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Brahim Mazned : « Nous sommes inquiets face à l’annulation massive des festivals »

Interview


Rédigé par Kenza AZIOUZI Dimanche 13 Septembre 2020

Malgré la levée du confinement, l’état d’urgence demeure, et les activités sont toujours restreintes. Brahim Mazned, acteur culturel aux multiples casquettes, nous en dit plus.



- C’est le black-out dans le milieu culturel, quels sont vos recommandations pour y remédier ?
- Cette pandémie a mis à genoux beaucoup de secteurs, dont celui de la Culture. Pour redynamiser et redonner une nouvelle image, il faut absolument accorder à la culture des places autres que celle de l’univers digital. Cela permettrait un développement et une création de valeur, pour les artistes comme pour les créateurs. Il faut également penser à de nouvelles manières d’investir l’activité artistique et culturelle.

Notre souhait est que les pouvoirs publics et les grandes entreprises, ayant des capacités financières, accompagnent les structures culturelles et les artistes à travers des bourses de création ou du mécénat qui permettront l’organisation des activités dans l’espace public et aussi d’inventer de nouveaux lieux de spectacles comme les hôpitaux, les prisons, les grands jardins publics, les parcs et bien d’autres.

En ces temps de crise, la création, lien fort de cohésion sociale, ne doit pas s’arrêter et les artistes devront s’adapter également aux nouvelles réalités et accepter de se produire dans d’autres lieux, quelles que soient leur nature ou leur capacité (petites salles, bibliothèques, café et restaurants...), avec des formats plus adaptés.

- Des plans d’action et de relance en cours ?

- Les acteurs du secteur culturel sont préoccupés et personne n’a pu prédire ni les conséquences liées à cette épidémie ni les mesures qui seront prises pour y remédier. Nous sommes inquiets face à l’annulation massive des festivals majeurs du pays.

Les artistes et les professionnels du secteur ont beaucoup investi pour construire une industrie créative, et il s’avère primordial actuellement d’alimenter la réflexion sur la meilleure façon de soutenir les artistes et les institutions culturelles. Le secteur culturel doit être mis en valeur, il constitue un levier fondamental pour la promotion d’une économie soutenue, partagée et durable dans une dynamique constructive.  

- Des projets en vue ?

- Visa For Music est un rendezvous très attendu, et avec toute l’équipe, nous y mettons toute notre énergie pour pouvoir maintenir notre engagement et organiser une édition en format réduit ; une édition symbolique pour panser cette crise douloureuse et repenser ensemble l’avenir de notre secteur, tout en suivant les indications et recommandations sanitaires des pouvoirs publics pour respecter le nombre de personnes pouvant être rassemblées en un seul et même lieu.

Notre structure, Anya, organisatrice et productrice de Visa For Music, a différentes activités dans le secteur de la musique. Plusieurs projets sur lesquels nous travaillions ont été suspendus. Mais nous essayons de rester créatifs et de développer notre activité d’édition, qui n’est pas en lien direct avec le public, et nous préparons une nouvelle anthologie et un beau livre sur l’art des Rrways, dont la sortie est prévue avant la fin de l’année.

- Comment pouvoir s’adapter à la situation ?

- Si la crise perdure, nous devrons être agiles et créatifs et faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et créer des formats d’activités culturelles et artistiques qui maintiennent une dynamique créatrice de valeur et de richesses pour les artistes et les structures culturelles. Et également se nourrir et s’inspirer des pratiques des autres pays dont les activités culturelles ont enfin pu reprendre progressivement.

Recueillis par Kenza AZIOUZI

Portrait

L’infatigable défenseur de la culture
 
Dès qu’il s’agit de mettre en avant les artistes marocains et africains, on fait appel à lui. A la fois discret et hyperactif, ce natif de la perle du Sud, Agadir, est un véritable acteur culturel. Son CV ? Consultant en ingénierie culturelle et Directeur artistique, nommé membre de la Banque d’expertise UE/UNESCO 2019-2022, destinée à soutenir les initiatives visant à mettre en œuvre et à promouvoir la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Directeur artistique du Festival Timitar des Musiques du Monde, principalement dédié à la culture amazighe qu’il a fait connaître dans le monde entier, et qui est devenu l’un des grands rendez-vous des musiques du monde. Brahim El Mazned est infatigable, il est également directeur Fondateur de Visa For Music, le 1er festival des musiques d’Afrique et du Moyen Orient qui a lieu chaque mois de novembre à Rabat.

Aussi a-t-il été sélectionné dans le Guide de la diversité culturelle « Les Aventuriers de la culture » parmi les 100 acteurs exemplaires du développement culturel durable à travers le monde. Brahim El Mazned est devenu, après plus de vingt-cinq ans d’activité dans le monde culturel marocain, une référence incontournable dans la gestion de projets culturels et dans l’organisation de grands rendez-vous artistiques.

K. A

Repères

Les métiers culturels fortement impactés
Il est indéniable que la pandémie du Coronavirus a eu un impact remarquable sur l’industrie culturelle au Maroc. Selon la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC) de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), plus de 100.000 emplois ont été directement impactés par cette crise sanitaire. Environ 1.100 entreprises ont accusé 70% de baisse de leur chiffre d’affaires en moyenne. Face au manque de moyens, de nombreuses associations culturelles ont été contraintes de cesser leurs activités. C’est le cas également pour les professionnels indépendants, les artistes et les techniciens qui représentent la pierre angulaire de l’industrie culturelle dans le Royaume. En l’absence d’une stratégie nationale, le problème risque de perdurer même après la fin de la pandémie.
A quand une stratégie de la culture au Maroc ? Un cri de détresse sans écho 
Depuis le début de la pandémie, les professionnels du secteur culturel au Maroc n’ont pas manqué de tirer la sonnette d’alarme, à maintes reprises. Dans ce sens, la Confédération Marocaine des Organismes Artistiques et Culturels Professionnels (CMOACP) avait lancé une pétition pour la mise en place d’une stratégie publique de la culture et de l’art à destination de l’opinion publique, intellectuels, artistes, politiciens, parlementaires et partis politiques. Un appel auquel les responsables n’ont pas répondu.