Le samedi dernier a été marqué par la célébration de la Journée internationale du logiciel libre. Également connue en anglais sous l’appellation « Software Freedom Day », cette manifestation a pour objectif de mettre en évidence la dimension sociale du logiciel libre et d’initier le public à son utilisation, dans l’éducation, l’économie ou par les gouvernements.
Cet événement a par ailleurs coïncidé avec la publication d’une étude sur l’impact économique des logiciels et matériels à source ouverte sur l’économie de l’UE. Dans un contexte marqué par la généralisation de ces logiciels dans tous les secteurs de l’industrie du logiciel en Europe, le rapport commandé par la Commission Européenne tente d’identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les défis de l’Open Source dans les politiques TIC de l’UE.
Les auteurs de ce document n’ont pas manqué de dresser une liste d’options politiques visant à maximiser les avantages de l’Open Source pour soutenir une industrie européenne compétitive du logiciel et du matériel.
Open Source, késako ?
« L’Open Source est un concept apparu au milieu des années 80 pour contrer les sociétés des logiciels informatiques qui demandaient le paiement de licences à leurs clients en échange de l’utilisation de leurs produits. Le concept vise à créer des logiciels alternatifs à libre accès et surtout dont le code informatique est accessible et librement modifiable. Par la suite, ce modèle « libre » s’est étendu à plusieurs domaines comme l’ingénierie, l’art graphique ou encore la littérature », explique Saâd Zabari, CEO de Protomain et consultant en TIC.
« Souvent, les gens croient que le modèle Open Source est non lucratif et se méfient en pensant éviter une mauvaise affaire. Or, il existe un véritable modèle économique derrière l’Open Source qui permet aux contributeurs et aux entreprises de faire de très bons chiffres d’affaires. Par exemple, à travers des services payants en termes de formation, consulting, contrats de maintenance, offres premiums, solution personnalisée, etc. », poursuit la même source.
Des communautés de contributeurs
En évoquant « les contributeurs », l’expert fait référence aux milliers de personnes qui participent, le plus souvent, bénévolement à développer les solutions Open Source qui, par la suite, deviendront des biens publics accessibles gratuitement. « Ces personnes donnent de leur temps et consacrent des efforts importants parce que ça leur permet d’abord de participer à contribuer à l’intérêt général, mais c’est également un moyen de se mettre en réseau avec des profils très pointus, d’apprendre et d’améliorer leurs compétences et d’obtenir une expérience qui peut également leur servir de référence dans le marché du travail», explique Saâd Zabari.
Au final, en plus d’être gratuites, transparentes et librement personnalisables, les solutions Open Source se positionnent de plus en plus comme des outils d’indépendance numérique puisqu’elles permettent de s’affranchir de la domination de certains « géants » de l’informatique.
Souveraineté numérique
Le rapport récemment publié par la Commission Européenne met d’ailleurs en évidence cet aspect libérateur de l’Open Source en décrivant les moyens d’en tirer profit.
Au Maroc, une démarche du même calibre tarde à se matérialiser. « Au-delà du manque d’une stratégie claire pour le marché du logiciel libre au Maroc, se pose le problème de la souveraineté numérique. Jusqu’à aujourd’hui, notre pays ne dispose pas d’infrastructures Cloud nationales sécurisées qui correspondent aux besoins des entreprises publiques à caractère stratégique et sensible ou aux besoins des entreprises privées en matière de protection des données personnelles de leurs clients.
L’Europe essaie de s’affranchir de l’hégémonie des fournisseurs de services américains et chinois à travers GAIA-X, un projet de Cloud pan-européen. Le Maroc et l’Afrique gagneraient à lancer leur propre initiative de Cloud panafricain afin de garder le contrôle sur leur avenir digital », recommande pour sa part Younes Haffane, expert en transformation digitale.
Cet événement a par ailleurs coïncidé avec la publication d’une étude sur l’impact économique des logiciels et matériels à source ouverte sur l’économie de l’UE. Dans un contexte marqué par la généralisation de ces logiciels dans tous les secteurs de l’industrie du logiciel en Europe, le rapport commandé par la Commission Européenne tente d’identifier les forces, les faiblesses, les opportunités et les défis de l’Open Source dans les politiques TIC de l’UE.
Les auteurs de ce document n’ont pas manqué de dresser une liste d’options politiques visant à maximiser les avantages de l’Open Source pour soutenir une industrie européenne compétitive du logiciel et du matériel.
Open Source, késako ?
« L’Open Source est un concept apparu au milieu des années 80 pour contrer les sociétés des logiciels informatiques qui demandaient le paiement de licences à leurs clients en échange de l’utilisation de leurs produits. Le concept vise à créer des logiciels alternatifs à libre accès et surtout dont le code informatique est accessible et librement modifiable. Par la suite, ce modèle « libre » s’est étendu à plusieurs domaines comme l’ingénierie, l’art graphique ou encore la littérature », explique Saâd Zabari, CEO de Protomain et consultant en TIC.
« Souvent, les gens croient que le modèle Open Source est non lucratif et se méfient en pensant éviter une mauvaise affaire. Or, il existe un véritable modèle économique derrière l’Open Source qui permet aux contributeurs et aux entreprises de faire de très bons chiffres d’affaires. Par exemple, à travers des services payants en termes de formation, consulting, contrats de maintenance, offres premiums, solution personnalisée, etc. », poursuit la même source.
Des communautés de contributeurs
En évoquant « les contributeurs », l’expert fait référence aux milliers de personnes qui participent, le plus souvent, bénévolement à développer les solutions Open Source qui, par la suite, deviendront des biens publics accessibles gratuitement. « Ces personnes donnent de leur temps et consacrent des efforts importants parce que ça leur permet d’abord de participer à contribuer à l’intérêt général, mais c’est également un moyen de se mettre en réseau avec des profils très pointus, d’apprendre et d’améliorer leurs compétences et d’obtenir une expérience qui peut également leur servir de référence dans le marché du travail», explique Saâd Zabari.
Au final, en plus d’être gratuites, transparentes et librement personnalisables, les solutions Open Source se positionnent de plus en plus comme des outils d’indépendance numérique puisqu’elles permettent de s’affranchir de la domination de certains « géants » de l’informatique.
Souveraineté numérique
Le rapport récemment publié par la Commission Européenne met d’ailleurs en évidence cet aspect libérateur de l’Open Source en décrivant les moyens d’en tirer profit.
Au Maroc, une démarche du même calibre tarde à se matérialiser. « Au-delà du manque d’une stratégie claire pour le marché du logiciel libre au Maroc, se pose le problème de la souveraineté numérique. Jusqu’à aujourd’hui, notre pays ne dispose pas d’infrastructures Cloud nationales sécurisées qui correspondent aux besoins des entreprises publiques à caractère stratégique et sensible ou aux besoins des entreprises privées en matière de protection des données personnelles de leurs clients.
L’Europe essaie de s’affranchir de l’hégémonie des fournisseurs de services américains et chinois à travers GAIA-X, un projet de Cloud pan-européen. Le Maroc et l’Afrique gagneraient à lancer leur propre initiative de Cloud panafricain afin de garder le contrôle sur leur avenir digital », recommande pour sa part Younes Haffane, expert en transformation digitale.
Oussama ABAOUSS
Logiciels libres et PIB
Le nouveau rapport de l’UE souligne que l’impact économique des logiciels Open Source sur l’année 2018 est estimé entre 65 et 95 milliards d’euros. Le document révèle que les entreprises européennes ont investi autour de 1 milliard d’euros dans les logiciels Open Source en 2018 avec un rapport coût/bénéfice de 1:4. Les auteurs de cette enquête précisent par ailleurs qu’une augmentation de 10% des contributions aux logiciels libres créerait annuellement 0,4% à 0,6% de PIB en plus à l’échelle européenne.
La percée de l’Open Source
Un rapport publié en 2019 par Red Hat State of Enterprise Open Source indique que le logiciel libre « est de plus en plus utilisé, non pas parce que c’est moins cher, mais parce que c’est un logiciel réellement meilleur ». Des entreprises se tournent vers l’open source pour avoir accès aux dernières innovations, notamment dans les domaines du Big Data, de l’intelligence artificielle ou encore de l’apprentissage machine, qui « sont presque entièrement construits sur des logiciels libres ».
L'info...Graphie
RH et Startups
Pallier à l’exode des ingénieurs marocains du Software
Ahmed Kamal Archane, membre de l’Alliance des Ingénieurs Istiqlaliens, estime nécessaire de mettre en place un plan d’urgence pour pallier à la pénurie due à l’exode des ingénieurs marocains du Software.
« Cela passe par la mise en place d’une politique volontariste pour attirer les talents au niveau régional, et d’un programme national de formation massive des spécialistes du Software pour encourager les spécialisations permettant de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur du développement logiciel », précise la même source. L’optimisation du potentiel du marché marocain des logiciels est également liée à l’appui aux startups.
Rappelant que le Maroc est le 7ème en Afrique en matière de levée de fonds pour les startups, Ahmed Kamal Archane recommande d’orienter une partie des financements et des garanties de Maroc PME et la CCG afin de financer les startups marocaines, tout en permettant une ouverture aux capitaux étrangers. Le spécialiste des TIC estime par ailleurs urgent de mettre en oeuvre la loi relative au financement participative (crowdfunding) dont les décrets sont toujours en attente.
« Pour accompagner la compétitivité de nos start-ups au niveau régional, il faut mettre en place une offre Cloud nationale abordable permettant de doter nos acteurs de l’infrastructure et des outils Software de développement nécessaires pour qu’ils puissent gagner en efficacité, en agilité et surtout en « Time To Market » dans un marché globalisé et concurrentiel », conclut Ahmed Kamal Archane.
« Cela passe par la mise en place d’une politique volontariste pour attirer les talents au niveau régional, et d’un programme national de formation massive des spécialistes du Software pour encourager les spécialisations permettant de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur du développement logiciel », précise la même source. L’optimisation du potentiel du marché marocain des logiciels est également liée à l’appui aux startups.
Rappelant que le Maroc est le 7ème en Afrique en matière de levée de fonds pour les startups, Ahmed Kamal Archane recommande d’orienter une partie des financements et des garanties de Maroc PME et la CCG afin de financer les startups marocaines, tout en permettant une ouverture aux capitaux étrangers. Le spécialiste des TIC estime par ailleurs urgent de mettre en oeuvre la loi relative au financement participative (crowdfunding) dont les décrets sont toujours en attente.
« Pour accompagner la compétitivité de nos start-ups au niveau régional, il faut mettre en place une offre Cloud nationale abordable permettant de doter nos acteurs de l’infrastructure et des outils Software de développement nécessaires pour qu’ils puissent gagner en efficacité, en agilité et surtout en « Time To Market » dans un marché globalisé et concurrentiel », conclut Ahmed Kamal Archane.
Tendance
Vers une cohabitation entre logiciel libre et solution payante
À l’opposé du logiciel libre, on trouve le « logiciel propriétaire » ou à « code source fermé ». Un logiciel fermé est strictement protégé. Seuls les propriétaires du code source sont en droit d’y accéder ou de le modifier. L’utilisateur final de ce genre de logiciel paie uniquement pour pouvoir l’utiliser conformément à l’usage prévu par le propriétaire.
Les logiciels Open Source, en revanche, ne sont pas seulement un réservoir mondial de code gratuit sur lequel les programmeurs peuvent s’appuyer, puisqu’à l’échelle géopolitique, ces programmes sont également considérés comme un outil que les pays peuvent utiliser pour obtenir leur indépendance vis-à-vis du monopole croissant des géants de la technologie.
L’Open Source est aussi considéré comme un gisement économique que les entreprises peuvent librement utiliser comme base pour élaborer de nouveaux produits payants. Contrairement à ses débuts, l’Open Source est aujourd’hui un bien qui fédère et dont l’importance est admise, y compris dans les sphères de producteurs de « logiciels propriétaires ».
Les logiciels Open Source, en revanche, ne sont pas seulement un réservoir mondial de code gratuit sur lequel les programmeurs peuvent s’appuyer, puisqu’à l’échelle géopolitique, ces programmes sont également considérés comme un outil que les pays peuvent utiliser pour obtenir leur indépendance vis-à-vis du monopole croissant des géants de la technologie.
L’Open Source est aussi considéré comme un gisement économique que les entreprises peuvent librement utiliser comme base pour élaborer de nouveaux produits payants. Contrairement à ses débuts, l’Open Source est aujourd’hui un bien qui fédère et dont l’importance est admise, y compris dans les sphères de producteurs de « logiciels propriétaires ».
3 questions à Younes Haffane expert en transformation digitale
« Les entreprises publiques n’ont pas carte blanche pour utiliser les logiciels Open Source »
Expert en transformation numérique, Younes Haffane répond à nos questions sur le marché des logiciels et sur l’utilisation de l’Open Source au Maroc.
- Quelle place occupent les logiciels Open Source dans le quotidien des institutions et entreprises publiques marocaines ?
- Au Maroc, les entreprises publiques n’ont pas carte blanche pour utiliser les plateformes Cloud-based ou logiciels Open Source, à cause des risques de fuite de données sensibles. La DGSSI (Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information) travaille avec ces entreprises publiques demandeuses de solutions Cloud pour juger les risques et donner son accord (ou pas) sur l’utilisation de telles solutions.
Cela ralentit énormément le déploiement de solutions numériques au sein des établissements publics et ralentit leur transition digitale. Cela met aussi en évidence notre grande dépendance par rapport aux solutions imposées par les leaders mondiaux du digital. Les entreprises privées sont moins touchées par cette limitation et peuvent opter pour des infrastructures ou des solutions internationales.
- Existe-t-il dans notre pays un réel marché de logiciels marocains ?
- Au Maroc, on trouve, à mon humble avis, beaucoup plus d’intégrateurs que de créateurs de Software. Ces intégrateurs sont en quelque sorte les représentants technico-commerciaux des grands fournisseurs de solutions/services et prennent en charge le déploiement et l’intégration de ces solutions au sein des SI de leurs clients. Nous avons quelques success-stories nationales comme HPS ou encore M2M qui arrivent à déployer leurs solutions au-delà des frontières nationales, mais elles demeurent des exceptions.
- Comment expliquez-vous cette situation ?
- Je tiens d’abord à préciser qu’en terme de talent, le pays regorge de compétences hautement qualifiées en développement logiciel et en sécurité informatique. Les entreprises marocaines (et en particulier les départements des systèmes d’information) font d’ailleurs souvent appel à des freelancers sur des missions ponctuelles de maintenance, d’intégration ou de mise à niveau.
Cela dit, cette situation s’explique, d’une part, par le fait que le Maroc n’a jamais eu jusqu’à présent de stratégie claire et volontariste pour développer des champions nationaux en matière de digital, et, d’autre part, par le niveau très bas des investissements, publics et privés, destinés au développement du numérique dans notre pays.
- Quelle place occupent les logiciels Open Source dans le quotidien des institutions et entreprises publiques marocaines ?
- Au Maroc, les entreprises publiques n’ont pas carte blanche pour utiliser les plateformes Cloud-based ou logiciels Open Source, à cause des risques de fuite de données sensibles. La DGSSI (Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information) travaille avec ces entreprises publiques demandeuses de solutions Cloud pour juger les risques et donner son accord (ou pas) sur l’utilisation de telles solutions.
Cela ralentit énormément le déploiement de solutions numériques au sein des établissements publics et ralentit leur transition digitale. Cela met aussi en évidence notre grande dépendance par rapport aux solutions imposées par les leaders mondiaux du digital. Les entreprises privées sont moins touchées par cette limitation et peuvent opter pour des infrastructures ou des solutions internationales.
- Existe-t-il dans notre pays un réel marché de logiciels marocains ?
- Au Maroc, on trouve, à mon humble avis, beaucoup plus d’intégrateurs que de créateurs de Software. Ces intégrateurs sont en quelque sorte les représentants technico-commerciaux des grands fournisseurs de solutions/services et prennent en charge le déploiement et l’intégration de ces solutions au sein des SI de leurs clients. Nous avons quelques success-stories nationales comme HPS ou encore M2M qui arrivent à déployer leurs solutions au-delà des frontières nationales, mais elles demeurent des exceptions.
- Comment expliquez-vous cette situation ?
- Je tiens d’abord à préciser qu’en terme de talent, le pays regorge de compétences hautement qualifiées en développement logiciel et en sécurité informatique. Les entreprises marocaines (et en particulier les départements des systèmes d’information) font d’ailleurs souvent appel à des freelancers sur des missions ponctuelles de maintenance, d’intégration ou de mise à niveau.
Cela dit, cette situation s’explique, d’une part, par le fait que le Maroc n’a jamais eu jusqu’à présent de stratégie claire et volontariste pour développer des champions nationaux en matière de digital, et, d’autre part, par le niveau très bas des investissements, publics et privés, destinés au développement du numérique dans notre pays.
Recueillis par O. A.