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Sahara : A-t-on véritablement gagné la bataille ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 27 Août 2024

À la faveur des multiples reconnaissances de la marocanité du Sahara, plusieurs rapports augurent la fin imminente du conflit. Conclusion précoce ou constat réaliste ? Décryptage.



Le Maroc progresse plus que jamais vers une fin tant espérée du conflit du Sahara.
Le Maroc progresse plus que jamais vers une fin tant espérée du conflit du Sahara.
Au fur et à mesure que le temps passe, le Maroc progresse plus que jamais vers une fin tant espérée du conflit du Sahara. Il va sans dire, d’autant plus que l’offensive éclair que conduit la diplomatie marocaine depuis des années a permis d’engranger une série de victoires avec la vague de soutien international à la marocanité du Sahara et au plan d’autonomie dont la crédibilité et l’exclusivité sont reconnues par une partie importante de la communauté internationale. La récente reconnaissance française a été de nature à renforcer la conviction que le conflit arrive à son épilogue. Ce sentiment est si ancré dans l’esprit de plusieurs diplomates que nous avons sondés. “Le Maroc a eu le mérite de passer de la phase de la quête de la neutralité à celle du soutien sans équivoque, cette stratégie a fini par être payante”, lâche un haut diplomate, qui appelle tout de même à ne pas céder rapidement au zèle excessif puisqu’il y a encore du chemin à parcourir. Le zèle dont parle notre interlocuteur est si prégnant aujourd’hui chez certains observateurs qui voient d’ores et déjà la fin de l’histoire après la reconnaissance française. 
 
Ce que vaut la reconnaissance française 

Longtemps sommé de sortir de sa zone de confort, Paris s’est rendu à l’évidence en reconnaissant expressément la marocanité du Sahara, quitte à abandonner son sempiternel rêve d’une réconciliation chimérique avec l’Algérie. La décision française a suffi aux yeux de plusieurs centres de réflexion américains pour sonner la fin de la récréation. L’optimisme est d’autant plus grand après la reconnaissance de la République dominicaine et l’offensive marocaine dans le bastion scandinave qui a permis d'obtenir le soutien de la Finlande au plan d’autonomie. 

L’Institut américain pour la paix a estimé que le conflit touche à sa fin à la faveur du soutien international à la cause marocaine. Le directeur de l’Afrique au sein dudit think-tank, Thomas Hill, auteur du fameux rapport abondamment repris par la presse marocaine, a élaboré une théorie aussi claire que discutable : la reconnaissance américaine a enclenché une véritable dynamique de soutien aux revendications du Royaume et s’est soldée par une vague de décisions pro-marocaines dont celle de la France qui, aux yeux de l’expert, est décisive. Par conséquent, la légitimité de la revendication du Maroc sur son territoire historique est désormais incontestable. Face à cette réalité implacable, le Polisario et son parrain algérien n’ont nul autre choix que de négocier une solution dans le cadre de la souveraineté marocaine avant qu’il ne soit trop tard et pour ne pas sacrifier toute une génération de pauvres gens qui moisissent dans les camps de Tindouf pour une chimère irréalisable. Voilà en gros la thèse de Thomas Hill. 

Une analyse tout aussi tranchée nous est parvenue, le 22 août, de l’Organisation pour la paix mondiale (OWP), basée au Canada, qui a fait état d’un consensus international en faveur de la marocanité du Sahara, ce qui signifie que toute négociation future ne peut avoir pour base que le plan d’autonomie. Ainsi, le Polisario passe à la trappe aux yeux de l’Institut sud-africain pour les études de sécurité, qui a reconnu que la thèse séparatiste est en train de s’amenuiser. 

Le point commun entre ces analyses est le caractère décisif de la position française. Certes, la France a fait un pas majeur en avant en reconnaissant qu’il n’y a pas d’avenir imaginable pour le Sahara en dehors de la souveraineté marocaine. Or, la question est de savoir si la nouvelle décision de Paris est susceptible de déclencher un effet domino au point de persuader d’autres pays de lui emboîter le pas. Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), pense qu’il ne faut pas sur-interpréter la position française, si importante soit-elle. “Il ne faut pas s’attendre à une réaction en chaîne dès maintenant, ce genre de phénomène prend du temps, la position française est destinée par-dessus tout à désamorcer la crise avec le Maroc”, insiste-t-il, soulignant que la vague de soutien international à la cause marocaine est de nature à orienter les négociations, au cas où elles auraient lieu un jour, vers une base favorable aux revendications du Royaume. “Il est donc trop tôt de parler de trancher que la bataille est déjà gagnée”, tranche M. Dupuy, qui juge que l’étape suivante est de consolider la position française par une mesure concrète. “La meilleure façon de donner forme à cette décision est d’ouvrir un Consulat à Dakhla”, préconise le président de l’IPSE.  
 
L’ONU, l’étape finale ?

La position française a, selon notre interlocuteur, renforcé le poids du soutien à la marocanité du Sahara au sein du Conseil de Sécurité qui demeure le principal champ de bataille et l’unique organe habilité à trancher ce différend. Jusqu’à présent, les Résolutions onusiennes insistent sur une solution négociée par toutes les parties impliquées, y compris l’Algérie. Mais les difficultés de ressusciter le processus politique sont telles que le poids de la communauté internationale s’annonce décisif. Face à la neutralité bienveillante de la Chine et l’opposition passive de la Russie, le soutien du Royaume-Uni, jusqu'alors neutre, changerait la balance au sein du Conseil des détenteurs du véto. 
 
Londres sous les projecteurs !

On prédit depuis la reconnaissance américaine que Londres irait dans le même sens. Si les pronostics sont si optimistes, c’est parce que la Grande Bretagne s’est rapprochée plus que jamais du Maroc depuis la signature de l’accord d’association en 2019. Or, Londres semble temporiser avant de se résoudre. Les travaillistes, fraîchement arrivés au pouvoir, semblent aussi bien disposés à l’égard du Maroc que les conservateurs. 

En témoigne le dernier appel entre Nasser Bourita et son homologue britannique, David Lammy. Aussi, au Parlement britannique, le Maroc a de plus en plus d’alliés qui plaident pour le soutien au plan d’autonomie et Dieu sait à quel point le cœur du pouvoir britannique bat à Westminster. Le départ proche de l’actuel ambassadeur britannique à Rabat, Simon Martin, qui déconseillait une décision pro-marocaine, pourrait faciliter les choses. Pour Emmanuel Dupuy, « la Grande-Bretagne est susceptible de prendre une décision en faveur du Maroc ». “Quand elle l’aura fait, elle ira plus rapidement en ouvrant un Consulat au Sahara sans hésitation”, assure-t-il. 

 

Trois questions à Emmanuel Dupuy : “La meilleure façon de concrétiser la nouvelle position française est d’ouvrir un consulat à Dakhla”

Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), a répondu à nos questions.
Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), a répondu à nos questions.
  • A quel point la nouvelle position française sur le conflit du Sahara est-elle décisive dans sa résolution ?
 
Pour l’instant, la position française ne va pas spontanément susciter les changements de positions d’autres pays, néanmoins, ça peut exercer une sorte de pression positive sur la Grande-Bretagne. Le changement de paradigme de la France est censé ouvrir une nouvelle phase de négociation telle que prévue dans les Résolutions onusiennes. Cela dit, les reconnaissances de la souveraineté du Maroc ne signifient pas systématiquement la fin du conflit mais l’ouverture de négociations sur une base inexorablement favorable aux revendications du Royaume. Donc, il ne s’agit pas de savoir si la bataille est gagnée par le Maroc, mais de ressusciter le processus politique en tenant compte de la nouvelle réalité qu’est le soutien international incontestable à la marocanité du Sahara. L’objectif est de parvenir à une solution négociée. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.
 
  • La nouvelle donne pourrait-elle faire bouger le processus politique au niveau des Nations Unies ?
 
Il va sans dire que ni la France ni les autres pays n’ont la capacité de forcer les protagonistes, y compris l’Algérie, à s'asseoir sur la table de négociations. Il faut garder en tête que le pas en avant qu’a fait Emmanuel Macron est destiné avant tout à se réconcilier avec le Maroc. Le cœur du conflit se trouve toujours au Conseil de Sécurité des Nations Unies dont les Résolutions saluent les efforts du Maroc et le plan d’autonomie tout en insistant sur la reprise des tables rondes.
 
  • On parle depuis longtemps d’une éventuelle évolution de la position britannique. A votre avis, est-ce possible à court terme ?
 
Sans parler du timing qui reste difficile à prévoir, je pense que le Royaume-Uni pourrait être le prochain sur la liste puisque le nouveau gouvernement laisse entendre que Londres pourrait sortir de sa neutralité. Il est probable que les Britanniques adoptent une position similaire à celle des Américains. Je pense très sincèrement que ce scénario est fort réaliste et que le Royaume-Uni ne tardera pas à ouvrir un Consulat sitôt qu’il aura pris sa décision en faveur de la souveraineté marocaine.

Reconnaissances : Effervescence internationale

Si on jette un bref coup d'œil sur la cartographie du conflit, on s’aperçoit que le Maroc a pu rallier ses alliés occidentaux à ses côtés. A l'exception de quelques pays hésitants, la majeure partie des pays européens qui comptent sur la scène internationale (France, Espagne, Allemagne, Pays-Bas…), en plus des Etats-Unis, ont déjà tranché en faveur du Royaume. Il ne reste que l’Italie qui semble maintenant plus réticente à cause de sa proximité de l’Algérie à des fins énergétiques. En Afrique, il y a du chemin à parcourir même si 30 pays soutiennent officiellement la marocanité du Sahara.  L’Afrique australe reste encore à convaincre. Cependant, force est de constater que le Polisario n’a plus de soutiens actifs et fidèles en dehors de l’Algérie et l’Afrique du Sud. Le reste, notamment le Kenya, peut basculer du côté marocain du jour au lendemain à la faveur des intérêts économiques croisés.
 
Pour leur part, nos “frères arabes” ne sont pas tous à notre côté. A part les pays du Golfe et la Jordanie, le reste du Monde arabe est soit indifférent, soit neutre. Force est de constater que l’Irak, la Syrie, l’Egypte, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie adoptent une position, le moins que l’on puisse dire, inamicale. Du côté du monde émergent, les BRICS, sauf l’Afrique du Sud, observent une neutralité positive. Le Brésil comme l’Inde sont plus proches du Maroc que de l’Algérie, ce qui en fait des pays potentiellement favorables.

 

Processus politique : Ça bloque toujours !

Alors que le Maroc amplifie sa base de soutien au niveau de la communauté internationale, le conflit est gelé aux Nations Unies, dont l’émissaire du Secrétaire Général, Staffan De Mistura, peine à relancer le processus politique. Bien qu’on parie sur lui et sur ses talents de médiateur, le diplomate chevronné n’a pas réussi à débloquer la situation malgré ses nombreuses tournées régionales. Jusqu’à présent, son objectif reste loin de portée. Il n’a pas pu ressusciter les tables rondes auxquelles appellent les Résolutions onusiennes à cause du refus catégorique de l’Algérie d’y siéger. La dernière Résolution du Conseil de Sécurité, qui a prolongé le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 octobre 2024, appelle toutes les parties prenantes, y compris la Mauritanie, à s'asseoir à la table de négociations.

Toutefois, un tel objectif se heurte, d’abord, à l’obstination algérienne et, encore plus, à la radicalisation du Polisario qui se vante toujours de son retrait de l’accord du cessez-le-feu de 1991 et ne s’embarrasse pas de faire obstruction à la libre circulation des casques bleus dans la zone tampon. Face au marasme actuel, la reprise des négociations, telle qu’imaginée par l’instance onusienne, se heurte à l'intransigeance du front séparatiste qui, rappelons-le, n’est pas maître de son destin du moment que sa conduite est dictée par Alger. Raison pour laquelle seule la bataille de l’opinion compte désormais pour trancher un conflit qui n’a que trop duré. Le Maroc l’a bien compris.








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