Alternative aux autres moyens de transport
Contrairement à la version classique, la trottinette électrique est équipée d’un moteur, d’une commande qui gère sa vitesse qui peut aller au-delà de 25 km/h et une batterie en lithium-ion. Ce qui, en plus de son côté ludique, permet à ses usagers de parcourir une bonne distance en dépendant de plusieurs facteurs, notamment la capacité de batterie, la vitesse et le poids de l’utilisateur. Son succès est justifié par ses divers avantages, dont le fait de pouvoir contourner sans encombre les bouchons fréquents.
Des navetteurs professionnels ont ainsi fait le choix d’en acquérir du fait qu’elle peut facilement être pliée et rangée dans le train. Contraints de se déplacer quotidiennement, ils prennent avec eux leurs trottinettes pour à la fois se détacher des autres moyens de transport et d’oublier l’épineux problème de stationnement.
Cet engin, selon le directeur de l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA), Benacer Boulaâjoul, « apporte une solution au problème du « dernier kilomètre » », expliquant qu’« il s’agit de la distance qu’il reste à parcourir après l’utilisation du mode de transport principal. Cette distance étant trop longue pour être parcourue à pied, mais trop courte pour prendre la voiture ».
Quid de la réglementation ?
A l’heure actuelle, la trottinette électrique ne fait l’objet d’aucun cadre juridique qui réglemente son usage et qui met au clair les droits et obligations des usagers pour assurer leur sécurité et celle d’autrui. Face à ce vide juridique, la NARSA les considère «au vu de la loi n° 52-05 portant Code de la route comme étant des véhicules qui n’appartiennent à aucune des catégories définies dans ce dernier ».
Le contrôleur général Driss Salek, chef du service de la sécurité routière et des accidents de la circulation au sein de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), les perçoit comme « des piétons qui peuvent faire face à des sanctions s’ils sont en infraction aux règles de circulation qui leur sont dédiés, s’ils ne traversent pas la chaussée en empruntant la traversée piétonne ou en cas du non-respect de la chose publique, par exemple ».
Ces engins « ont été impliqués dans 42 accidents corporels, dont 11 ont été enregistrés à Casablanca, pendant l’année précédente », a-t-il ajoutant, notant qu’« ils ont également provoqué un décès, 4 cas graves et 39 blessés légers ». D’où la nécessité de souscrire une assurance qui couvre l’obligation de réparer les dommages corporels ou matériels causés à un tiers en cas d’incidents pareils.
Néanmoins, un assureur de la place a fait savoir qu’« il ne peut pas y en avoir tant qu’il n’existe aucun cadre législatif qui fera évoluer le Code de la route». Un constat qui nous a été confirmé par Aziz Benslimane, co-fondateur et CEO de HoplaMob à Casablanca, qui a souligné que « nous avons fait le tour des assurances et pour le moment, il n’y a aucune offre de service destiné à ce type d’engin ».
« Plusieurs pays européens ont adopté des législations spécifiques pour imposer des restrictions draconiennes sur leur usage, notamment en ce qui concerne le seuil de vitesse à ne pas dépasser, le port des moyens de protection mais aussi les types de voies publiques à utiliser », a mis en évidence le directeur de la NARSA.
Entre écolo et polluant !
Contrairement à la voiture ou le scooter, la trottinette électrique est, pour certains, plus écologique. Elle permet de circuler sans rejets polluants, sans émission de CO2 et avec une nuisance sonore très faible.
Contacté par nos soins, Ahmed El Majdi, avocat pénaliste au barreau de Rabat, a indiqué que « bien que ce nouveau mode de transport soit séduisant par son respect de l’environnement, le coût environnemental lié à sa fabrication (aluminium) et aussi son usage par la consommation d’électricité peuvent être remis en cause ». Ceci dit, ce sont principalement les batteries qui posent problème, car elles sont gourmandes en métaux rares où l’énergie utilisée est fortement carbonée.
Quant à M. Aziz Benslimane de HoplaMob, il s’est attardé sur le phénomène des trottinettes électriques partagées qui « polluent davantage que les modes de transport ». Il a donné, à cet effet, l’exemple de la France indiquant que « les divers engins, disposés sur les trottoirs pour être ramassés et rechargés par des fourgonnettes diesel, fait que le bilan carbone est biaisé et pas assez bon qu’il devrait être ».
Pour veiller au respect du côté écologique, a-t-il poursuivi, « nous avons prévu de déployer des stations intelligentes sur un réseau de partenaires, à savoir des cafés, des restaurants ou des agences, qui vont permettre d’ancrer son véhicule et de le recharger en toute sécurité ».
In fine, M. Benacer Boulaâjoul (NARSA) a affirmé que « la possibilité de profiter au maximum des trottinettes électriques repose sur la législation à adopter et son application effective, ainsi que sur la mise en place des infrastructures nécessaires à leur déplacement ».
« La prise de conscience du niveau de risque encouru par les utilisateurs et le comportement à adopter sont aussi fondamentaux pour son acceptation sociale comme mode de déplacement alternatif ».
A ce propos, « la DGSN a déjà saisi les ministères de l’Intérieur, celui de l’Equipement et du Transport ainsi que la NARSA pour inscrire cette question dans l’ordre du jour des réunions liées au volet réglementaire du code de la route », a indiqué M. Driss Salek, chef du service de la sécurité routière et des accidents de la circulation au sein de la Direction Générale de la Sûreté National (DGSN).
« Les discussions concernant la mise en place d’un cadre réglementaire sont déjà entamées et feront bientôt l’objet d’une journée d’étude », a-t-il conclu.
3 questions à Ahmed El Majdi
« Trop de loi tue la loi »
Ahmed El Majdi, avocat pénaliste au barreau de Rabat, a répondu à nos questions sur la réglementation de la trottinette électrique.
- A l’heure actuelle, les trottinettes électriques ne font l’objet d’aucune réglementation, pensez-vous qu’il est nécessaire d’adopter des lois qui réglementent leur usage ?
- Trop de loi tue la loi. Une nouvelle loi concernant ce nouveau mode de déplacement ne fera qu’alourdir l’arsenal juridique marocain. Jusqu’à présent, les utilisateurs sont peu nombreux et il n’y a pas d’urgence dans la mise en place d’une législation spéciale à ce genre d’engin. Encore, légiférer sur cette problématique juridique doit se faire après instauration d’une réelle infrastructure d’accessibilité adéquate. Il est difficile d’imaginer d’imposer la circulation de ces engins en piste cyclable en l’absence de ces dernières. Enfin, cela reste une question de culture et de responsabilité de son usager qui doit veiller à ne pas mettre sa vie et celle d’autrui en danger.
- En cas d’infraction du code de la route, est-ce que les usagers de ce moyen de mobilité peuvent faire face à des sanctions ?
- La trottinette électrique peut être assimilée à une bicyclette à moteur et de ce fait se voir appliquer les dispositions légales relevant du code de la route. Donc, la question est tranchée, son utilisateur souffre de toutes les conséquences juridiques qui en découlent. Toutefois, certaines dispositions et règles doivent être mises en harmonisation avec les particularités de cet engin concernant l’examen, la conduite, la vitesse, les restrictions de passage.
- Les usagers peuvent-ils bénéficier d’une assurance qui les protègent en cas d’accident ?
- Étant considéré comme un cycliste, l’utilisateur d’une trottinette électrique peut par son usage porter préjudice à autrui, sur la base des règles de la responsabilité civile délictuelle. L’usager est dans l’obligation de contracter une assurance responsabilité civile pour réparer les dommages pouvant être causés par sa faute.
Recueillis par S. M.