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Réanimation dans les hôpitaux…Y a-t-il pénurie d’oxygène au Maroc ?


Rédigé par Saâd JAFRI Vendredi 16 Octobre 2020

Depuis des semaines, on entend parler d’une présumée pénurie en oxygène, et ce, suite à la hausse de la demande causée par le nouveau rebond des contaminations et le retour des patients aux hôpitaux. Les professionnels du secteur nous éclairent sur la question.



Réanimation dans les hôpitaux…Y a-t-il pénurie d’oxygène au Maroc ?
Compte tenu de l’évolution inquiétante de la crise sanitaire dans le Royaume, la question de la disponibilité de l’oxygène médical dans les hôpitaux en quantités suffisantes se pose. De nombreux hôpitaux du pays disposent de bouteilles d’oxygène dans les blocs opératoires et les services, ainsi que de concentrateurs, et d’équipements portatifs qui permettent de filtrer et de purifier l’air ambiant. Néanmoins, les petites structures ont un manque flagrant de ce genre d’équipements.

Ne serait-ce que la semaine dernière, pas moins de six personnes admises en réanimation à l’hôpital provincial Mohammed V d’El Jadida ont trouvé la mort simultanément, suite à une présumée «défaillance au niveau de l’approvisionnement des malades en oxygène», selon des sources locales. À Agadir, les choses sont identiques. La parlementaire istiqlalienne Zineb Kayouh a tiré la sonnette d’alarme au sein du Conseil régional Souss Massa en soulignant «qu’il y a pénurie dans la région, au point que les patients sont obligés d’acheter leurs propres bonbonnes d’oxygène» pour se faire soigner, et en cas de retard de la commande, ces derniers se retrouvent face à un danger de mort.

Y a-t-il vraiment pénurie d’oxygène au Maroc ?

« L’Opinion » a posé cette question aux opérateurs du secteur des gaz médicaux, qui nous ont affirmé que «l’oxygène médical est disponible à des quantités largement suffisantes». Driss Benhima, ex-ministre des Transports et des Mines et président du Conseil d’administration d’Air Liquide Maroc, un des leaders du marché de fourniture de gaz industriel et médical au Maroc, nous explique «qu’il n’y a aucune pénurie au niveau de la production». C’est-à-dire que les usines sont largement capables de faire face à la hausse de la demande provoquée par la dégradation de la situation épidémiologique que connaît actuellement le Maroc. L’oxygène, qu’il soit médical ou industriel, est un gaz extrait de l’air ambiant. Sa production passe par la compression de ce dernier, un processus que les grands opérateurs historiques maîtrisent parfaitement précise-t-on de la même source. Néanmoins, le problème aujourd’hui, est que «l’explosion de la demande» est confrontée aux installations dont disposent certains établissements hospitaliers, qui sont en inadéquation avec la demande actuelle. «En temps normal, un réservoir d’oxygène type, est conçu pour recevoir des cargaisons toutes les semaines, vu que la consommation n’est pas très importante. Or, aujourd’hui dans certains cas, nous sommes obligés d’aller une fois par jour pour remplir les citernes ou autres types de conteneurs», nous indique M. Benhima, et ce, du fait que lesdits établissements n’ont pas amélioré leur capacité de stockage.

C’est la logistique qui fait défaut !

L’approvisionnement des établissements sanitaires en oxygène requiert des rotations très importantes de livraison. Le parc de camions dont disposent les producteurs n’est pas suffisamment large pour faire des livraisons à cadence régulière et journalière. Des camions-citernes spéciaux sont utilisés pour le transport des gaz liquides chez les clients et leur achat ne se fait pas du jour au lendemain. «Ce sont des camions qu’il faut importer. Les citernes doivent être agréés. C’est une affaire de plusieurs mois, voire une année», apprend-t-on de la même source. Néanmoins, il y a une alternative pour remédier aux problèmes d’approvisionnement et rationaliser l’alimentation en oxygène. Les professionnels proposent de regrouper les patients, en ces temps de crise, dans un nombre précis d’établissements «pour optimiser les rotations logistiques». Vu les difficultés de mise en place d’une telle mesure, le Chirurgien et député istiqlalien, Allal Amraoui, appelle à l’amélioration de l’infrastructure des établissements en question (voir 3 questions à). «Il est particulièrement important de tirer les enseignements de cette crise Covid-19 pour réformer notre système hospitalier, et plus largement notre système de santé afin de lui permettre d’adapter son organisation et son fonctionnement afin qu’il soit plus résilient », a-t-il affirmé.

Le temps de trouver une solution durable, les opérateurs sont d’ores et déjà en train d’installer des réservoirs plus volumineux pour les hôpitaux en besoin, afin de réduire les allers-retours des camions. Par ailleurs, des concertations sont en cours entre les producteurs et l’Association Marocaine De L’Industrie Pharmaceutique (AMIP) pour mettre fin, une fois pour toute, à cette problématique qui inquiète les professionnels de la Santé.
 
Saâd JAFRI

3 questions à Allal Amraoui

Réanimation dans les hôpitaux…Y a-t-il pénurie d’oxygène au Maroc ?
« Il faut espérer que nos moyens modestes ne soient pas dépassés »

Allal Amraoui, Chirurgien et député Istiqlalien à la Chambre des Représentants, a répondu à nos questions sur les dysfonctionnements du système de Santé marocain.

- La crise sanitaire a mis sous tension le système hospitalier du Royaume, au point que certains hôpitaux peinent à s’approvisionner en oxygène. Que pourraient être les raisons derrière ce dysfonctionnement ?

- Cette crise Covid-19 a été à la fois soudaine, brutale et d’une durée de plus en plus exceptionnelle.   Elle a soumis le système hospitalier national et mondial à une tension très forte et inédite. Je ne pense pas qu’il y ait un problème de disponibilité en matière première (oxygène), car il faut souligner que la demande actuelle pour la prise en charge des malade Covid est globalement compensée depuis le début de la pandémie, par un recul manifeste des actes médico-chirurgicaux consommateurs d’oxygène. Il est de notoriété publique que le manque a été enregistré depuis le début surtout en lits de réanimation qui impliquent une infrastructure complexe avec une source d’oxygène au profit du malade, souvent un respirateur, mais aussi, et obligatoirement, de ressources  humaines qualifiées. C’est assurément sur ces points que notre système a montré des failles.

- Ne faut-il pas renouveler, améliorer la capacité de stockage des hôpitaux pour combler ces failles, surtout que le Maroc connait une nouvelle flambée des contaminations ?

- Il faut reconnaitre que l’ensemble de nos structures hospitalières ne disposaient pas d’une autonomie suffisante en circuits et en moyens de stockage en fluides médicaux. Un effort a été, et continue d’être fait dans ce sens. Reste à espérer que nos moyens modestes ne soient pas dépassés.

- La pandémie a dévoilé les multiples lacunes de notre système de Santé, manque d’équipements, de ressources humaines…et la liste n’est pas exhaustive. Alors que le débat sur le PLF 2021 approche à grand pas, quelles sont vos perspectives pour ce secteur ?

- Je suis convaincu qu’aujourd’hui, une unanimité nationale s’est dégagée pour augmenter le budget alloué à notre système de santé. Cela passera obligatoirement par la recherche d’autres sources de financement et par la généralisation de la couverture médicale et sociale. Ce gigantesque chantier, lancé par SM le Roi, est à même de matérialiser l’effectivité du droit humain fondamental à la santé. Notre pays se doit d’adapter son système de santé pour améliorer son fonctionnement et le préparer à de futures crises. Pour cela, nous nous devons de développer nos capacités d’anticipation et d’adaptation face aux menaces potentielles, en plus de disposer de  managers capables d’assurer le bon fonctionnement d’un hôpital moderne.

Recueillis par S. J.

Encadré

Gaz & Services de santé : Les précisions d’Air liquide
Bruno Roques, Directeur général d’Air liquide Maroc, spécialiste en production, conditionnement et commercialisation des gaz industriels et médicaux, nous affirme qu’il y a eu une augmentation significative du besoin depuis le mois d’aout. La rapidité avec laquelle la situation évolue crée certaines difficultés techniques, notamment en termes de logistique. M. Roques précise par ailleurs, que l’entreprise en partenariat avec les hôpitaux travaillent actuellement sur des solutions. «Il faut avoir une visibilité sur les besoins des hôpitaux, le plutôt possible pour qu’on puisse réagir rapidement et de manière efficace. Indépendamment de toutes les contraintes techniques, financières et administratives, l’objectif ultime reste de faire parvenir l’oxygène aux patients », a-t-il souligné.

Concernant les préparatifs pour la crise sanitaire, le DG d’Air liquide nous a précisé que dès le mois de mars, l’entreprise a lancé une opération de récupération de bouteilles, baptisée «une bouteille une vie». Ils sont parvenus à récupérer 1500 bouteilles, dont 500 ont été transformés en bouteilles d’oxygène, «c’est tout petit par rapport au besoin, mais ce chiffre vient s’ajouter aux stocks dont nous disposons, qui ont été augmentés de 10% en début d’année», précise-t-on de même source.

Cela dit, le chiffre d’affaires de l’entreprise a été touché de plein fouet suite à l’impact défavorable de la conjoncture économique actuelle sur les ventes de gaz industriel. Il convient que du côté de Maghreb Oxygène, concurrent direct d’Air liquide, les choses sont de l’identique. Pour rappel, l’entreprise a réalisé au cours du premier semestre  2020 un résultat net consolidé de 2,7 millions de dirhams (MDH), contre 8,4 MDH lors de la même période de l’année dernière.
 

Repères

La question de pénurie ne se pose pas !
Quand la crise a démarré, il y a eu une baisse de la consommation de l’oxygène dans le pays, du fait que les personnes avaient déserté les hôpitaux par peur d’être contaminées. Or, les professionnels s’attendaient à une explosion de la demande. «Nous avons entrepris un ensemble de mesures pour faire face à la pandémie, notamment, l’entretien des usines, entretien des camions, récupération des bouteilles auprès de certains établissements qui ne tournaient plus, etc. La question d’une incapacité de production ne se pose absolument pas», nous indique un professionnel opérant dans le secteur.
Rappel d’une énième affaire à Marrakech
Après une vague d’indignation contre la situation sanitaire à Marrakech, une  commission a été chargée d’enquêter sur l’affaire. Cette dernière a relevé de graves dysfonctionnements dans la prise en charge des malades atteints de Covid-19, dont une grave pénurie d’oxygène qui a mis la vie de plusieurs malades en danger. Les autres hôpitaux ont également manqué de médicaments, de lits et d’ambulances.








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