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Culture

Mamadou Diouf : « Les Africains réécrivent l’histoire, et cette histoire doit porter le projet de souveraineté. »


Rédigé par Yahya Hamid le Dimanche 2 Février 2025

Lors du Festival du Livre Africain de Marrakech, une table ronde s’est tenue le vendredi 31 janvier sur les défis de l’écriture d’une histoire authentiquement africaine. Intitulée « Une histoire africaine du monde, une histoire mondiale de l’Afrique », la table ronde a connu la participation, entre autres, de Mamadou Diouf, titulaire de la chaire Leitner Family d’Etudes africaines et d’Histoire à l’Université Columbia de New York, qui s’est entretenu avec L’Opinion sur la souveraineté africaine sur la production de son récit historique. Interview.



-Selon vous, l’Afrique est-elle souveraine de son récit historique ?

-Mamadou Diouf : Si vous voulez, l’Afrique est effectivement souveraine de son récit historique, ou cherche à exprimer cette souveraineté dans sa manière de comprendre d’une part sa trajectoire qui est une trajectoire autonome, et d’autre part son engagement avec le reste du monde à différents moments. Et bien sûr cette autonomie est affectée par, disons, les conditions dans lesquelles l’Afrique s’y trouvait à différents moments : le moment où l’Afrique est colonisée est effectivement le moment où l’histoire de l’Afrique était insérée dans l’histoire des métropoles coloniales. Et c’est cette histoire qui donne un sens à la trajectoire historique. Mais quand les Africains s’engagent dans la bataille pour l’indépendance, en fait cette indépendance n’est pas seulement la question d’une souveraineté qui est une souveraineté politique, mais c’est aussi un recouvrement historique. Les Africains réécrivent l’histoire, et cette histoire doit porter le projet de souveraineté.

-Justement, en relation avec les événements récents, de quoi les rejets de la France un peu partout en Afrique subsaharienne – les derniers coups d’Etat, les déclarations sulfureuses par des responsables politiques dans votre pays d’origine le Sénégal – sont-ils le nom ? Y assiste-t-on à une affirmation d’une souveraineté d’un récit en plus d’une souveraineté politique ?

-Mamadou Diouf : Mais bien sûr. Je ne vois pas en quoi les déclarations des gens de mon pays sont des déclarations sulfureuses. Ce qu’ils disent c’est quelque chose de très simple : c’est qu’aujourd’hui c’est le moment d’affirmer une souveraineté qui exprime une histoire propre au Sénégal. C’est-à-dire qu’il y a de plus en plus la dissociation entre le récit qui est celui des Français sur le Sénégal et leur histoire et leur présence en Afrique de l’Ouest, et le récit qui est propre au gens qui ont été dominés et qui cherchent aujourd’hui à s’exprimer de la manière la plus forte et à montrer qu’effectivement nous sommes indépendants. Donc c’est à la fois une histoire des Sénégalais devenus indépendants mais toujours en fait sous le contrôle de la France – mais ça c’est aussi l’histoire de ces pays d’Afrique de l’Ouest qui sont dans les anciennes colonies françaises. Mais c’est aussi l’histoire de la France qui depuis très longtemps essaie aussi de se désengager – avec des réussites et des échecs – de l’Afrique.

-Quel est le rôle les gens de votre profession – les historiens et historiographes – dans ce mouvement irréversible de l’histoire ? En d’autres termes, comment peut (et doit) se concevoir une historiographie africaine à la lumière de ces défis ?

-Mamadou Diouf : Une historiographie africaine doit nécessairement être portée par une souveraineté africaine et par les intérêts des Africains. Mais c’est aussi une histoire qui doit être capable d’accéder et de rassembler les archives. Et c’est une histoire qui sera nécessairement une histoire qui est le produit des professionnels, même si cette histoire est utilisée politiquement, par les politiciens. Donc il est important de jouer sur les deux dimensions : la dimension d’une histoire qui est une histoire de professionnels et la dimension de cette histoire de professionnels en face d’autres histoires qui sont celles des communautés, et qui sont parfois celles des Etats et des institutions. Donc la logique de cette pluralité de récits est celle qui va entretenir effectivement une histoire vivante.



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