen reçoit en cas de retard de paiement.
- Certaines voix s’élèvent concernant les frais taxés en cas de retard de paiement. Avez-vous déjà reçu des plaintes en la question ?
- Nous avons déjà eu des réunions avec des responsables de Redal où nous lui avons expliqué que les pénalités qu’ils appliquent aux consommateurs sont loin d’être légitimes. En effet, nous avons reçu plusieurs plaintes contre les frais supplémentaires, spécialement ceux qui s’appliquent en cas de retard de paiement. Il s’agit de 32 DH et des frais de coupure d’eau ou d’électricité qui sont de 75 DH. Ce qui est inacceptable, c’est que le contrat scellé entre ladite société et le client ne comporte pas de clause justifiant l’origine de ces charges. Cela doit au moins figurer au dos de la facture pour que le consommateur soit au courant de ce qu’il paie.
- Que dit la loi du consommateur dans ce cas-là ?
- La loi oblige tout fournisseur de services ou de produits de respecter au moins cinq principes, notamment les droits à l’écoute et à la représentation ainsi que celui relatif à l’information. Toute personne doit être informée de manière claire, objective et loyale avant de conclure tout contrat, tout comme le fournisseur doit mettre à disposition des consommateurs toutes les informations nécessaires pour qu’ils puissent faire un choix rationnel, conformément à leurs besoins et à leurs moyens.
- Avez-vous des solutions à proposer ?
- Il est vrai que les agents de Redal veillent à l’information du citoyen avant de procéder à la coupure de l’eau ou de l’électricité, mais la manière utilisée n’est pas efficace puisque les avis de relance sont mis dans une boîte aux lettres, ce qui, parfois, n’arrive pas à l’abonné qui se surprend en cas de suspension de l’alimentation. Ces avis doivent être distribués de main en main pour éviter tout malentendu. J’invite Redal à être plus fluide et plus compréhensive lorsqu’il s’agit des coupures, car il y a des familles qui vivent dans la précarité totale et à repenser sa manière de communication avec le citoyen.
Recueillis par S. M.