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Sardine : Le rôle social d’un pilier de la sécurité alimentaire [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Samedi 2 Décembre 2023

Espèce emblématique du Maroc, la sardine est pêchée, transformée et consommée depuis des temps immémoriaux, revêtant ainsi une importance stratégique dans la sécurité alimentaire du pays.



Les pêcheurs à la canne aiment l’utiliser comme appât. Ceux de la pêche industrielle adorent la voir dans leurs fi­lets. Les gourmets l’apprécient grillée, frite, en tagine ou même en boulettes. La sardine est une ressource naturelle stratégique, un mets gastronomique et, surtout, le symbole d’une tradition marocaine millénaire. À l’époque romaine de notre Histoire, ce poisson ornait déjà les premières pièces de monnaie qui avait été frappées à Lixus. Preuve s’il en fallait que la pêche, la transformation, le commerce et la consommation de la sardine au Maroc remontent à la nuit des temps. « Doté de deux façades maritimes très entendues, notre pays a depuis l’Antiquité été connu pour ses côtes poissonneuses, où vit un nombre considérable d’espèces halieutiques en tout genre, mais la sardine en est incontestablement la reine », nous confi­e Pr Abdelati Lahlou, anthropologue affilié à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP).
 
Un poisson populaire
 
Il n’est donc pas surprenant que cette espèce en particulier ait pu revêtir une importance socio-économique majeure pour l’économie et l’industrie du pays. Aujourd’hui encore, la sardine constitue près de 64% du total des captures effectuées annuellement par la ­filière de la pêche halieutique. Capitalisant sur la présence de stocks importants et sur une industrie compétitive de transformation des produits de la mer, le Maroc était en 2022 à la tête des exportateurs de sardine en conserve au niveau mondial, avec un volume de 152.137 tonnes pour une valeur d’environ 5,9 milliards de dirhams. « Si la sardine continue à être un produit relativement abordable pour les populations marocaines, son prix était vraiment très bas durant le siècle passé. Dans certains ports, les pêcheurs avaient même pour tradition d’offrir gratuitement un certain volume de sardines aux plus démunis ou à ceux qui en faisaient la demande », explique Pr Lahlou.
 
Une industrie millénaire

La sardine a ainsi depuis toujours joué un rôle considérable dans la sécurité alimentaire du pays puisqu’elle constitue une denrée disponible et surtout accessible. « Le patrimoine culinaire marocain contient plusieurs recettes et façons de préparer la sardine, surtout dans les villes côtières. D’autres savoir-faire ont également pu évoluer et se développer autour de la sardine, notamment les techniques de pêche, sans oublier les méthodes de transformation. À l’époque de la Maurétanie Tingitane, lorsqu’une part du Maroc actuel faisait partie de l’Empire romain, nous avions déjà une industrie de transformation de la sardine puisque les Romains avaient développé des sites de salaison dans lesquels était fabriqué le fameux Garum (condiment répandu à Rome et en Grèce antique fabriqué à partir de poisson salé et fermenté, NDLR) qui, une fois préparé, était conditionné dans des amphores pour être ensuite transporté dans les soutes de bateaux», précise l’anthropologue.
 
Sardine d’ici ou d’ailleurs ?
 
S’il est avéré que les façades maritimes marocaines font partie des habitats connus de la sardine, la ­fluctuation de ses captures demeure toutefois un mystère pour un grand nombre de néophytes. « La sardine vit en très larges bancs dont le déplacement dépend de conditions très spécifiques. Parfois, ces conditions favorisent le rapprochement de ces bancs des côtes ou des zones de pêche, ce qui explique les volumes importants de captures qui sont enregistrés par moments et par endroits », précise Houssine Nibani, président de l’Association de Gestion Intégrée des Ressources (AGIR).
 
La hausse des captures n’est cependant pas toujours synonyme de stocks en croissance. « Il est possible d’avoir un niveau stable (voire croissant) des captures, alors même que le stock est en baisse, car le paramètre qu’il faut prendre en considération, c’est l’effort de pêche », conclut Houssine Nibani. De ce fait, et à l’image de son importance socio-économique pour notre pays, œuvrer pour la durabilité des stocks de sardine est un enjeu aussi vital que stratégique.

3 questions à Mustapha Aksissou « En Méditerranée, la diminution des stocks de sardine est flagrante »

Professeur de biologie marine à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, Pr Mustapha Aksissou répond à nos questions concernant la préservation des stocks marocains de sardine.
Professeur de biologie marine à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, Pr Mustapha Aksissou répond à nos questions concernant la préservation des stocks marocains de sardine.
- Certaines ressources halieutiques sont, de nos jours, très menacées. La sardine marocaine est-elle également concernée ?
 
- Malheureusement, les scienti­fiques estiment que l’ensemble des ressources halieutiques sont actuellement en crise à cause de plusieurs facteurs. La sardine ne déroge pas à cette réalité. Cela revient à plusieurs facteurs, notamment la surexploitation dont ces ressources ont fait l’objet depuis plusieurs décennies. En Méditerranée par exemple, la diminution des stocks de sardine est flagrante, preuve en est que beaucoup de bateaux de pêche se tournent désormais vers l’Atlantique. Le deuxième facteur est la pollution, notamment par les microplastiques. Nous avons il y a quelques jours publié un article scienti­fique dans ce sens, qui capitalise sur un travail fait par le laboratoire de notre Université, et qui démontre que ce phénomène porte également préjudice à la sardine.
 
- Qu’en est-il des impacts des changements climatiques ?
 
- C’est en effet une autre menace d’ordre global qui touche également la sardine, notamment parce qu’elle fait partie des petits pélagiques qui vivent en surface. L’augmentation des températures, mais aussi la baisse des précipitations qui prive la mer des décharges de matières organiques à partir des ruissellements issus du continent, ont de ce fait un impact négatif sur les ressources halieutiques comme la sardine. À cela, il faut également ajouter la propagation de certaines espèces invasives qui peuvent entrer en compétition sur les espaces de présence et les ressources alimentaires de la sardine…
 
- Quelles sont, selon vous, les solutions qui peuvent limiter la diminution des stocks de la sardine ?
 
- Pour tenter de renverser les tendances de diminution des stocks de sardines au Maroc, il faut revenir aux causes principales qui entraînent ce phénomène. La surexploitation doit être évitée, notamment à travers le respect des périodes de repos biologique qui peut augmenter les chances d’une bonne régénération des stocks. Il est impératif de lutter contre les causes de la propagation des espèces invasives. Aussi, des solutions efficaces à la pollution devraient être mises en œuvre a­n de favoriser le repeuplement des milieux naturels de la sardine. L’action globale contre les impacts des changements climatiques est également très importante…

Ecologie : Des bancs qui migrent à la recherche des bonnes conditions de vie

La sardine est présente dans l’Atlantique Est depuis l’Islande et la Mer du Nord jusqu’aux côtes sénégalaises, en Méditerranée surtout dans le bassin occidental, dans l’Adriatique, dans la Mer de Marmara et dans la Mer Noire. Considérée comme un petit pélagique côtier, la sardine vit en bancs denses, proches du fond le jour et montent en surface en se dispersant durant la nuit. Si l’espèce peut se rencontrer à plus de 100 mètres de profondeur, elle reste généralement abondante en surface (-25 à -55 mètres le jour et -15 à -35 mètres la nuit). Les sardines effectuent par ailleurs des migrations horizontales saisonnières à la recherche de conditions optimales d’alimentation, de température et de reproduction. Les jeunes sardines se nourrissent de phytoplancton, d’œufs, de larves et de petits crustacés alors que les adultes se nourrissent essentiellement de crustacés planctoniques et de larves de crabes et d’ophiures. Durant sa période de reproduction, qui dure en moyenne d’octobre à mars, les femelles de sardine peuvent pondre jusqu’à 20.000 œufs toutes les deux semaines.
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Industries : L’enjeu de protection d’une ressource halieutique stratégique

En marge de la 6ème édition du Salon Halieutis qui s’est déroulé à Agadir en février dernier, la Secrétaire Générale du ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts (Département de la Pêche maritime), Mme Zakia Driouich, avait résumé l’importance de la sardine dans l’activité du secteur de la pêche maritime au Maroc. En plus de la part importante qu’occupe cette espèce en termes de captures, la sardine est également une ressource stratégique pour le développement de la filière de transformation des produits (la conserve, la congélation et le frais). Dans ce sens, Mme Driouich a fait savoir que le Département de la Pêche Maritime a veillé à augmenter le niveau d’approvisionnement des unités de conserve, qu’elles soient existantes ou nouvelles, notamment à travers les différents appels à manifestation d’intérêt lancés, notant que les possibles difficultés d’approvisionnement de cette industrie peuvent porter sur des considérations liées aux répercussions des crises internationales (prix d’achat de la matière première, coût du carburant…). « Le développement de l’activité de pêche de cette espèce ne peut être réalisé sans préserver cette ressource. Aussi, dans le cadre de la stratégie Halieutis notamment, son premier axe de durabilité de la ressource, un plan d’aménagement des petits pélagiques, qui incluent principalement la sardine, a été mis en place depuis l’année 2008 de façon à protéger ces ressources et permettre ainsi une pêche durable pour les opérateurs », avait par ailleurs souligné Mme Driouich.








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