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Tourisme : Inquiétant manque de main-d’oeuvre


Rédigé par Abdellah MOUTAWAKIL Jeudi 2 Juin 2022

C’est l’un des secteurs qui a le plus subi les effets du Covid-19. Conséquence : son personnel l’a déserté face à la précarité qui s’y est installée. Aujourd’hui, malgré la reprise annoncée, les professionnels du tourisme national peinent à trouver de bons profils. Ce qui ne serait pas sans effets sur la haute saison, et bien au-delà.



Une saison touristique qui s’annonce comme celle de la reprise, mais qui risque de faire face à un sérieux problème de disponibilité d’une main d’oeuvre, ou plutôt de ressources humaines qualifiées.

C’est en somme l’une des préoccupations majeures des professionnels du secteur touristique marocain, à quelques semaines de l’entrée de la saison estivale. Une saison estivale qui, à vrai dire, est déjà anticipée, au regard des chiffres très encourageants enregistrés par les opérateurs, aussi bien en termes de réservations que de nuitées.

Mais pour l’heure, fait savoir le directeur d’une grande chaine hôtelière : « Le secteur a besoin de recruter. Aujourd’hui, les établissements sont confrontés à des besoins en termes de recrutement. C’est surtout l’hôtellerie qui est à la recherche de bons profils qui sont difficiles à trouver ». Un constat partagé par d’autres professionnels du secteur et qui préoccupe jusqu’au niveau de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT). « Si vous voyez actuellement les sites d’annonces de recrutements, vous verrez que la plupart des offres sont faites par l’hôtellerie et la restauration ou d’autres filières dépendant du secteur touristique », nous fait remarquer un membre de la CNT.

Effet Covid

Alors, qu’est-ce qui explique ce manque surprise de profils et de compétences recherchés dans ce secteur si stratégique pour l’économie nationale ? « La pandémie a accentué les problématiques de recrutement que rencontrait le secteur. Si, avant, trouver le candidat idéal n’était pas une tâche facile, aujourd’hui c’est encore plus compliqué. Tout d’abord, parce que pendant ces deux dernières années, notre secteur manquait de visibilité, la reprise tardait, et donc les entreprises ne recrutaient pas », observe Rkia Alaoui, présidente du Conseil Régional du Tourisme (CRT) de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (voir interview).

« Dans mon entreprise, j’ai perdu des cadres car, aujourd’hui, dans notre secteur on ne peut plus se permettre de supporter certains niveaux de salaires. En un mot, deux ans de crise ont détruit ce que nous avons mis 30 ans à construire », constate, amer, le responsable d’un grand tour opérateur marocain, qui a requis l’anonymat.

Perte de confiance

Et il faut le souligner, il ne s’agit pas uniquement des postes opérationnels qui peinent à trouver preneurs, mais c’est aussi le cas dans les postes stratégiques. « Les gens ont perdu confiance en notre secteur, car, lors du Covid, de hauts cadres se sont retrouvés à se contenter des 2.000 DH de la CNSS. Aujourd’hui, ils cherchent ailleurs », poursuit notre interlocuteur.

A l’instar du secteur de la construction automobile qui a peiné à redémarrer après la reprise post-Covid, en raison de la crise des semi-conducteurs, pour le tourisme, c’est aussi un problème de formation qui se pose. « Avec la crise, de nombreuses écoles de formation ont été obligées de faire une pause, en raison notamment de l’arrêt prolongé des activités dans notre secteur, mais aussi du fait que les jeunes ont cherché à se reconvertir dans d’autres secteurs plus sûrs en cas de nouvelle crise », fait-on observer à la Confédération Nationale du Tourisme.

Ce manque de compétences commence à inquiéter les opérateurs du secteur touristique. Ils craignent en effet de ne pas tourner en pleine capacité, alors que la demande devrait bel et bien être au rendez-vous. « L’ensemble des opérateurs déploient leurs pleins efforts afin que leurs effectifs soient prêts pour la haute saison », ajoute Rkia Alaoui.

A ce propos, plusieurs campagnes de recrutement et sessions de formation sont menées par divers établissements. L’objectif étant d’assurer une bonne qualité de service et bien évidemment réaliser de bonnes performances commerciales. Toutefois, la question dépasse uniquement la prochaine haute saison, car, à vrai dire, « ce n’est pas le court-terme qui inquiète, mais bien le long-terme », alerte la présidente du CRT de la région Nord du royaume.


Abdellah MOUTAWAKIL
 

Repères

Saison touristique : le gouvernement confiant
« La conjugaison de plusieurs facteurs rassure quant à la réussite de la saison estivale cette année, les efforts fournis par les équipes du ministère du Tourisme et celles de l’ONMT ont permis de sécuriser une bonne partie des nuitées ». Cette déclaration est du Porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas. A l’instar des opérateurs, les autorités estiment que la prochaine haute saison va permettre d’entamer le rattrapage sur les deux dernières années. Le gouvernement a ainsi décidé d’alléger le dispositif sanitaire sur les conditions d’accès dans le Royaume.
 
La communication bat son plein !
Aussi bien le tourisme domestique que le tourisme international sont dans le viseur des autorités et des opérateurs pour cette haute saison. L’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) mène actuellement sa nouvelle campagne internationale « Maroc, Terre de Lumière ». Déployée dans une vingtaine de grands pays émetteurs de touristes, cette campagne constitue la pierre angulaire de l’action promotionnelle dédiée au tourisme international, aussi bien sur les marchés traditionnels qu’émergents.

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Ressources humaines


Restaurer la confiance et le prestige
 
Un constat se dégage désormais : la pandémie a considérablement fragilisé le secteur touristique, mais, plus grave encore, lui a ôté la grande confiance et le prestige qui lui était associé. Ce qui requiert donc un nouveau travail de séduction, mais surtout de sécurisation de ce secteur stratégique de l’économie nationale.

Pour de nombreux professionnels, il faut accompagner les jeunes vers ce secteur. « En accompagnant ces jeunes qui étudient dans ces écoles, nous assurons un meilleur avenir pour notre secteur. Tout d’abord, parce qu’on crée une bonne proximité et nous rapprochons l’étudiant du privé », note la présidente du CRT de Tanger et sa région.

« Deuxièmement, parce que la nature de nos métiers demande un partenariat public-privé approfondi, où les échanges doivent être constants, afin de pousser vers une adaptation continue et rapide aux besoins du marché », poursuit-elle. Car, note notre interlocutrice, « c’est ainsi que nous allons pouvoir répondre aux besoins du secteur, par une main d’oeuvre pleinement prête à intégrer le marché, qui contribuera à résoudre la problématique de profils sur le long-terme ». A bon entendeur !

 

Tourisme


La reprise se confirme
 
Selon les chiffres rendus publics par le Gouvernement, l’activité touristique a affiché une évolution positive en ce début d’année 2022, favorisée par la réouverture des frontières nationales le 7 février dernier et l’amélioration de la situation sanitaire.

« La saison estivale s’annonce très bien. Nous avons de très bons signes. Depuis 2 à 3 mois, les choses avancent bien. Nous sommes déjà sur des performances très intéressantes par rapport à ce que l’on fait durant une année normale. Il y a beaucoup de demandes et nous pensons que cela va continuer et que la saison estivale sera très intéressante », constate le directeur général d’une grande chaîne hôtelière.

En tout cas, les arrivées de touristes aux postes-frontières ont enregistré un rebond de 215% durant les quatre premiers mois de 2022, pour atteindre 1,5 million. La Direction du Trésor et des Finances Extérieures (DTFE), qui relève ces chiffres, indique que cette hausse fait suite à une augmentation de 428% pour les touristes étrangers et de 129% pour les Marocains Résidant à l’Etranger (MRE).

Par rapport à la même période de l’année 2019, le nombre total des arrivées reste encore en baisse de 59,5%, soit 69% pour les touristes étrangers et 42,5% pour les MRE. Avec la reprise de l’opération Marhaba, la saison estivale s’annonce très prometteuse, aussi bien en termes d’arrivées que sur les activités d’animation, notamment dans le secteur de la restauration.
 

3 questions à Rkia Alaoui

Tourisme : Inquiétant manque de main-d’oeuvre

« Commencer le travail par les écoles de formation en hôtellerie et tourisme »
 
Pour Rkia Alaoui, présidente du Conseil Régional du Tourisme (CRT) de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, un important effort doit être fait, à commencer par la formation.

- Sentez-vous un manque de profils ou de main d’oeuvre dans le secteur touristique ?

- La pandémie a accentué les problématiques de recrutement que rencontrait le secteur. Si, avant, trouver le candidat idéal n’était pas une tâche facile, aujourd’hui c’est encore plus compliqué. Tout d’abord, parce que pendant ces deux dernières années, notre secteur manquait de visibilité, la reprise tardait, et donc les entreprises ne recrutaient pas.

Tout naturellement, la main d’oeuvre disponible sur le marché devait chercher des alternatives, que ce soit dans d’autres entreprises touristiques qui recrutent, qui étaient rares, ou bien en quittant totalement le secteur.

Le souci avec cette seconde option, c’est que c’est une main d’oeuvre qualifiée, expérimentée, formée, qui opère un changement important en termes de carrière, ce qui la rend difficilement récupérable. Il faut bien sûr relativiser, puisque plusieurs établissements et entreprises touristiques au Maroc ont préservé leurs effectifs, à coup de grands sacrifices budgétaires. Mais c’est une prise de risque qui leur a permis en fin de compte de redémarrer de façon plus fluide.


- Est-ce que ce manque est de nature à impacter vos activités et performances pour la haute saison qui s’annonce ?

- L’ensemble des opérateurs déploient leurs pleins efforts afin que leurs effectifs soient prêts pour la haute saison. Dans ce sens, plusieurs campagnes de recrutement et sessions de formation sont menées par divers établissements en cette période. L’objectif étant d’assurer une bonne qualité de service et bien évidemment réaliser de bonnes performances commerciales. Donc, pour répondre à votre question, ce n’est pas le court-terme qui inquiète, mais bien le long-terme.


- Quelles solutions à ce problème ?

- A mon sens, il faut continuer à travailler sur l’attractivité du secteur, afin d’être compétitifs et attirer une main d’oeuvre qualifiée ou du moins qualifiable. Pour ce faire, les écoles de formation en hôtellerie et tourisme doivent être notre point de départ.


Recueillis par A. M.

 








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