Après des mois de tensions larvées, la crise est belle et bien consommée entre Rabat et Madrid. Suite aux 48 heures de chaos autour de la ville occupée de Sebta, l’ambassadeur du Royaume à Madrid, Karima Benyaïch, a été rappelée à Rabat pour consultation. En réaction, Pedro Sanchez a souligné devant les parlementaires espagnols que « ce n’est pas une crise migratoire, c’est un autre type de crise », avant de revenir à la charge en accusant Rabat « d’avoir fait preuve de manque de contrôle sur ses frontières » comme « de manque de respect, non seulement à l’Espagne, mais aussi à l’UE ».
Résultat des comptes de l’autre côté du détroit: le gouvernement Sanchez se retrouve face à une crise politique majeure. Preuve en est la séance de contrôle à l’Exécutif du parlement espagnol qui s’est tenue dans une ambiance électrique hier mercredi 19 mai.
Le PP à l’offensive
Le chef du principal parti de l’opposition espagnol, Pablo Casado (Partido Popular ou PP), a tenu le gouvernement Sanchez responsable de la crise actuelle entre Rabat et Madrid en soulignant le rôle qu’a joué son Administration dans « l’entrée clandestine du leader du Polisario grâce à de faux documents », un épisode décrit par Casado comme une « crise annoncée ». Ce dernier a également accusé Pedro Sanchez d’œuvrer contre les intérêts de l’Espagne, liant ses alliances politiques avec les indépendantistes catalans et basques à la crise en cours avec Rabat. Le chef du gouvernement espagnol a pour sa part accusé le leader du PP d’user d’un double langage. « Est-ce que vous nous soutenez ou pas? Vous dites une chose en privé par téléphone et juste le contraire en public ». Le patron du parti socialiste signale, ainsi, l’échange téléphonique entre lui et Casado où ce dernier a assuré Sanchez de son soutien. Le chef de la majorité a par ailleurs décrit le mode d’opposition du PP comme « l’un des principaux problèmes de la démocratie espagnole », avant d’accuser Casado de « déloyauté envers l’Etat comme le gouvernement ».
Le PP et le reste de l’opposition, enhardis par la récente défaite électorale de la majorité à Madrid, semblent décidés à profiter des récents évènements pour faire tomber la première coalition de gauche au pouvoir en Espagne depuis la guerre civile. «Nous sommes face à un gouvernement en décomposition. Vous allez bientôt être hors de l’Exécutif », a menacé Teodoro Garcia Egea, secrétaire général du PP, lors de la même séance.
Retour d’une rhétorique hostile au Maroc
La formation d’extrême droite Vox a pour sa part profité de l’occasion pour remettre sur le devant sa proposition de construire un mur autour des villes occupées de Sebta et Mellilia, « pour les protéger des hordes de migrants », tout en menaçant de faire tomber le gouvernement autonome d’Andalousie, si ce dernier accueille des mineurs marocains sur son territoire. Parallèlement, la presse espagnole, notamment de droite, a multiplié les articles à charge contre le Maroc.
A l’image d’El Mundo qui a accusé les autorités marocaines d’avoir « orchestré » les événements de Sebta. Là où ABC a interprété le mutisme de Washington sur la question comme un soutien américain à la position marocaine. Une lecture partagée par le PP, en témoigne les propos de Casado rapportés par El Español qui évoque « une perte de poids à l’international de l’Espagne, c’est pour cela que Blinken n’a pas jugé nécessaire de contacter Sanchez ».
D’ailleurs, l’ensemble de la presse s’est accordé sur la responsabilité de la diplomatie espagnole dans le pourrissement de la situation avec le Maroc, jugeant la ministre des Affaires étrangères coupable d’une « maladresse et d’un choix stratégique désastreux » au moment de donner le feu vert à l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne.
Résultat des comptes de l’autre côté du détroit: le gouvernement Sanchez se retrouve face à une crise politique majeure. Preuve en est la séance de contrôle à l’Exécutif du parlement espagnol qui s’est tenue dans une ambiance électrique hier mercredi 19 mai.
Le PP à l’offensive
Le chef du principal parti de l’opposition espagnol, Pablo Casado (Partido Popular ou PP), a tenu le gouvernement Sanchez responsable de la crise actuelle entre Rabat et Madrid en soulignant le rôle qu’a joué son Administration dans « l’entrée clandestine du leader du Polisario grâce à de faux documents », un épisode décrit par Casado comme une « crise annoncée ». Ce dernier a également accusé Pedro Sanchez d’œuvrer contre les intérêts de l’Espagne, liant ses alliances politiques avec les indépendantistes catalans et basques à la crise en cours avec Rabat. Le chef du gouvernement espagnol a pour sa part accusé le leader du PP d’user d’un double langage. « Est-ce que vous nous soutenez ou pas? Vous dites une chose en privé par téléphone et juste le contraire en public ». Le patron du parti socialiste signale, ainsi, l’échange téléphonique entre lui et Casado où ce dernier a assuré Sanchez de son soutien. Le chef de la majorité a par ailleurs décrit le mode d’opposition du PP comme « l’un des principaux problèmes de la démocratie espagnole », avant d’accuser Casado de « déloyauté envers l’Etat comme le gouvernement ».
Le PP et le reste de l’opposition, enhardis par la récente défaite électorale de la majorité à Madrid, semblent décidés à profiter des récents évènements pour faire tomber la première coalition de gauche au pouvoir en Espagne depuis la guerre civile. «Nous sommes face à un gouvernement en décomposition. Vous allez bientôt être hors de l’Exécutif », a menacé Teodoro Garcia Egea, secrétaire général du PP, lors de la même séance.
Retour d’une rhétorique hostile au Maroc
La formation d’extrême droite Vox a pour sa part profité de l’occasion pour remettre sur le devant sa proposition de construire un mur autour des villes occupées de Sebta et Mellilia, « pour les protéger des hordes de migrants », tout en menaçant de faire tomber le gouvernement autonome d’Andalousie, si ce dernier accueille des mineurs marocains sur son territoire. Parallèlement, la presse espagnole, notamment de droite, a multiplié les articles à charge contre le Maroc.
A l’image d’El Mundo qui a accusé les autorités marocaines d’avoir « orchestré » les événements de Sebta. Là où ABC a interprété le mutisme de Washington sur la question comme un soutien américain à la position marocaine. Une lecture partagée par le PP, en témoigne les propos de Casado rapportés par El Español qui évoque « une perte de poids à l’international de l’Espagne, c’est pour cela que Blinken n’a pas jugé nécessaire de contacter Sanchez ».
D’ailleurs, l’ensemble de la presse s’est accordé sur la responsabilité de la diplomatie espagnole dans le pourrissement de la situation avec le Maroc, jugeant la ministre des Affaires étrangères coupable d’une « maladresse et d’un choix stratégique désastreux » au moment de donner le feu vert à l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne.
3 questions à Mohamed Benaïssa, président de l’Observatoire du Nord pour les droits de l’Homme
«Les récents événements sont avant tout un aveu d’échec des politiques de développement»
- Etant présent sur le terrain, pouvez- vous nous raconter le déroulement de cette crise ?
- Ce mouvement a débuté la matinée du lundi 17 mai avec un premier passage depuis la frontière entre Belyounech et Sebta d’une centaine de personnes. Cette première vague était composée majoritairement de familles et de mineurs, une seconde vague plus importante a ensuite traversé à la nage au niveau de Fnideq. Cette vague était composée d’habitants de Fnideq, Martil et Tétouan. Des passages qui se sont succédé tout au long de la journée pour atteindre près de 7.000 personnes. Cette situation vient suite à l’allégement du dispositif sécuritaire dans la région. En attendant, les réseaux sociaux sont saturés de messages appelant les habitants de la région à rallier Sebta. Ce qui a provoqué l’arrivée de centaines de personnes depuis Tanger, Chefchaouen et Asilah, sans compter les migrants subsahariens qui convergent depuis l’ensemble de la région.
- Les récents événements sont-ils une nouvelle forme de protestation des populations locales ou, comme le prétendent certains, une représaille de Rabat suite à l’affaire Ghali ?
- Les récents événements représentent une image négative pour notre pays. Avec plusieurs milliers de Marocains, enfants et personnes âgées inclus, prêts à tout pour immigrer en Europe, cela représente avant tout un aveu d’échec des politiques de développement. Je ne pense pas qu’utiliser la pression migratoire comme une carte dans les relations entre Rabat et Madrid soit constructive. Les relations entre le Royaume et plusieurs pays européens sont déjà tendus, rajouter de l’huile sur le feu serait contreproductif, notamment vu l’importance des relations économiques entre le Maroc et l’UE.
- Quelles seront, selon vous, les répercussions des récents événements ?
- L’escalade que nous avons vécue, ces dernières 48 heures, ne peuvent qu’impacter les relations entre le Maroc et l’Espagne. D’ailleurs, je ne pense pas que cette nouvelle crise n’impacte que Rabat et Madrid, il est fort probable que Bruxelles intervienne. Le dossier de l’immigration concerne l’ensemble de l’Union Européenne et il est fort probable que l’Espagne joue la carte européenne pour obtenir des concessions. Cette situation n’est favorable pour aucun des deux Royaumes dont les intérêts se rejoignent sur plusieurs niveaux, la lutte contre le terrorisme, la coopération économique, sans oublier les diasporas installées dans les deux pays. Tant Madrid comme Rabat n’ont rien à gagner d’une détérioration de leurs relations.
- Ce mouvement a débuté la matinée du lundi 17 mai avec un premier passage depuis la frontière entre Belyounech et Sebta d’une centaine de personnes. Cette première vague était composée majoritairement de familles et de mineurs, une seconde vague plus importante a ensuite traversé à la nage au niveau de Fnideq. Cette vague était composée d’habitants de Fnideq, Martil et Tétouan. Des passages qui se sont succédé tout au long de la journée pour atteindre près de 7.000 personnes. Cette situation vient suite à l’allégement du dispositif sécuritaire dans la région. En attendant, les réseaux sociaux sont saturés de messages appelant les habitants de la région à rallier Sebta. Ce qui a provoqué l’arrivée de centaines de personnes depuis Tanger, Chefchaouen et Asilah, sans compter les migrants subsahariens qui convergent depuis l’ensemble de la région.
- Les récents événements sont-ils une nouvelle forme de protestation des populations locales ou, comme le prétendent certains, une représaille de Rabat suite à l’affaire Ghali ?
- Les récents événements représentent une image négative pour notre pays. Avec plusieurs milliers de Marocains, enfants et personnes âgées inclus, prêts à tout pour immigrer en Europe, cela représente avant tout un aveu d’échec des politiques de développement. Je ne pense pas qu’utiliser la pression migratoire comme une carte dans les relations entre Rabat et Madrid soit constructive. Les relations entre le Royaume et plusieurs pays européens sont déjà tendus, rajouter de l’huile sur le feu serait contreproductif, notamment vu l’importance des relations économiques entre le Maroc et l’UE.
- Quelles seront, selon vous, les répercussions des récents événements ?
- L’escalade que nous avons vécue, ces dernières 48 heures, ne peuvent qu’impacter les relations entre le Maroc et l’Espagne. D’ailleurs, je ne pense pas que cette nouvelle crise n’impacte que Rabat et Madrid, il est fort probable que Bruxelles intervienne. Le dossier de l’immigration concerne l’ensemble de l’Union Européenne et il est fort probable que l’Espagne joue la carte européenne pour obtenir des concessions. Cette situation n’est favorable pour aucun des deux Royaumes dont les intérêts se rejoignent sur plusieurs niveaux, la lutte contre le terrorisme, la coopération économique, sans oublier les diasporas installées dans les deux pays. Tant Madrid comme Rabat n’ont rien à gagner d’une détérioration de leurs relations.