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Vaccin Spoutnik V: Du scepticisme à la surdemande


Rédigé par Siham MDIJI Mercredi 7 Avril 2021

Le scepticisme vis-à-vis du vaccin Spoutnik V, développé par l’institut russe Gamaleïa, n’est plus de mise. Grâce aux résultats scientifiques, le vaccin russe est devenu une des sources potentielles pour combler le manque de vaccins, spécialement en Europe.



Compte tenu de son lancement avant même la fin de la troisième et dernière phase des essais cliniques, le vaccin russe a semé la zizanie entre les membres de la communauté scientifique internationale. La polémique qu’il a suscitée a poussé de nombreuses personnes à croire qu’il s’agissait d’une arme géopolitique de Vladimir Poutine, destinée à des fins purement politiques, et non un outil de santé publique, conçu dans le but de juguler la propagation du Covid-19. 

Cependant, Spoutnik V, qualifié autrefois de « vaccin de complément », a désormais montré une efficacité non négligeable, chose qui a été derrière la dissipation des diverses voix élevées pour relayer des propos douteux à son égard. « Les réactions engendrées suite au lancement rapide de Spoutnik V pouvaient être compréhensibles à l’époque où il n’y avait aucune donnée scientifique et que les essais cliniques n’étaient toujours pas achevés. « Mais, aujourd’hui, il n’y a plus aucune place au doute, puisque les résultats publiés par la revue The Lancet ont démontré que le vaccin est efficace à 91,6% contre les formes symptomatiques du Covid-19 », précise Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé. 

« Un vaccin des plus performants » 

Les résultats d’essais préliminaires de la phase III relayés, en février dernier, par la revue médicale susmentionnée sont clairs ainsi que le principe scientifique de Spoutnik V est démontré.  Les tests, réalisés entre septembre et novembre, ont été menés sur près de 20.000 participants, dont quelque 2.144 étaient âgés de 60 ans et plus.  Les participants à l'essai ont tous reçu deux injections à vingt et un jours d’intervalle, accompagnées à chaque fois d'un test PCR. Dans les jours suivant l'administration de la deuxième dose, un test PCR n'était réalisé que chez les personnes qui développaient des symptômes. Au total, 16 volontaires sur les 14.900 qui avaient reçu les deux doses du vaccin ont été testés positifs, soit 0,1%, contre 62 sur les 4.900 qui avaient reçu le placebo, soit 1,3%. Toutefois, « d'autres recherches sont nécessaires pour cerner l'efficacité du vaccin sur les cas asymptomatiques et sur la transmission de la maladie », a souligné The Lancet. En dépit de cela, le vaccin russe semble protéger efficacement contre les formes modérées à sévères de la maladie. Ce qui le place parmi les vaccins les plus performants qui peuvent dorénavant rejoindre le combat qui vise à réduire l’incidence du Covid-19. 

Popularité dans les pays du Sud 

Alors que l’Agence européenne des médicaments (EMA) n’autorisera l’usage du Spoutnik V dans l’UE que vers la fin de juin, de nombreux pays de l’hémisphère Sud en commandent pour accélérer leur campagne de vaccination et pour éviter le scénario européen. Le nombre de pays ayant approuvé le vaccin Spoutnik s’élève à plus de 40, dont le Maroc. Ce dernier, ayant octroyé une autorisation d’utilisation d’urgence au vaccin russe, devait recevoir un million de doses dont le premier arrivage était prévu pour la fin du mois de mars. Ce dernier, visiblement, devrait connaître un premier retard de livraison dont les raisons, selon des sources bien informées, ne peuvent relever que du ministère de la Santé.

A ce propos, le Dr Moulay Mustapha Ennaji, directeur du laboratoire de virologie à l’Université Hassan II et membre de la Commission nationale consultative d'autorisation du vaccin anti-Covid-19, a affirmé que « nous avons essayé de diversifier les sources d’approvisionnement en matière de vaccins, avec pour objectif d’achever la campagne de vaccination vers le 20 avril, mais la pression internationale qui sévit dernièrement nous a obligé de faire face à ce retard », ajoutant que « c’est une situation qui retarde l’objectif visé, celui d’atteindre l’immunité collective. Celle-ci est tributaire de la vaccination de la population qui devrait atteindre 70 à 80%, alors que l’on est juste à environ 20% ». Des circonstances pareilles ne semblent pas être rassurantes pour le Dr Ennaji qui met en avant la forte possibilité d’une rupture de stock face à l’approvisionnement en vaccins, de plus en plus serré.  
 

Siham MDIJI

 

Trois questions à Tayeb Hamdi

« La lenteur du processus de vaccination est due à la crainte d’une éventuelle rupture de stock » 

Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, a répondu à nos questions sur les dessous de la vaccination.

L'Opinion: La campagne de vaccination risque-t-elle la suspension en cas d'un retard de livraison des vaccins au-delà du mois d'avril ?

- Inévitablement, nous serons à court de vaccins d’ici les prochains jours. Ce n’est ni par manque de personnels vaccinateurs ni de personnes à vacciner que les doses injectées par jour sont actuellement en baisse. La lenteur du processus de vaccination adoptée est justement due à la crainte d’une éventuelle rupture de stock. Normalement, nous devrions continuer la campagne de vaccination en bonne et due forme durant les mois d’avril et de mai si nous recevons prochainement les livraisons prévues. 

L'Opinion: A votre avis, pourquoi Spoutnik V n'est pas encore autorisé en Europe qui manque cruellement de vaccins ? Les raisons politiques seraient-elles derrière cela ?

- Le fait que le vaccin Spoutnik V a été lancé sans fournir ni les résultats des essais cliniques ni des données scientifiques a pu laisser penser qu’il s’agissait d’une opération politique. Aujourd’hui, plus aucun doute n’est de mise, car, selon une étude publiée dans la revue scientifique « The Lancet », ledit vaccin est efficace à presque 92% contre les formes symptomatiques du Covid-19. Il y a quelques pays européens qui sont désormais en faveur de son usage, mais l’Agence européenne des médicaments ne l’a toujours pas approuvé. Les réelles raisons derrière cela demeurent méconnues. 

L'Opinion: La vaccination des personnes à risque est-elle suffisante pour braver le risque d'une troisième vague ?

- Pas du tout. Certes, les vaccins utilisés ont montré une efficacité dès la première injection contre 95% des formes graves du Sars-Cov-2, mais cela n’est pas suffisant pour faire face à une 3ème vague.  Cette dernière contient de nouveaux variants qui sont très contagieux, soit à 70%, virulent à 60% et plus mortel à 64%. En dépit du fait que la vaccination a permis de réduire le nombre de décès et de personnes en réanimation, elle ne pourra pas limiter le risque de la propagation de ces nouveaux variants, spécialement chez les jeunes qui respectent moins les gestes barrières.

 

Recueillis pas S. M.

 
 








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