Le tourisme de montagne, une filière sous-exploitée à fort potentiel de développement. / AFP PHOTO / FADEL SENNA.
Plusieurs vidéos continuent à circuler sur les réseaux sociaux, illustrant une route de l’Oukaïmeden bondée de véhicules et de piétons. Et pour cause : les précipitations de neige sont devenues tellement sporadiques au niveau national que l’attrait d’un paysage blanc est devenu une rare opportunité à ne pas manquer. «Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à un tel d’embouteillage au niveau de cette route. Lorsque la neige est enfin de retour à l’Oukaïmeden, les gens ont tendance à vouloir en profiter avant la fonte qui est devenue rapide durant ces dernières années. Avec l’afflux massif en week-end et la perturbation de la circulation à cause de la neige, on peut facilement comprendre les raisons derrière les images que l’on a vu», explique Brahim Bakass, naturaliste et guide des milieux naturels. Si beaucoup sont restés bloqués sur la route de l’Oukaïmeden plusieurs heures, la plupart évoquent plutôt de bonnes nouvelles pour le tourisme local.
Opérations de déneigement
Sur place, Mohamed, gérant d’un magasin spécialisé dans la location de matériel de glisse, a affirmé (à la MAP) que depuis les récentes chutes de neige, la demande de matériel «dépasse toutes les attentes», ajoutant que la visite des touristes nationaux et internationaux se déroule «dans les meilleures conditions possibles». Le phénomène ne s’est par ailleurs pas limité au Haut Atlas, puisque la Direction Générale de la Météorologie (DGM) évoque des chutes de neige non-négligeables depuis le 28 décembre dernier, dans le Moyen Atlas et le Haut Atlas Oriental notamment. Depuis lundi, la Province d’Ifrane qui a connu des précipitations de neige (pourtant considérées comme «modérées») a dû mobiliser les équipes de déneigement afin d’ouvrir la route entre Azrou et Timahdite. A l’écriture de ces lignes, la route de Michlifen était toujours fermée à la circulation en attendant l’intervention des engins. «Nous espérons que la neige y sera encore le week-end prochain. Les enfants ont hâte d’y aller», nous confie un habitant de Meknès.
Projet Oukaïmeden
Si certaines stations de ski au niveau national n’accueillent plus autant de visiteurs comparativement au siècle dernier, au vu de la baisse drastique des chutes de neige, la station de l’Oukaïmeden considérée comme la plus haute en Afrique (2600 mètres d’altitude) est pour sa part promise à un avenir manifestement plus radieux. L’engouement des touristes nationaux et internationaux pour ce site unique semble largement justifier la mise en œuvre du projet de restructuration et de valorisation de la station. Doté d’un budget total de 148,34 millions de dirhams, financé dans le cadre d’une convention conclue entre le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Equipement et de l'Eau, la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique (SMIT) et le Conseil de la région Marrakech-Safi, ce projet vise l'aménagement, le renforcement des routes et l'amélioration des services. Un investissement global de 230 millions de dirhams est également alloué à la modernisation de la station et au développement de nouvelles infrastructures de loisirs.
L’Atlas a le vent en poupe
Si le développement du tourisme hivernal est tributaire de conditions climatiques et météorologiques de plus en plus incertaines, le tourisme de montagne reste pour sa part une filière prometteuse à développer. «Investir pour développer des produits de tourisme de montagne est une nécessité, mais il est également important d’aider les populations locales à structurer et créer leurs propres offres et produits pour que ce tourisme puisse leur bénéficier en premier lieu», estime Brahim Bakass. En attendant, les montagnes de l’Atlas ont le vent en poupe au niveau international. En témoigne un article du magazine Forbes, publié en décembre dernier, qui classe les montagnes marocaines dans le Top 3 des destinations de montagne incontournables pour 2025. «Le tourisme de montagne se construit sur la base des atouts et spécificités de chaque territoire. Au Maroc, ces atouts existent et le potentiel est énorme. Il est donc possible de développer une offre touristique en puisant dans ce que la montagne marocaine a de mieux à offrir», conclut Brahim Bakass.
3 questions à Brahim Bakass : «Il existe actuellement une offre d’activités et d’événements culturels locaux qui font partie de l’identité touristique de plusieurs zones montagneuses»
Naturaliste et guide des milieux naturels, Brahim Bakass répond à nos questions sur le tourisme de montagne dans le Royaume.
- Les touristes étrangers qui viennent au Maroc sont-ils intéressés par le tourisme de montagne ?
- Est-ce que le tourisme de montagne a évolué pour répondre à la demande et au potentiel qui existent ?
- Est-ce que le tourisme de montagne occupe la place qui devrait lui revenir dans la promotion touristique ?
Tendance : Le tourisme hivernal marocain face aux défis du changement climatique
Il existe au Maroc plusieurs sites propices à la pratique de sports hivernaux, pour peu que la neige soit au rendez-vous. Parmi ces sites, plusieurs «spots secrets» connus par les adeptes sont situés dans des zones souvent difficiles d’accès. À ceux-là, s’ajoutent au moins trois stations de ski où ont été aménagées des infrastructures adaptées (station de Ski de Michlifen et la station de Habri notamment). Située dans le Haut Atlas, à quelque 70 km de la très fréquentée ville de Marrakech, la station de l’Oukaïmeden bénéficie pour sa part de plusieurs pistes aménagées à des altitudes oscillant entre 2700 et 3200 m. C'est aussi la station la mieux équipée du pays avec trois téléskis, un télésiège, une école de ski, et six remonte-pentes. Au vu des effets du changement climatique, les experts estiment cependant que le Royaume devrait diversifier les offres de produits de son tourisme de montagne afin de combler les périodes creuses que le manque de neige peut engendrer au niveau du tourisme hivernal.
Coopération : Appui de l’UE pour dynamiser le tourisme rural et de montagne
Le ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts et l’Union Européenne au Maroc ont récemment organisé un atelier national de capitalisation et de clôture du Programme d’Appui au Développement Territorial (PADT), à Rabat. Ce programme a apporté une assistance technique pour accompagner la préparation de la mise en œuvre de la «Stratégie Nationale de Développement de l’Espace Rural et des Zones de Montagne». L’atelier qui a réuni des représentants institutionnels, des experts et des acteurs locaux a permis de présenter les résultats obtenus, d’identifier les bonnes pratiques et de partager les recommandations pour la mise en œuvre future des projets de la Stratégie. Le PADT, qui a bénéficié d’un financement de 50 millions d’euros de l’UE, a appuyé en parallèle la politique de régionalisation avancée et la Stratégie Nationale de Développement de l’Espace Rural et des Zones de Montagne. Le programme a mobilisé, dans la partie consacrée à l’assistance technique, 19 experts nationaux et internationaux pendant une durée de 38 mois. Les travaux se sont concentrés sur deux régions pilotes : Béni Mellal-Khénifra et l’Oriental, avec pour objectif de renforcer les compétences des acteurs locaux à travers 29 sessions de formation sur les projets territoriaux et 16 en agritourisme, tourisme rural et de montagne ; 60 ateliers et 40 réunions de coordination ainsi que la production d’outils pratiques (manuel méthodologique, système de suivi-évaluation, analyses d’intégration des jeunes et des femmes…).