Plus de 48 heures après le séisme d’Al-Haouz qui a bouleversé plusieurs régions du Royaume, des millions de personnes sont en détresse humanitaire au moment où les corps médical, militaire et sécuritaire s'efforcent de limiter les dégâts humains et matériels. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact économique causé par ce drame, les premiers constats laissent d’ores et déjà présager de factures très lourdes, ne serait-ce que pour la reconstruction des zones ravagées par le plus fort tremblement de terre de l’Histoire du Maroc contemporain. «Il est encore trop tôt pour évaluer les dégâts, faute de chiffres. Pour avoir une idée claire, il faut connaître le nombre d'habitations et d'infrastructures touchées. Voir si les structures touchées faisaient l’objet d’un plan de réaménagement ou pas. Voir aussi l’impact sur les recettes touristiques dans l’avenir… tant d’éléments à prendre en considération pour estimer les ravages économiques d’un tel drame», nous indique Anas Abdoun, analyste en prospective économique et géopolitique, qui affirme toutefois que les dégâts sont d’envergure.
Si, pour l’instant, les autorités compétentes procèdent encore à l’évaluation des sinistres, la triste catastrophe qu’a vécue la ville d’Agadir en 1960 donne une idée sur la gravité que pourrait avoir un tel épisode sur la trésorerie du pays. Le séisme avait causé la mort d’environ 15.000 personnes (plus d’un tiers de la population de l’époque) et le déplacement de 35.000 personnes, avec des pertes matérielles estimées à l’époque à 290 millions de dollars. Cependant, il ne faut pas faire de parallèle ou de comparaison entre les deux désastres, étant donné la divergence des contextes et des moyens dont dispose le pays. Ceci dit, Institut d'études géologiques des États-Unis éstime les pertes économiques peuvent atteindre 8% du PIB, selon le pire scénario, soit à 106 milliards de dirhams.
Impact sectoriel variable
«Inévitablement, certaines activités vont s´arrêter, mais d’autres feraient preuve de résilience», estime Didier Combescure, Président de l´AFPS (Association Française du Génie Parasismique). La région de Marrakech-Safi, dont relève la province d’Al-Haouz, crée près de 8% de la richesse nationale, dont plus de 15% repose sur les activités primaires (pêche et agriculture). Contacté par nos soins, Rachid Benali, Président de la Confédération Marocaine de l'Agriculture et du Développement rural (COMADER), s’est montré rassurant. « La production agricole des régions touchées par le séisme est petite, principalement suite au manque d’eau. Il n’y aura donc pas d’impact sur l’approvisionnement du marché national », nous explique-t-il, précisant, néanmoins, que le plus grand défi aujourd’hui est d’approvisionner ces régions-là. Côté élevage, la situation est un peu plus délicate, du moment que le secteur constitue un véritable « pôle de croissance » pour la région avec une production de viande rouge évaluée à 60.000 tonnes, soit 12% de la production nationale. A cela s’ajoutent les 500.000 tonnes de production laitière, dont environ 35% sont orientées vers les usines, soit 20% de la production nationale. Nous avons contacté les professionnels opérant dans ledit secteur, mais ils n’ont toujours établi ni leurs bilans, ni leurs estimations.
Par ailleurs, la principale contrainte est désormais de fluidifier les routes centrales, qui connaissent un niveau de trafic massif suite à l’élan de solidarité que connaît actuellement le pays, selon nos experts. Dans ce sillage, les services relevant de la direction provinciale de l’Equipement et de la Logistique ont mobilisé tous les moyens humains et logistiques pour la réouverture des routes touchées en vue de l’acheminement des aides aux populations des zones sinistrées, selon Hicham Ferndi, directeur provincial de l’Équipement, du Transport et de la Logistique. Ces actions vont permettre principalement de porter assistance aux sinistrés, mais vont également fluidifier les routes pour les professionnels qui approvisionnent tout le marché national, évitant un surcoût des prix des produits alimentaires.
La galère macro-économique !
Au niveau macroéconomique, la situation est autre. «Pertes humaines, blessés à soigner, infrastructures et habitations à reconstruire, mobilisation militaire, familles à soutenir pendant une durée de 2 ans, voire même plus. Tout ceci va peser lourd sur les équilibres économiques du pays», indique Ahmed Azirar, Economiste et chercheur au sein de l’Université Hassan II.
De plus, l’héritage socio-économique de la pandémie, les tensions géopolitiques en Europe, les pressions persistantes sur les prix des principales importations de denrées alimentaires, ainsi que la forte montée du dollar vont rendre la facture encore plus salée. Dans ce sens, la période postérieure à la catastrophe sera divisée en trois phases : l’urgence, la réhabilitation et le relèvement ou la reconstruction. La première est la phase dans laquelle se trouve actuellement le Royaume et désigne la période des interventions de sauvetage et d’assistance sur le terrain. L’étape de la réhabilitation concerne, par contre, les activités menées pour retrouver une situation de normalité dans les zones sinistrées.
Une étape qui s’annonce ardue, puisqu’elle implique la reconstruction des infrastructures démolies (télécommunications, routes, réseaux électriques, etc.) et la récupération des emplois perdus dans la région, la fourniture des crédits et des ressources financières aux ménages impactés, sans oublier le lancement de projets pour limiter les ravages socio-économiques. Les services marchands et non marchands qui créent plus que la moitié de la richesse nationale seront concernés par cette phase, surtout que plus de 67% des structures économiques de la région Marrakech-Safi opèrent dans les activités tertiaires.
De plus, l’héritage socio-économique de la pandémie, les tensions géopolitiques en Europe, les pressions persistantes sur les prix des principales importations de denrées alimentaires, ainsi que la forte montée du dollar vont rendre la facture encore plus salée. Dans ce sens, la période postérieure à la catastrophe sera divisée en trois phases : l’urgence, la réhabilitation et le relèvement ou la reconstruction. La première est la phase dans laquelle se trouve actuellement le Royaume et désigne la période des interventions de sauvetage et d’assistance sur le terrain. L’étape de la réhabilitation concerne, par contre, les activités menées pour retrouver une situation de normalité dans les zones sinistrées.
Une étape qui s’annonce ardue, puisqu’elle implique la reconstruction des infrastructures démolies (télécommunications, routes, réseaux électriques, etc.) et la récupération des emplois perdus dans la région, la fourniture des crédits et des ressources financières aux ménages impactés, sans oublier le lancement de projets pour limiter les ravages socio-économiques. Les services marchands et non marchands qui créent plus que la moitié de la richesse nationale seront concernés par cette phase, surtout que plus de 67% des structures économiques de la région Marrakech-Safi opèrent dans les activités tertiaires.
Selon Ahmed Azirar, le Fonds spécial pour la gestion des effets du séisme, ainsi que l’ensemble des contributions nationales et internationales, vont alléger la pression sur la trésorerie, mais il n’en demeure pas moins vrai que les dépenses demeureront colossales. S’agissant de l’inflation et de la situation du marché national, l’économiste estime que la situation resterait maîtrisée, tant que la région sinistrée n’a pas un grand impact sur l’offre nationale.
3 questions à Samuel Auclair « Rebâtir des villes et des villages moins vulnérables aux secousses sismiques »
Samuel Auclair, Ingénieur en risque sismique et gestion de crise, auteur d'un livre "Le séisme sous toutes ses coutures - les dessous d'une terre en mouvement", nous livre sa vision sur la gestion du drame d’Al-Haouz.
D'après vous, doit-on dédier un système d'alerte sismique précoce à cette zone montagneuse du Maroc qui vit, d'après les experts sismologues, une déformation progressive ?
L’« alerte sismique précoce » – comme il en existe au Japon – consiste à analyser quelques secondes des premières ondes sismiques émises par un séisme pour émettre des alertes. Elle peut permettre dans certains cas d’être alerté de l’arrivée imminente de secousses sismiques, malgré des délais d’alerte extrêmement courts (de quelques secondes à quelques dizaines de secondes). Certaines actions de sauvegarde peuvent être prises de manière automatique ou en mode réflexe. Ce type de système semble cependant difficile à déployer au Maroc, notamment du fait des périodes de retours élevées des séismes destructeurs, et de la nature des sources sismiques. Par ailleurs, ces systèmes sont extrêmement coûteux à mettre en place et à maintenir.
L’« alerte sismique précoce » – comme il en existe au Japon – consiste à analyser quelques secondes des premières ondes sismiques émises par un séisme pour émettre des alertes. Elle peut permettre dans certains cas d’être alerté de l’arrivée imminente de secousses sismiques, malgré des délais d’alerte extrêmement courts (de quelques secondes à quelques dizaines de secondes). Certaines actions de sauvegarde peuvent être prises de manière automatique ou en mode réflexe. Ce type de système semble cependant difficile à déployer au Maroc, notamment du fait des périodes de retours élevées des séismes destructeurs, et de la nature des sources sismiques. Par ailleurs, ces systèmes sont extrêmement coûteux à mettre en place et à maintenir.
Quelle alternative donc… ?
Il semble tout à fait possible et pertinent de développer un système de « réponse rapide » permettant l’estimation rapide (de quelques minutes à quelques dizaines de minutes après la survenue d’un séisme) de l’impact probable du séisme en termes de sévérité des secousses, voire de dommages potentiels aux infrastructures et aux personnes. Ainsi, à réception de ces estimations, les autorités disposeraient d’informations leur permettant d’agir au plus vite en priorisant l’allocation des ressources sur le territoire.
Au niveau de la reconstruction, que suggériez-vous comme plan pour une telle zone montagneuse du Haut Atlas ?
La question de la reconstruction est toujours difficile, car elle pose de nombreuses questions, d’ordre sécuritaire bien sûr, pour garantir la sécurité des populations, mais également social, économique, etc. Sur le point de vue concernant purement la résistance des bâtiments, il convient de respecter des principes parasismiques adaptés aux différents types de bâtiments, tout en veillant à bien prendre en compte l’environnement de construction (nature des sols, relief, risque d’instabilités de terrain, etc.). Mais au-delà des principes et des règles parasismiques, il convient de s’assurer de la bonne exécution des bâtiments, par des professionnels formés au préalable, du choix de matériaux de qualité, etc. Se posera également la question de la sélection des sites sur lesquels reconstruire : au même endroit, à proximité, etc. Ces choix auront une importance cruciale sur la préservation du tissu social, et donc sur le relèvement des zones sinistrées. Dans tous les cas, il est essentiel que le Maroc se saisisse de cette catastrophe pour rebâtir des villes et villages moins vulnérables aux secousses sismiques, de sorte à ce que de futurs séismes ne provoquent pas de nouveaux drames.
3 questions à Didier Combescure « L’impact est certainement énorme, mais il dépendra des spécificités économiques de ces zones »
Président de l´AFPS (Association Française du Génie Parasismique), Didier Combescure fait un zoom sur les défis des phases à venir.
Quels sont les effets d’un tel désastre sur l’économie de la région ?
- Je voudrais tout d´abord exprimer toute ma solidarité au peuple marocain face à cette tragédie et épreuve. Notre association est totalement ouverte aux collaborations techniques si cela peut aider les professionnels marocains et le peuple marocain. Ceci dit, l´impact est certainement énorme, mais il dépendra des spécificités économiques de ces zones. Certaines activités vont être perturbées, d´autres non. Mais les dégâts vont être ressentis dans les filières telles que l’élevage par exemple.
Quels sont, selon vous, les défis de la phase de la reconstruction ?
- La reconstruction après ce type d´évènement est très longue, sans doute plus de 10 ans, et doit être faite par étape. Il ne faut surtout pas se précipiter. Nous sommes dans le temps présent au secours des personnes sous les décombres et dans les camps de fortune pour abriter les survivants. L´Urgence.
Puis vient l´identification des bâtiments qui peuvent être utilisés sans réparation ou avec des renforcements rapides. Cette étape peut durer plusieurs mois et nécessite de nombreuses personnes formées. Puis vient la reconstruction qu´il faut essayer d´industrialiser. Dès maintenant, des bâtiments type pour les habitations mais aussi pour les activités économiques (commerces, ateliers, usines, etc…) peuvent être conçus, les usines sur place pour les matériaux ou les éléments préfabriqués identifiés. En parallèle, les infrastructures doivent être réparées. Sans doute le plus urgent.
De quelle manière ?
Il faut surtout reconstruire en appliquant les dernières normes et en prenant son temps. Comme on dit dans les Pyrénées d´où je suis originaire, il n´y a pas assez de temps pour prendre des raccourcis. Pour cela, il faut former les personnes qui vont intervenir. La formation est un travail sans fin. Maintenant, les besoins sont énormes et il n’y a certainement pas encore assez de personnes formées pour répondre à la demande. Pour cela, les autorités marocaines veulent également avoir recours aux Universités et au corps d’enseignants très compétent.
- Je voudrais tout d´abord exprimer toute ma solidarité au peuple marocain face à cette tragédie et épreuve. Notre association est totalement ouverte aux collaborations techniques si cela peut aider les professionnels marocains et le peuple marocain. Ceci dit, l´impact est certainement énorme, mais il dépendra des spécificités économiques de ces zones. Certaines activités vont être perturbées, d´autres non. Mais les dégâts vont être ressentis dans les filières telles que l’élevage par exemple.
Quels sont, selon vous, les défis de la phase de la reconstruction ?
- La reconstruction après ce type d´évènement est très longue, sans doute plus de 10 ans, et doit être faite par étape. Il ne faut surtout pas se précipiter. Nous sommes dans le temps présent au secours des personnes sous les décombres et dans les camps de fortune pour abriter les survivants. L´Urgence.
Puis vient l´identification des bâtiments qui peuvent être utilisés sans réparation ou avec des renforcements rapides. Cette étape peut durer plusieurs mois et nécessite de nombreuses personnes formées. Puis vient la reconstruction qu´il faut essayer d´industrialiser. Dès maintenant, des bâtiments type pour les habitations mais aussi pour les activités économiques (commerces, ateliers, usines, etc…) peuvent être conçus, les usines sur place pour les matériaux ou les éléments préfabriqués identifiés. En parallèle, les infrastructures doivent être réparées. Sans doute le plus urgent.
De quelle manière ?
Il faut surtout reconstruire en appliquant les dernières normes et en prenant son temps. Comme on dit dans les Pyrénées d´où je suis originaire, il n´y a pas assez de temps pour prendre des raccourcis. Pour cela, il faut former les personnes qui vont intervenir. La formation est un travail sans fin. Maintenant, les besoins sont énormes et il n’y a certainement pas encore assez de personnes formées pour répondre à la demande. Pour cela, les autorités marocaines veulent également avoir recours aux Universités et au corps d’enseignants très compétent.
Fonds spécial : Un élan de solidarité qui limite les ravages socio-économiques
Le Conseil de gouvernement présidé, dimanche soir a adopté le projet de décret relatif à la création du compte spécial «Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre ayant touché le Royaume du Maroc». Celui-ci permettra de recevoir les contributions volontaires de solidarité des citoyens et des organismes privés et publics, sera destiné principalement à financer les dépenses relatives au programme d’urgence pour la réhabilitation et l’appui des efforts de reconstruction des maisons détruites au niveau des zones sinistrées, et celles destinées à la prise en charge des personnes en situation difficile, notamment les orphelins et les personnes vulnérables. Depuis son lancement, plusieurs institutions étatiques, entreprises privées, associations et citoyens lambda se sont mobilisé pour aider les sinistrés. Un élan de solidarité cité en exemple partout dans le monde. Il a noté que l’adoption de ce projet de décret s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes Instructions de SM le Roi Mohammed VI, conformément aux dispositions de l’article 70 de la Constitution et en application de l’article 26 de la Loi organique n°130.13 de la Loi de Finances.