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Allal El Fassi : Cinquantenaire de la disparition d’un leader légendaire [INTÉGRAL]


Rédigé par La Rédaction Dimanche 12 Mai 2024

Théologien, grand penseur, politicien engagé, homme de lettres, poète, leader national, Feu Allal El Fassi nous a quittés il y a 50 ans, mais sa pensée demeure jusqu’à aujourd’hui un guide pour une évolution sereine du Royaume.



Allal El Fassi, l’homme de tous les combats.
Allal El Fassi, l’homme de tous les combats.
 
Dimanche 13 mai 2024, la famille istiqlalienne avec à sa tête le nouvellement réélu Secrétaire Général du Parti de l’Istiqlal, Nizar Baraka, s'est fixé rendez-vous au siège du parti à Rabat afin d'honorer l'esprit et la mémoire d'un leader pas comme les autres. Il s’agit de Allal El Fassi dont l'empreinte et la pensée restent gravées dans l'ADN du doyen des partis marocains, 50 ans après sa disparition précoce à Bucarest, le 13 mai 1974. Un personnage emblématique de la scène politique nationale, qui a voué toute son existence à militer pour arracher le Maroc à la tutelle étrangère et ensuite pour sa démocratisation.
 
Il s’était forgé dans la lutte nationale au contact du peuple, ce qui en avait fait la bête noire du protectorat français. Mais il avait également développé une pensée politique plongeant ses racines dans l’Islam et l’arabité et déployant ses branches politiquement et socialement avant-gardistes pour un Maroc de la modernité.
 
Leadership à jeune âge
 
A 17 ans, le jeune étudiant fraîchement inscrit à l’Université  Quaraouiyine sait déjà ce qu’il veut. Il crée avec d’autres jeunes étudiants, tout aussi empreints de ferveur militante, une association et entame ainsi sa carrière protestataire.
 
En 1932, feu Allal El Fassi, appelé affectueusement « Si Allal » par ses proches et ses pairs, obtient sa licence et s’engage aussitôt dans la lutte contre le dahir berbère de 1930. Il ne tardera pas, pour cette raison, à faire la connaissance des geôles du protectorat. Homme d’action que la tour d’ivoire universitaire ne saurait contenir, il renonce à son poste de professeur à Quaraouiyine après deux ans d’enseignement.
 
Dans son ouvrage fabuleux qu’est « L’Autocritique », édité en 1952, « Si Allal » se posait d’abord la question de savoir comment est-ce que le Maroc a perdu sa souveraineté, pour mieux situer, par la suite, ce que devait être l’indépendance : un instrument de libération pour mieux servir la nation.
 
Observateur critique de la société marocaine qu’il chérit, il prêche avec ardeur en faveur d’ « une révolution totale des mentalités ». Faute de quoi, point d’évolution. Cette « mentalité marocaine » était à passer, ce qu’on appellerait, aujourd’hui, au scanner afin d’en identifier les points noirs qui obscurcissent les esprits, de diagnostiquer les maux qui affaiblissent le corps social, dans le but de souscrire les remèdes et moyens de les administrer.
 
L’idée était donc de lancer « une révolution intellectuelle ». Car oui, jouir des fruits de l’indépendance et en tirer profit exige des mentalités marocaines d’accéder à l’âge de la « Raison ». Ce qui ne s’arrête pas à l’instruction. Il exhortait ouvertement à dévoiler à la société, en toute franchise, les tares dont elle souffrait, même si cela devait exposer à des réactions outrancières. Le peuple que ses dirigeants n’orientent pas vers la voie ardue de l’évolution demeurera dans l’incapacité d’atteindre un jour le progrès, estimait Allal El Fassi. Incontournable est la chasse aux préjugés et autres fausses vérités, qui enchaînent les esprits et empêchent la prise de conscience vitale. Faire du Marocain un citoyen responsable, conscient de ses droits et obligations, tel est la véritable émancipation que Allal El Fassi appelait à réaliser.
 
«Nous voulons une révolution dans notre manière de penser, qui puisse changer notre mentalité et nous permettre de résoudre nos problèmes conformément aux exigences des temps modernes», a-t-il écrit dans «L’Autocritique». «Révoltons nous contre nous-mêmes et contre nos institutions. Répondons à l’appel du cœur qui n’a pas été souillé et de la raison qui n’a pas été aveuglée par l’ambition».
Membre fondateur, après sa sortie de prison, du Comité d’Action marocain, avec Mohammed El Ouazzani, Hadj Ahmed Balafrej, dont l’Histoire devait retenir les noms, «Si AIlal» s’est vu proposer par les Français un poste séduisant à Marrakech qu’il refusa, rejetant de se mettre au service de l’occupant.
 
Offensive pour l’indépendance
 
Pour échapper à l’oppression du protectorat, il se rend à Paris où il fréquente Chekib Arsalane et quand il rentre au Maroc, en 1934, c’est pour prendre part, au sein du Comité d’Action marocain, à l’élaboration du Plan de Réformes rejeté par les Français. Il n’y était pourtant pas question d’indépendance, plutôt des revendications touchant à la situation et aux conditions de vie des Marocains. En 1937, il est élu président du Parti national qui venait de voir le jour. La cause évoluait vers plus de radicalisme. Après le soulèvement de Khémisset, le 22 octobre de la même année, qui a démontré l’échec de la politique de ségrégation entre Arabes et Amazighs menée par les Français, la longue marche vers l’indépendance du Maroc était devenue un processus irréversible.
 
Quelques jours auparavant, il s’était engagé, lui et ses compagnons, à être prêts à mourir pour leur foi, leur liberté et la souveraineté de leur pays et invité les Marocains à en faire de même.
 
Feu AIlal El Fassi fut déporté par la France au Gabon, suite à la confrontation grandissante avec les autorités du protectorat. L’exil tropical devait durer neuf longues années. Ce qui n’a pas empêché pour autant le leader nationaliste de participer à la fondation du Parti de l’Istiqlal en 1943. Son retour à la mère patrie en 1946 sera de courte durée. Ce sera de nouveau le chemin de l’exil, cette fois-ci au Caire et pour dix longues années encore. En Egypte, toutefois, il parviendra à entrer en contact avec cet autre grand nom de la résistance marocaine que fût Abdelkrim El Khatabi, et milite avec les nationalistes algériens et tunisiens au sein du Comité de libération du Maghreb qu’il a participé à mettre sur pied. Le Caire, c’était aussi l’opportunité de tisser des liens avec les représentants des pays arabes membres de la Ligue arabe. Rentré au Maroc à la fin de la 2ème guerre mondiale, Allal El Fassi est l’un des leaders du nouveau Parti de l’Istiqlal, créé, en 1943, par Ahmed Balafrej et ses autres compagnons de lutte, graciés avant lui.
 
Allal El Fassi a occupé, après l’indépendance, différentes charges publiques. Il a été ministre d’Etat chargé des Affaires islamiques, de 1961 et 1963, et il est devenu membre de l’Académie de langue arabe de Damas et du Caire. Homme de convictions et d’action, ce leader légendaire s’en est allé comme il a vécu, luttant pour l’unité de la nation, pour l’intégrité territoriale et pour les droits des opprimés, dont ceux du peuple palestinien qu’il est allé défendre à Bucarest, à la tête d’une délégation du Parti de l’Istiqlal. C’était le 14 mai 1974. Puissent les Marocains d’aujourd’hui en tirer des leçons profondes, pour aller vers l’avant sans pour autant abandonner leur Histoire et leur héritage culturel.

Les fondements du progrès et de la démocratie

Ceux qui hésitent à prendre résolument le chemin de la renaissance par peur de nuire à la religion sont en opposition avec la pensée islamique qui refuse la cristallisation et rejette l’hésitation et la mauvaise foi.
 
« Quant à ceux qui entendent prendre la route sans le secours de la religion, ils se fatigueront, se perdront et ne rattraperont jamais la caravane. ( ... ) l’Islam est une évolution. Nous devons donc évoluer dans son étude et son interprétation, sans quitter le chemin sur lequel il nous a placés, mais en choisissant les moyens de locomotion adaptés à notre époque». En l’Islam, feu Allal El Fassi trouvait tous les ingrédients conceptuels de base pour éclairer la marche de la nation vers la justice et la considération envers les droits des citoyens. Ce que les Musulmans estiment de leur intérêt est béni par le divin, estimait-il. A partir des deux sources d’inspiration existantes que sont l’Orient et l’Occident, Allal El Fassi voyait les Marocains opérer une judicieuse synthèse pour stimuler leur progrès. Car c’est dans le redressement de la pensée marocaine que Allal El Fassi escompte trouver le socle sur lequel repose la revendication démocratique.



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