Rue du Pardon, est donc le dernier livre de Mahi Binebine, paru en coédition chez Stock et Le Fennec en 2019, en lice la même année pour le prestigieux Prix Renaudot et récompensé enfin par la 35ème édition du Prix Méditerranée, parrainé par la Mairie de Perpignan.
D’abord un toponyme en guise de titre, le nom d’une petite rue, en plein cœur de Marrakech, cette ville qui a alimenté l’imaginaire de l’écrivain et qu’il a préférée à d’autres métropoles mondiales où il pouvait s’installer comme Paris et New York. « Rue du Pardon » traduit en arabe par les uns et les autres parالغفران زقاق , en résonance avec زقاق املدق de Naguib Mahfoud, ou الغفران زنقة avec une intention de poétisation de l’espace. Mais le titre se réfère à une rue qui existe réellement et qui est nommée العفو درب dans la topographie de la ville et qu’on ne peut point changer pour ne pas altérer le projet esthétique de l’auteur ni la dimension historique qu’il tenait à restituer dans ce roman.
Ce roman trouve ses germes dans une nouvelle écrite en 2005, dans le Griot de Marrakech,où un très jeune narrateur dit toute sa fascination pour cette rue, la seule qui avait des fenêtres donnant « sans pudeur » sur la rue, et non pas sur le patio comme c’était le cas dans les maisons de la Médina, « sans moucharabieh, ni fer forgé protégeant ces ouvertures, si bien que les femmes de ces maisons pouvaient se pencher à loisir vers l’extérieur ». C’est la rue de l’émancipation, la seule rue aussi où les aveugles s’alignaient pour mendier, car la rue était fréquentée par toute sorte d’hommes à la recherche des plaisirs et de petits moments volés à la vie. C’est là où le petit narrateur du Griot de Marrakech fera d’ailleurs son initiation aux femmes.
Le retour à cette Rue du Pardon se fera cette foisci grâce à un personnage féminin dont on ne connaîtra le nom que vers la page 32 de l’édition marocaine : « Je m’appelle Hayat, en arabe, cela signifie la vie ».
Après sa fuite, Hayat trouvera toute l’affection maternelle chez Serghinia, la voisine d’en face et son mari Omar connu par son pseudonyme « le Général ». Ce couple atypique, composé d’une Cheikha le soir et couturière et mère de famille le jour, et un portier d’un grand palace le jour et protecteur et dévoué aux Cheikhates le soir est une bénédiction pour Hayat. Sa Diva« Serghinia » lui apprend tout ce qu’il faut sur son art mais elle lui apprend aussi à être femme, à mettre en valeur son corps…bref à croquer la vie. C’est une femme moderne, épicurienne et libérée.
Ces « Chikhates » sont des femmes artistes, à la fois chanteuses, danseuses et amantes pour l’occasion. Elles étaient et sont toujours de toutes les fêtes familiales ; adulées et fort désirées par les hommes, mais très craintes par les femmes, car trop libertines et dévergondées à leur goût ; les seules qui pouvaient porter des djellaba moulantes et du rouge à lèvre très criard !
Le livre est un composé de douceur et de douleur, de moments de grande euphorie et des longues périodes d’infortune, de récits et de réflexions. A travers cette expérimentation de l’écriture du sensible, Mahi Binebine a démontré, encore une fois, qu’il incarne à lui seul la démultiplication des modes de création, l’enjeu cette fois-ci était de tenter d’approcher l’écriture dans des formats et des rythmes différents.
D’abord un toponyme en guise de titre, le nom d’une petite rue, en plein cœur de Marrakech, cette ville qui a alimenté l’imaginaire de l’écrivain et qu’il a préférée à d’autres métropoles mondiales où il pouvait s’installer comme Paris et New York. « Rue du Pardon » traduit en arabe par les uns et les autres parالغفران زقاق , en résonance avec زقاق املدق de Naguib Mahfoud, ou الغفران زنقة avec une intention de poétisation de l’espace. Mais le titre se réfère à une rue qui existe réellement et qui est nommée العفو درب dans la topographie de la ville et qu’on ne peut point changer pour ne pas altérer le projet esthétique de l’auteur ni la dimension historique qu’il tenait à restituer dans ce roman.
Ce roman trouve ses germes dans une nouvelle écrite en 2005, dans le Griot de Marrakech,où un très jeune narrateur dit toute sa fascination pour cette rue, la seule qui avait des fenêtres donnant « sans pudeur » sur la rue, et non pas sur le patio comme c’était le cas dans les maisons de la Médina, « sans moucharabieh, ni fer forgé protégeant ces ouvertures, si bien que les femmes de ces maisons pouvaient se pencher à loisir vers l’extérieur ». C’est la rue de l’émancipation, la seule rue aussi où les aveugles s’alignaient pour mendier, car la rue était fréquentée par toute sorte d’hommes à la recherche des plaisirs et de petits moments volés à la vie. C’est là où le petit narrateur du Griot de Marrakech fera d’ailleurs son initiation aux femmes.
Le retour à cette Rue du Pardon se fera cette foisci grâce à un personnage féminin dont on ne connaîtra le nom que vers la page 32 de l’édition marocaine : « Je m’appelle Hayat, en arabe, cela signifie la vie ».
Après sa fuite, Hayat trouvera toute l’affection maternelle chez Serghinia, la voisine d’en face et son mari Omar connu par son pseudonyme « le Général ». Ce couple atypique, composé d’une Cheikha le soir et couturière et mère de famille le jour, et un portier d’un grand palace le jour et protecteur et dévoué aux Cheikhates le soir est une bénédiction pour Hayat. Sa Diva« Serghinia » lui apprend tout ce qu’il faut sur son art mais elle lui apprend aussi à être femme, à mettre en valeur son corps…bref à croquer la vie. C’est une femme moderne, épicurienne et libérée.
Ces « Chikhates » sont des femmes artistes, à la fois chanteuses, danseuses et amantes pour l’occasion. Elles étaient et sont toujours de toutes les fêtes familiales ; adulées et fort désirées par les hommes, mais très craintes par les femmes, car trop libertines et dévergondées à leur goût ; les seules qui pouvaient porter des djellaba moulantes et du rouge à lèvre très criard !
Le livre est un composé de douceur et de douleur, de moments de grande euphorie et des longues périodes d’infortune, de récits et de réflexions. A travers cette expérimentation de l’écriture du sensible, Mahi Binebine a démontré, encore une fois, qu’il incarne à lui seul la démultiplication des modes de création, l’enjeu cette fois-ci était de tenter d’approcher l’écriture dans des formats et des rythmes différents.
Sanae GHOUATI Université Ibn Tofail- Kénitra