- Depuis la visite du ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, au Maroc, on parle d’une nouvelle dynamique dans les relations maroco-ukrainiennes, peut-on parler d’un avant et d’un après cette visite ?
Je rappelle que les relations entre nos deux pays remontent au début des années 2000. Mais je dois avouer que nous avons commis une erreur en restant trop focalisés sur notre voisinage sans nous tourner assez vers les pays africains, dont le Maroc. Maintenant, nous attachons beaucoup d’importance au Royaume qui est l’une des portes d’entrée au continent. Raison pour laquelle nous avons insisté pour que le ministre des Affaires étrangères commence sa première tournée africaine par le Maroc parce que nous jugeons qu’il existe un énorme potentiel de coopération d’autant que nous avons beaucoup de points communs et des affinités en matière de politique étrangère. Nous partageons le même souci de la protection de l’intégrité territoriale des Etats. Dans notre esprit, nous songeons à établir un partenariat d’égal à égal qui soit mutuellement bénéfique et je crois que le contexte est opportun. Actuellement, le dialogue politique fonctionne bien. Nous avons établi également les premiers contacts entre les parlements au niveau des groupes d’amitié. Des visites de haut niveau sont prévues prochainement. Certes, nous sommes en début de parcours, mais nous avons l’objectif de dynamiser les relations bilatérales à tous les niveaux pour leur donner une substance qui servira de base à un futur partenariat fructueux.
- Quand on parle de partenariat, il semble qu’il faut commencer dès le début. Prenons l’exemple du commerce qui reste faible. L’Ukraine a-t-elle un plan pour booster les échanges ?
Le volume du commerce avant la période de la guerre gravitait autour de 600 millions de dollars. Ce qui n’est pas beaucoup. En effet, le commerce n’est pas très développé pour une raison assez simple. Comme vous le savez, le marché marocain n’est pas assez connu en Ukraine. C’est là qu’il faut travailler. Raison pour laquelle nous œuvrons à faire connaître davantage les débouchés commerciaux qui existent aux entreprises des deux côtés. Notre but est de mettre en place une plateforme assez dynamique au profit des entreprises, qu’elles soient marocaines ou ukrainiennes, pour stimuler les échanges. Certes, il faut du temps puisque, vous n’êtes pas sans le savoir, nous sommes en guerre, et nous avons besoin d’un peu de temps pour nous ressaisir et reconstruire notre pays.
- En parlant de commerce, on ne peut que songer aux céréales ukrainiennes que le Maroc importait en quantités importantes. Dans quelle mesure la guerre et l’embargo en mer Noire ont-ils affecté les livraisons vers le Royaume ?
La guerre a évidemment eu un impact majeur sur l’exportation du blé de façon générale. Pour contourner l’embargo, l’Ukraine passe par d’autres carrefours pour exporter les céréales et honorer ses engagements auprès de ses partenaires. Les cargos passent désormais par l’Europe à travers la rive du Danube ou par voie ferroviaire pour acheminer les livraisons par les ports européens. En mer Noire, les exportations de céréales passent par les eaux territoriales des pays voisins. Bien qu’il y ait quelques risques, nous parvenons à le faire d’autant qu’il y a des mécanismes internationaux de surveillance. S’agissant du Maroc, il y a eu des livraisons durant l’année en cours qui ne sont pas très conséquentes. Elles sont acheminées de façon indirecte.
- Peut-on s’attendre à une hausse des livraisons ukrainiennes vers le Maroc ?
Nous allons évidemment continuer à honorer nos engagements et à exporter les céréales, le maïs et le reste des produits céréaliers vers nos partenaires en Afrique. Nous allons le faire malgré les attaques que subissent nos ports à Odessa et Mykolaïv. En ce qui concerne le Maroc, ce sujet a été au cœur des discussions lors de la visite du ministre des Affaires étrangères. Il a été proposé de faire du Maroc un hub céréalier vers l’Afrique de l’Ouest, vu son grand potentiel portuaire. L’idée est simple. Il s’agit de créer au Royaume un pôle de stockage de céréales destinées au marché africain pour assurer un approvisionnement régulier aussi bien pour le Royaume que pour ses voisins.
- Y a-t-il des négociations en cours sur ce projet de pôle céréalier ?
Comme le Maroc est une porte d’entrée vers la zone occidentale du continent, nous jugeons cette idée faisable et raisonnable. Cela nous épargnera plus de temps et permettra d’approvisionner rapidement les pays voisins qui veillent à leur sécurité alimentaire. Nous espérons initier, dès l’année prochaine, une réunion entre les experts marocains et leurs homologues ukrainiens pour étudier la faisabilité de ce plan ambitieux et examiner la connectivité des infrastructures portuaires des deux pays. J’estime que cette idée est sans le moindre doute applicable. Si les opérateurs privés se mettent d’accord, les gouvernements des deux pays peuvent donner leur appui pour concrétiser cette plateforme.
- Parlons maintenant de la question du Sahara, l’Ukraine a annoncé son soutien au plan d’autonomie. Pourquoi un tel choix ?
Ce n’est pas un choix de conjoncture, à mon avis. Il s’agit d’une conviction puisque notre diplomatie tient beaucoup à la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays. Nous respectons la position du Maroc et son choix d’avancer pour trouver une solution à ce conflit. Le plan d’autonomie, proposé en 2007, est une initiative sérieuse et crédible pour une solution future.
En parallèle, l’Ukraine soutient aussi les efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour faire avancer les choses. Nous allons continuer à soutenir les efforts du Maroc au niveau des instances internationales, y compris à l’Assemblée Générale de l’ONU. Nous restons attentifs à l’évolution de ce dossier.
- Est-ce que l’Ukraine, en échange de ce soutien au plan d’autonomie, s’attend à ce que le Maroc fasse de même en ce qui concerne la guerre contre la Russie ?
Permettez-moi de mettre les choses au clair. Le Maroc est un pays souverain et, comme chaque Etat, il prend librement ses décisions en matière de politique étrangère en fonction de sa façon de voir les choses. Certes, nous avons de bons rapports politiques, et cela nous donne l’occasion de pouvoir renforcer notre concertation au niveau des délégations dans les organisations internationales, notamment les Nations Unies. Nous sommes satisfaits de la position exprimée dans la Résolution votée à l’Assemblée Générale en février dernier. Pour notre part, nous allons continuer de soutenir le Maroc dans les institutions multilatérales.
Guerre en Ukraine : Le conflit dure
Pour Serhii Saienko, il ne peut y avoir d’issue à la guerre que la victoire ukrainienne. “Pour nous, les territoires occupés par la Russie, le Donbass et la Crimée, ne sont pas négociables”, insiste notre interlocuteur, ajoutant que la paix ne peut être envisageable que si la Russie se retire du territoire ukrainien et que lorsque la question de la réparation des dégâts sera à l’ordre du jour. Actuellement, le front semble gé après la contre-offensive menée par l’armée ukrainienne qui n’a pas encore donné les effets escomptés, selon les experts. Au moment où la guerre à Gaza accapare l’attention internationale, l’Ukraine craint la lassitude et le recul du soutien de ses alliés européens et américain. Raison pour laquelle le président Zelensky est allé aux Etats-Unis pour veiller à obtenir la poursuite de l’aide militaire américaine devenue de plus en plus incertaine à cause des divergences entre le président Joe Biden et les élus républicains qui ont la majorité au Congrès. La Maison Blanche, rappelons-le, veut débloquer près de 60 milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine. Un chèque que les Républicains, notamment ceux proches de l’aile trumpiste, ne veulent pas accorder facilement. Cependant, le chef du Sénat Chuck Schumer a dit mercredi «espérer» que les deux camps trouvent un compromis. L’Ukraine compte beaucoup sur les Etats-Unis qui demeurent la principale source de l’aide militaire occidentale.
Etudiants marocains en Ukraine : Des solutions pour obtenir les diplômes
Cela fait plus de deux ans que les étudiants marocains revenus d’Ukraine sont dans l’embarras. Après leur retour, leurs familles continuent de se poser moult questions sur le sort de leurs études. Interrogé sur les solutions qui leur sont proposées pour obtenir leurs diplômes, l’ambassadeur se montre rassurant, en faisant savoir que les étudiants inscrits dans des Universités situées dans les régions encore menacées par la guerre ont toujours la possibilité de poursuivre leurs études à distance.
“Concernant les examens, notamment en ce qui concerne les étudiants en médecine, nous avons créé, il y a un an, des centres de test à Rabat et à Casablanca pour que les étudiants puissent passer leurs examens sans être obligés de se déplacer en Ukraine”, précise M. Saienko, qui fait part de la prédisposition de son pays à continuer à les aider à poursuivre leurs études à distance pour passer leurs examens finaux.
Ceci fait l’objet d’une coordination permanente avec les autorités marocaines, notamment le ministère de l’Enseignement supérieur, nous assure-t-il, ajoutant que l’ambassade d’Ukraine travaille en étroite coordination à la fois avec le ministère de l’Enseignement supérieur et le ministère des Affaires étrangères. L’Ambassade est également en contact avec le Consulat du Maroc à Varsovie qui gère ce dossier.
Selon notre interlocuteur, la livraison des certificats des diplômes peut se faire par voie postale. “Pour notre part, nous tâchons autant que possible de simplifier les procédures”, souligne-t-il.
Pour rappel, près de 10.000 étudiants marocains étaient en Ukraine avant la guerre. L’Ambassadeur espère que son pays continuera d’en recevoir après la fin des hostilités. “J’ai constaté que plusieurs souhaitent y retourner après la fin de la guerre”, conclut-il.
“Concernant les examens, notamment en ce qui concerne les étudiants en médecine, nous avons créé, il y a un an, des centres de test à Rabat et à Casablanca pour que les étudiants puissent passer leurs examens sans être obligés de se déplacer en Ukraine”, précise M. Saienko, qui fait part de la prédisposition de son pays à continuer à les aider à poursuivre leurs études à distance pour passer leurs examens finaux.
Ceci fait l’objet d’une coordination permanente avec les autorités marocaines, notamment le ministère de l’Enseignement supérieur, nous assure-t-il, ajoutant que l’ambassade d’Ukraine travaille en étroite coordination à la fois avec le ministère de l’Enseignement supérieur et le ministère des Affaires étrangères. L’Ambassade est également en contact avec le Consulat du Maroc à Varsovie qui gère ce dossier.
Selon notre interlocuteur, la livraison des certificats des diplômes peut se faire par voie postale. “Pour notre part, nous tâchons autant que possible de simplifier les procédures”, souligne-t-il.
Pour rappel, près de 10.000 étudiants marocains étaient en Ukraine avant la guerre. L’Ambassadeur espère que son pays continuera d’en recevoir après la fin des hostilités. “J’ai constaté que plusieurs souhaitent y retourner après la fin de la guerre”, conclut-il.