Fatiha, une jolie fille de 17 ans, au regard charmant, que tout lui prédit un avenir rayonnant. Intelligente, de bonne famille, étudiante à peine bachelière, avec le rêve d’intégrer un e prestigieuse université, pour faire des études de médecine ou bien d’astronomie. La médecine est pour faire plaisir à son père, l’astronomie est pour elle, elle est fascinée par le mystère des étoiles. Finalement ça ne sera ni l’un, ni l’autre . Et pour cause, un prétendant demande sa main. Il a toutes les caractéristiques requises par les familles marocaines, pour faire un bon mari : De grande famille, de surcroit chérif, un diplôme prestigieux qui lui permet de gagner correctement sa vie et d’assurer le standing nécessaire pour la bourgeoise qu’elle Farida. Le verdict est scellé entre la maman de Farida et sa grand-mère : « on ne refuse pas un chérif », diront-elles au père, qui lui voulait que sa fille fasse des études poussées. La solution est vite trouvée : « bah elle fera des études de pharmacie, ce n’est pas long ni contraignant par la suite ». Solution trouvée par le prétendant pour faire bonne impression.
Et elle ! elle est où dans tout cela ? Pas droit à la parole et elle serait idiote de refuser.
Le mariage a lieu une cérémonie grandiose et joyeuse.
Ses 18 ans seront fêtés chez elle, en tant que femme mariée. Pas d’études de pharmacie, « il faudrait aller en France et je ne me suis pas marié pour vivre en célibataire », dira le mari.
Le mari, l’intellectuel, le fils de la grande famille s’est avéré être un homme d’une violence inouïe. Il cherchait une femme à éduquer et à façonner selon ses désirât. Chaque refus à un ordre exposait Farida à des coups et des violences. En plus, elle devait se taire. Elle s’est tut des années durant, elle s’est tut et s’est tuée progressivement. De la jolie fille joyeuse. Il ne restait qu’un regard éteint et une plaie très profonde de l’échec, du mépris et des rêves perdus.
Amina mariée à 12 ans
Amina a 12 ans, une enfant encore, non pas une adolescente ou une jeune fille. Une enfant non encore pubère. Oh ! sa famille posera des conditions lors de ce mariage. Elle imposera au mari, d’attendre la puberté de sa femme avant d’avoir des rapports sexuels avec elle. Une promesse faite des bouts des lèvres et non respectée.
La petite enfant Amina se retrouvera le premier jour mains et pieds ligotés par une corde avec laquelle on attache le bétail. Elle subira, le premier soir de ses noces son premier viol. C'était son premier rapport au sexe, ressenti comme une confrontation violente, traumatisante, injuste, inhumaine, révoltante. Son jeune âge ne lui permettait pas de comprendre ce qu’elle subissait. Elle sera violée de façon répétée plusieurs mois. Ce qui lui arrivait tous les soirs était invisible. Elle sentait que cet acte était un fait sordide, mais elle ne trouvera jamais les mots adéquats pour le décrire. N’empêche, malgré cette innocence de l’enfant, elle se révoltera et fuira cette demeure dans laquelle elle subissait jours après jour, une violence inouïe dans son corps de petite fille et dans son âme d’enfant innocente. Elle errera des jours durant, sans savoir où aller, ni comment retourner dans la maison de ses parents.
Si le viol en lui-même est considéré comme un tabou dans notre société, le viol conjugal l’est encore plus ; la sagesse traditionnelle donne un droit absolu de l’époux sur le corps de sa femme, laquelle est considérée doublement coupable : se refuser à son mari et se plaindre. Le viol conjugal était et sera nié par celui qui le fait subir et celle qui le subi. La femme doit se comporter en victime digne. Il lui est demandé de souffrir en silence. Sa douleur n’existe pas. Son intégrité physique et son intégrité morale n’ont aucune considération. Sa parole est niée, sa volonté est bafouée. S’il faut crever, elle crèvera en silence.
Après des jours d’errance, elle finira par retrouver chez elle. Mais chose encore plus choquante et révoltante, elle sera obligée de retourner chez son mari. Certes pour la forme on exigera des promesses, qui ne seront nullement tenues. Elle subira encore la même violence, un viol conjugal sur une petite fille de 12 ans, de plus en plus violent physiquement et moralement.
Face à tant de violence au quotidien, la petite fille décide de continuer de vivre, quel qu’en soit le prix. Ce n’était pas du courage seulement, mais une réelle conscience, l’amour de la vie tout court. Il fallait que ça s’arrête, sinon elle risquait de mourir, de disparaitre à jamais.
Elle fuit une deuxième fois, décidée à ne plus retourner dans cette maison, qui pourrait devenir son caveau.
The « survivor ».
Le viol conjugal est un acte sordide qui n’a rien de particulier. Il est fréquent chez de nombreux hommes sur beaucoup de petites filles. Mais du viol dans une société conservatrice on n’en parle pas, ou si peu, en baissant la voix… « moi aussi j’ai subi… » on chuchote timidement une histoire qu’elles sont obligées d’oublier, d’oublier soi même si on veut continuer à vivre. Le déni absolu ! le déni poussé à l’extrême de l’insolence !
Pour désigner une victime de viol dans la culture anglo-saxon, on utilise le terme de « survivor ». Ce terme est à mon sens plus adéquat. Il donne de la force à la victime pour continuer à vivre. En français ou dans ma culture arabo- musulmane on parle de la victime du viol comme de quelqu’un qui a subi quelque chose, elle est d’emblée cataloguée. Notre culture éduque les petites filles pour qu’elles considèrent que leur corps ne leur appartient pas. Il est à la disposition du mari, qui pour sa part fait comprendre à la femme objet qu’il a dans sa couche, que ce corps, cette chose, ne lui appartient plus.