Paris, le 24 janvier 2024
À l’instar des représentants des autres cultes de France, le CFCM est régulièrement sollicité sur des questions bioéthiques et sociétales, notamment lorsque celles-ci font l’objet d’un projet de loi. À ce titre, le CFCM a pu déjà exprimer sa position sur la question de fin de vie en novembre 2022. C’est cette position actualisée que le CFCM entend exprimer à nouveau via cette lettre, après l’annonce de l’Exécutif d’une possible évolution législative sur la question.
Le CFCM est profondément attaché au cadre républicain et ses fondements dont la justice et le respect de l’égale dignité de tous. Le principe de laïcité garantit la pluralité des religions et des convictions dans notre société ainsi que l’indépendance de la Loi vis-à-vis des doctrines, des normes et des règles religieuses. C’est dans ce cadre que le CFCM entend contribuer aux débats démocratiques sur la question de la fin de vie et de « l’aide active à mourir ».
Le CFCM estime qu’il n’est pas opportun de légiférer à nouveau sur cette question alors même que les dispositions de la loi Clayes - Leonetti de 2016 n’ont pas encore été mises en œuvre, notamment celles en rapport avec le développement des soins palliatifs et les mesures d’accompagnement. En France, 26 départements ne disposent d’aucun service de soins palliatifs et deux-tiers des patients, soit 200 000 chaque année, n’y ont pas accès.
Le Professeur Alexis Burnod, responsable des soins palliatifs à l’Institut Curie, reconnaît que le développement de ces soins est une réponse très satisfaisante à la problématique des souffrances réfractaires, et qu’en l’espace de plus de quatorze années d’exercice auprès des patients en fin de vie, il n’a eu que trois cas de demande d’aide active à mourir.
Par ailleurs, la situation des pays ayant opté pour la légalisation du suicide assisté ou de l’Euthanasie est très préoccupante. Alors que la motivation initiale était d’apporter une réponse aux cas de grandes souffrances, près du tiers des demandes d’aide active à mourir sont provoquées par un sentiment du patient de solitude ou d’être un fardeau pour ses proches.
La loi Clayes-Leonetti de 2016 : Une position d’équilibre
Ce que propose la loi Clayes-Leonetti de 2016 est une position d’équilibre qui prône l’abandon de tout acharnement thérapeutique (obstination déraisonnable) et l’administration de soins palliatifs pour accompagner le malade en fin de vie, sans jamais lui administrer un produit en vue de provoquer sa mort.
Partant du principe de préservation de la vie, le suicide, quelles qu’en soient les motivations, est compté par l’islam parmi les grands pêchés et les plus graves atteintes à la vie humaine. Les jurisconsultes musulmans considèrent que toute personne doit se soigner contre une maladie qui pourrait porter atteinte à sa vie. Et lorsque le pronostic vital du patient est engagé et que la médication est jugée sans effet, la décision d’arrêter les traitements revient aux médecins compétents connaissant l’état du patient.
Depuis toujours, les familles musulmanes s’en remettent en général à l’avis des médecins et acceptent leur verdict. Il est assez fréquent que les médecins annoncent à la famille que tout ce qui était possible de faire a été tenté pour sauver la vie du patient et que ce dernier pouvait désormais partir en paix entouré des siens. Les cas de refus de ce type de verdict sont très rares.
En cas de souffrance, les soins palliatifs prennent la place du traitement notamment en procédant à une sédation profonde jusqu’au décès accompagnent le malade.
Ne laissons pas les discours trop « compassionnels » nous entrainer dans un eugénisme aux conséquences néfastes
La tradition musulmane considère que la vie d’une personne ne lui appartient pas. Il n’en est que gestionnaire pour une durée déterminée. Il lui est interdit de porter une quelconque atteinte à son propre corps que Dieu lui a confié. Le texte coranique, faisant référence au premier meurtre commis sur terre par l’un des enfants d’Adam, rappelle que la vie d’un seul Homme vaut celle de toute l’humanité : « C’est pourquoi Nous avons prescrit aux Enfants d’Israël que quiconque aurait commis un meurtre sur Terre, c’est comme s’il avait tué tous les Hommes. Et quiconque fait don de la vie à une personne, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les Hommes. » (Coran 5 : 32)
Il ne faut pas sous-estimer l’épreuve que traversent certaines familles confrontées à une fin de vie douloureuse d’un proche. Ces familles valeureuses qui mettent toute leur énergie pour accompagner et soulager la douleur de leur proche méritent toute notre attention et notre solidarité. Cependant, malgré les bonnes intentions qui l’entourent, aider activement à mourir est une idée hautement risquée et dangereuse. Sa légitimation par la loi crée une brèche irréversible dans l’interdit de donner la mort. Cet interdit continue d’imposer le respect absolu de la vie humaine et de sa sacralité. Il est notre dernier rempart face aux nombreuses dérives qui guettent la vie humaine.
Toute brèche provoquée sur cet interdit serait de nature à le fragiliser et à le mettre en péril. Comment faire la différence entre une personne qui souffre de douleurs physiques intenses et une personne qui n’a plus envie de vivre à cause d’autres problèmes de différends ordres et auxquels il ne peut faire face ?
Nous devons tous garder en mémoire les confessions de ces mamans qui ont donné la mort à leurs enfants autistes en argüant qu’elles étaient dépassées par leurs cris et leurs automutilations et qu’elles ont agi par amour. Ces confessions souvent « trop compassionnelles » avaient déclenché des débats brûlants sur « les parents à bout ». Loin de sous-estimer les difficultés vécues par ces mamans avec leurs enfants, leurs gestes comme leurs confessions ont été jugées globalement comme consternantes sur la forme et inadmissibles sur le fond.
Nous devons nous préserver face à toute tentative de sélection entre des vies qui mériteraient d’être vécues et d’autres qui ne le mériteraient pas.
Avec la mise en œuvre de l’aide active à mourir, la confiance entre les médecins et les patients et leurs familles risque d’être mise à mal, notamment lorsque les hôpitaux sont confrontés à des questions de priorité difficiles comme en période de pandémies. Or l’effondrement de cette relation de confiance entrainerait l’effondrement de tout l’édifice de notre système de santé.
La mise en œuvre de l’aide active à mourir va inéluctablement laisser nourrir chez les malades et les personnes en dépendance un sentiment d’être un fardeau pour leurs familles et pour la société. Ce sentiment destructeur pourrait tuer en eux toute volonté de se battre contre leur maladie et anéantir chez eux tout désir de vivre. Dès lors, leur demande d’aide à mourir serait exprimée sous cette pression sociale qui pourrait renforcer chez eux un sentiment de culpabilité qui ne ferait que rajouter à leur malheur.
Face aux souffrances, davantage de soins et d’attention
Pour prémunir nos proches de ce sentiment de culpabilité, il est important de leur exprimer notre attachement et affection et les entourer de notre attention. Il faut les assurer de notre volonté de tout faire pour qu’ils puissent vivre parmi nous dans le confort qu’il mérite.
Les soins et l’attention que nous réservons à nos proches et aux plus fragiles parmi nous est une école de vie. Elle nous permet de prendre conscience de notre devoir de solidarité et de veille à l’égard de celles et ceux qui souffrent. Elle nous préserve contre toute vision qui réduit l’Homme à son utilité productive et matérielle. Elle nous rappelle que toute vie humaine est précieuse et doit être préservée.
À l’instar des représentants des autres cultes de France, le CFCM est régulièrement sollicité sur des questions bioéthiques et sociétales, notamment lorsque celles-ci font l’objet d’un projet de loi. À ce titre, le CFCM a pu déjà exprimer sa position sur la question de fin de vie en novembre 2022. C’est cette position actualisée que le CFCM entend exprimer à nouveau via cette lettre, après l’annonce de l’Exécutif d’une possible évolution législative sur la question.
Le CFCM est profondément attaché au cadre républicain et ses fondements dont la justice et le respect de l’égale dignité de tous. Le principe de laïcité garantit la pluralité des religions et des convictions dans notre société ainsi que l’indépendance de la Loi vis-à-vis des doctrines, des normes et des règles religieuses. C’est dans ce cadre que le CFCM entend contribuer aux débats démocratiques sur la question de la fin de vie et de « l’aide active à mourir ».
Le CFCM estime qu’il n’est pas opportun de légiférer à nouveau sur cette question alors même que les dispositions de la loi Clayes - Leonetti de 2016 n’ont pas encore été mises en œuvre, notamment celles en rapport avec le développement des soins palliatifs et les mesures d’accompagnement. En France, 26 départements ne disposent d’aucun service de soins palliatifs et deux-tiers des patients, soit 200 000 chaque année, n’y ont pas accès.
Le Professeur Alexis Burnod, responsable des soins palliatifs à l’Institut Curie, reconnaît que le développement de ces soins est une réponse très satisfaisante à la problématique des souffrances réfractaires, et qu’en l’espace de plus de quatorze années d’exercice auprès des patients en fin de vie, il n’a eu que trois cas de demande d’aide active à mourir.
Par ailleurs, la situation des pays ayant opté pour la légalisation du suicide assisté ou de l’Euthanasie est très préoccupante. Alors que la motivation initiale était d’apporter une réponse aux cas de grandes souffrances, près du tiers des demandes d’aide active à mourir sont provoquées par un sentiment du patient de solitude ou d’être un fardeau pour ses proches.
La loi Clayes-Leonetti de 2016 : Une position d’équilibre
Ce que propose la loi Clayes-Leonetti de 2016 est une position d’équilibre qui prône l’abandon de tout acharnement thérapeutique (obstination déraisonnable) et l’administration de soins palliatifs pour accompagner le malade en fin de vie, sans jamais lui administrer un produit en vue de provoquer sa mort.
Partant du principe de préservation de la vie, le suicide, quelles qu’en soient les motivations, est compté par l’islam parmi les grands pêchés et les plus graves atteintes à la vie humaine. Les jurisconsultes musulmans considèrent que toute personne doit se soigner contre une maladie qui pourrait porter atteinte à sa vie. Et lorsque le pronostic vital du patient est engagé et que la médication est jugée sans effet, la décision d’arrêter les traitements revient aux médecins compétents connaissant l’état du patient.
Depuis toujours, les familles musulmanes s’en remettent en général à l’avis des médecins et acceptent leur verdict. Il est assez fréquent que les médecins annoncent à la famille que tout ce qui était possible de faire a été tenté pour sauver la vie du patient et que ce dernier pouvait désormais partir en paix entouré des siens. Les cas de refus de ce type de verdict sont très rares.
En cas de souffrance, les soins palliatifs prennent la place du traitement notamment en procédant à une sédation profonde jusqu’au décès accompagnent le malade.
Ne laissons pas les discours trop « compassionnels » nous entrainer dans un eugénisme aux conséquences néfastes
La tradition musulmane considère que la vie d’une personne ne lui appartient pas. Il n’en est que gestionnaire pour une durée déterminée. Il lui est interdit de porter une quelconque atteinte à son propre corps que Dieu lui a confié. Le texte coranique, faisant référence au premier meurtre commis sur terre par l’un des enfants d’Adam, rappelle que la vie d’un seul Homme vaut celle de toute l’humanité : « C’est pourquoi Nous avons prescrit aux Enfants d’Israël que quiconque aurait commis un meurtre sur Terre, c’est comme s’il avait tué tous les Hommes. Et quiconque fait don de la vie à une personne, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les Hommes. » (Coran 5 : 32)
Il ne faut pas sous-estimer l’épreuve que traversent certaines familles confrontées à une fin de vie douloureuse d’un proche. Ces familles valeureuses qui mettent toute leur énergie pour accompagner et soulager la douleur de leur proche méritent toute notre attention et notre solidarité. Cependant, malgré les bonnes intentions qui l’entourent, aider activement à mourir est une idée hautement risquée et dangereuse. Sa légitimation par la loi crée une brèche irréversible dans l’interdit de donner la mort. Cet interdit continue d’imposer le respect absolu de la vie humaine et de sa sacralité. Il est notre dernier rempart face aux nombreuses dérives qui guettent la vie humaine.
Toute brèche provoquée sur cet interdit serait de nature à le fragiliser et à le mettre en péril. Comment faire la différence entre une personne qui souffre de douleurs physiques intenses et une personne qui n’a plus envie de vivre à cause d’autres problèmes de différends ordres et auxquels il ne peut faire face ?
Nous devons tous garder en mémoire les confessions de ces mamans qui ont donné la mort à leurs enfants autistes en argüant qu’elles étaient dépassées par leurs cris et leurs automutilations et qu’elles ont agi par amour. Ces confessions souvent « trop compassionnelles » avaient déclenché des débats brûlants sur « les parents à bout ». Loin de sous-estimer les difficultés vécues par ces mamans avec leurs enfants, leurs gestes comme leurs confessions ont été jugées globalement comme consternantes sur la forme et inadmissibles sur le fond.
Nous devons nous préserver face à toute tentative de sélection entre des vies qui mériteraient d’être vécues et d’autres qui ne le mériteraient pas.
Avec la mise en œuvre de l’aide active à mourir, la confiance entre les médecins et les patients et leurs familles risque d’être mise à mal, notamment lorsque les hôpitaux sont confrontés à des questions de priorité difficiles comme en période de pandémies. Or l’effondrement de cette relation de confiance entrainerait l’effondrement de tout l’édifice de notre système de santé.
La mise en œuvre de l’aide active à mourir va inéluctablement laisser nourrir chez les malades et les personnes en dépendance un sentiment d’être un fardeau pour leurs familles et pour la société. Ce sentiment destructeur pourrait tuer en eux toute volonté de se battre contre leur maladie et anéantir chez eux tout désir de vivre. Dès lors, leur demande d’aide à mourir serait exprimée sous cette pression sociale qui pourrait renforcer chez eux un sentiment de culpabilité qui ne ferait que rajouter à leur malheur.
Face aux souffrances, davantage de soins et d’attention
Pour prémunir nos proches de ce sentiment de culpabilité, il est important de leur exprimer notre attachement et affection et les entourer de notre attention. Il faut les assurer de notre volonté de tout faire pour qu’ils puissent vivre parmi nous dans le confort qu’il mérite.
Les soins et l’attention que nous réservons à nos proches et aux plus fragiles parmi nous est une école de vie. Elle nous permet de prendre conscience de notre devoir de solidarité et de veille à l’égard de celles et ceux qui souffrent. Elle nous préserve contre toute vision qui réduit l’Homme à son utilité productive et matérielle. Elle nous rappelle que toute vie humaine est précieuse et doit être préservée.