« I just Got My PHD », il s’agit d’une phrase rarement prononcée et un honneur beaucoup ambitionné. Vu les longues années d’études parcourues avant même de s’y inscrire, le doctorat est le diplôme le plus en vue de l’Université. Au Maroc, malgré les différentes initiatives publiques lancées, le Royaume compte seulement 1.508 chercheurs pour chaque million d’habitants, soit environ trois fois moins qu’en Malaisie (4.750) et environ six fois moins qu’en République Tchèque (10.124).
Les raisons de ce positionnement sont multiples, à savoir le manque de subventions, l’absence de visions et parfois un encadrement qui laisse à désirer. Selon une étude évaluative publiée le 15 avril 2022 par le Conseil Supérieur de l›Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique, au niveau national, il n’existe pas d’agence officielle dédiée à la gestion des financements et des appels à projets, contrairement aux autres pays de la comparaison où l’on observe que cette mission est confiée à un organe spécifique.
En effet, au Brésil, le Conseil National du Développement de la Science et de la Technologie (CNPq) occupe une place centrale dans le financement de la recherche. Dans la République Tchèque, autre exemple, c’est la Fondation tchèque des sciences (GACR) qui est la principale entité de financement au niveau national. En Malaisie, c’est plutôt le ministère de l’Enseignement Supérieur qui se place comme principal bailleur de fonds, alors qu’en Afrique du Sud c’est la Fondation nationale de recherche (NRF) qui représente l’entité de référence pour le financement de la recherche dans le pays.
En 2018, le Conseil Supérieur de l’Education livre un rapport choc, selon lequel 4 doctorants boursiers sur 10 abandonnent leur soutenance. En 2019, le ministre de l’Education nationale, Saaïd Amzazi, livre un chiffre encore plus préoccupant : 9 thésards sur 10 abandonnent, qu’ils soient boursiers ou non. L’analyse des statistiques universitaires permet de relever un rendement très faible ( le ratio de diplômés sur inscrits en doctorat se situe autour de 8% en 2019).
Le désarroi des doctorants
Après avoir eu accès à un groupe Facebook fermé des doctorants au Maroc, nous avons constaté une pléthore de témoignages publiés d’une façon journalière qui laisse deviner une véritable angoisse chez ces chercheurs. « On était 3 étudiants sélectionnés pour un projet de valorisation des déchets d’industrie des phosphates. Notre première réunion avec le responsable du projet date de janvier 2019. On nous a promis des bourses de 3000 DH par mois, des communications à l’échelle internationale ainsi que des labos bien équipés. En juin, on a tenu une autre réunion pour discuter de l’état d’avancement du projet et fixer les délais. Septembre venu : que nenni ! Leurs paroles sont parties en fumée », nous a confié sous couvert d’anonymat un de ces étudiants-chercheurs.
« On nous a expliqué que pour des problèmes de financement dus à la crise de Covid-19, le projet est annulé et on m’a proposé une autre thématique. Je me suis focalisé sur la recherche malgré les obstacles posés à chaque fois et dont je n’ai ménagé aucun effort pour surmonter. Mais il fallait que je forge ma carrière, j’ai déjà gaspillé plus que deux ans pendant lesquels j’ai raté une dizaine d’opportunités. Donc, j’ai abandonné », a-t-il ajouté.
L’argent, nerf de la guerre
Même pour les plus motivés des doctorants, préparer une thèse pendant au minimum trois ans (sachant qu’il est généralement rare d’y arriver dans ce délai), sans toucher un revenu stable semble difficile. Les boursiers ne reçoivent que 1.000 DH par mois. Les meilleurs, à savoir 300 dans tout le Royaume, bénéficient d’une bourse d’excellence de 3.000 DH. Les doctorants sont ainsi souvent obligés de travailler pour financer leurs études.
Selon le rapport du Conseil Supérieur de l’Education, 44% exercent une activité professionnelle. Les salariés ou fonctionnaires présentent l’avantage de pouvoir financer les frais de leur parcours. Néanmoins, ils ne peuvent s’investir dans leurs recherches que durant leur temps libre, en l’occurrence les soirs et les week-ends. Ils n’ont pas la possibilité d’effectuer des stages dans des laboratoires étrangers, et rarement l’occasion de se déplacer pour des événements scientifiques. Déchirés entre deux occupations pressantes, dans la majorité, ils déclarent forfait.
« Avant de prendre la décision de suivre cette orientation académique, j’avais plein d’autres choix, mais j’étais submergé de passion envers la recherche. Fin 2019, j’ai postulé pour plusieurs laboratoires universitaires et j’étais majoritairement sélectionné. Vu ma situation financière, j’ai intégré un projet avec une bourse assurée. On nous a promis toutes les conditions nécessaires. Au fur et à mesure de l’avancement du projet, les engagements garantis ont filé à l’anglaise », nous a confié un autre étudiant-chercheur du même groupe susmentionné.
« Après quelques mois, le cauchemar de la crise sanitaire a envahi notre pays, du coup, ils ont une raison valable pour se justifier et annuler le projet pour manque de subventions. J’ai reçu un accord de mon encadrant pour quitter le labo en raison de manque de vision des partenaires et de non-respect du contrat. Mais je n’ai pas perdu espoir, j’ai fixé un objectif que je réaliserai à tout prix, actuellement, j’ai intégré un autre projet sur lequel je bosse il y a maintenant une année », a-t-il ajouté.
Pour rappel, le Royaume ne consacre que 0,75% de son Produit Intérieur Brut (PIB) à la recherche scientifique. La vision stratégique de la réforme 2015-2030 avait déjà recommandé en 2015 d’atteindre 1% à court terme, 1,5% en 2025 et 2% en 2030.
Les raisons de ce positionnement sont multiples, à savoir le manque de subventions, l’absence de visions et parfois un encadrement qui laisse à désirer. Selon une étude évaluative publiée le 15 avril 2022 par le Conseil Supérieur de l›Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique, au niveau national, il n’existe pas d’agence officielle dédiée à la gestion des financements et des appels à projets, contrairement aux autres pays de la comparaison où l’on observe que cette mission est confiée à un organe spécifique.
En effet, au Brésil, le Conseil National du Développement de la Science et de la Technologie (CNPq) occupe une place centrale dans le financement de la recherche. Dans la République Tchèque, autre exemple, c’est la Fondation tchèque des sciences (GACR) qui est la principale entité de financement au niveau national. En Malaisie, c’est plutôt le ministère de l’Enseignement Supérieur qui se place comme principal bailleur de fonds, alors qu’en Afrique du Sud c’est la Fondation nationale de recherche (NRF) qui représente l’entité de référence pour le financement de la recherche dans le pays.
En 2018, le Conseil Supérieur de l’Education livre un rapport choc, selon lequel 4 doctorants boursiers sur 10 abandonnent leur soutenance. En 2019, le ministre de l’Education nationale, Saaïd Amzazi, livre un chiffre encore plus préoccupant : 9 thésards sur 10 abandonnent, qu’ils soient boursiers ou non. L’analyse des statistiques universitaires permet de relever un rendement très faible ( le ratio de diplômés sur inscrits en doctorat se situe autour de 8% en 2019).
Le désarroi des doctorants
Après avoir eu accès à un groupe Facebook fermé des doctorants au Maroc, nous avons constaté une pléthore de témoignages publiés d’une façon journalière qui laisse deviner une véritable angoisse chez ces chercheurs. « On était 3 étudiants sélectionnés pour un projet de valorisation des déchets d’industrie des phosphates. Notre première réunion avec le responsable du projet date de janvier 2019. On nous a promis des bourses de 3000 DH par mois, des communications à l’échelle internationale ainsi que des labos bien équipés. En juin, on a tenu une autre réunion pour discuter de l’état d’avancement du projet et fixer les délais. Septembre venu : que nenni ! Leurs paroles sont parties en fumée », nous a confié sous couvert d’anonymat un de ces étudiants-chercheurs.
« On nous a expliqué que pour des problèmes de financement dus à la crise de Covid-19, le projet est annulé et on m’a proposé une autre thématique. Je me suis focalisé sur la recherche malgré les obstacles posés à chaque fois et dont je n’ai ménagé aucun effort pour surmonter. Mais il fallait que je forge ma carrière, j’ai déjà gaspillé plus que deux ans pendant lesquels j’ai raté une dizaine d’opportunités. Donc, j’ai abandonné », a-t-il ajouté.
L’argent, nerf de la guerre
Même pour les plus motivés des doctorants, préparer une thèse pendant au minimum trois ans (sachant qu’il est généralement rare d’y arriver dans ce délai), sans toucher un revenu stable semble difficile. Les boursiers ne reçoivent que 1.000 DH par mois. Les meilleurs, à savoir 300 dans tout le Royaume, bénéficient d’une bourse d’excellence de 3.000 DH. Les doctorants sont ainsi souvent obligés de travailler pour financer leurs études.
Selon le rapport du Conseil Supérieur de l’Education, 44% exercent une activité professionnelle. Les salariés ou fonctionnaires présentent l’avantage de pouvoir financer les frais de leur parcours. Néanmoins, ils ne peuvent s’investir dans leurs recherches que durant leur temps libre, en l’occurrence les soirs et les week-ends. Ils n’ont pas la possibilité d’effectuer des stages dans des laboratoires étrangers, et rarement l’occasion de se déplacer pour des événements scientifiques. Déchirés entre deux occupations pressantes, dans la majorité, ils déclarent forfait.
« Avant de prendre la décision de suivre cette orientation académique, j’avais plein d’autres choix, mais j’étais submergé de passion envers la recherche. Fin 2019, j’ai postulé pour plusieurs laboratoires universitaires et j’étais majoritairement sélectionné. Vu ma situation financière, j’ai intégré un projet avec une bourse assurée. On nous a promis toutes les conditions nécessaires. Au fur et à mesure de l’avancement du projet, les engagements garantis ont filé à l’anglaise », nous a confié un autre étudiant-chercheur du même groupe susmentionné.
« Après quelques mois, le cauchemar de la crise sanitaire a envahi notre pays, du coup, ils ont une raison valable pour se justifier et annuler le projet pour manque de subventions. J’ai reçu un accord de mon encadrant pour quitter le labo en raison de manque de vision des partenaires et de non-respect du contrat. Mais je n’ai pas perdu espoir, j’ai fixé un objectif que je réaliserai à tout prix, actuellement, j’ai intégré un autre projet sur lequel je bosse il y a maintenant une année », a-t-il ajouté.
Pour rappel, le Royaume ne consacre que 0,75% de son Produit Intérieur Brut (PIB) à la recherche scientifique. La vision stratégique de la réforme 2015-2030 avait déjà recommandé en 2015 d’atteindre 1% à court terme, 1,5% en 2025 et 2% en 2030.
Yassine ELALAMI