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Brésil : De la prison à la présidence, la revanche de Lula


Rédigé par L'Opinion Lundi 31 Octobre 2022

Lula a remporté dimanche l’élection présidentielle, d’une courte tête certes, mais il est le premier président à entamer un troisième mandat au Brésil.



Brésil : De la prison à la présidence, la revanche de Lula
Lula a été élu président du Brésil ce dimanche en récoltant 50,9% des voix face au président sortant d'extrême-droite, Jair Bolsonaro (49,1%). Il est le premier président brésilien à entamer un troisième mandat de chef d'État après avoir dirigé le pays entre 2003 et 2011. C'est peu dire que le fondateur du Grand parti des travailleurs (PT) revient de loin.

On rembobine. 12 juillet 2017 : le juge Sergio Moro condamne Lula à neuf ans et six mois de prison pour corruption et blanchiment d'argent. Il est accusé d'avoir reçu un appartement en bord de mer en échange de contrats pour une entreprise du bâtiment. Cette condamnation intervient à la suite de l'opération anti-corruption "Lava Jato" - dirigée par Sergio Moro - révélant le système de pots-de-vin qui liait l’entreprise publique Petrobras et des groupes de BTP, des politiques, et des lobbyistes.

Lula plaide son innocence mais le 24 janvier 2018, la Cour d'appel TRF4 rejette son recours et alourdit sa peine à 12 ans et un mois de prison. La décision de l'incarcérer devient ensuite définitive lorsque la Cour suprême rejette un ultime recours déposé par les avocats de Lula. Dès le lendemain, un mandat de dépôt est émis par la justice. L'ex metallo se réfugie pendant deux jours dans les locaux des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo, près de Sao Paulo, entouré d'une foule de sympathisants. Il accepte finalement de se rendre.
 
580 jours en prison
 
Le scénario des élections brésiliennes, prévues pour octobre 2018, vient de basculer. Lula, qui avait quitté le pouvoir avec 87% d'opinions favorables, était l'immense favori de cette présidentielle. Plutôt que de revenir à la tête du pays, l'ex-chef d'État pourrait finir ses jours dans la prison de Curitiba (Sud du Brésil) où il est incarcéré.

Le retournement de situation profite à Jair Bolsonaro. Lequel est élu président du Brésil face au protégé de Lula, Fernando Haddad. Aussitôt devenu président, l'homme d'extrême droite choisit pour ministre de la Justice... Sergio Moro. Lula ronge son frein.

L'éclaircie arrive le 7 novembre 2019. Par une courte majorité, les juges de la Cour suprême ont décidé de mettre fin à la jurisprudence selon laquelle une personne peut être incarcérée dès sa première condamnation en appel même si d'autres recours sont encore possibles, ce qui était le cas de Lula.

Le lendemain, Lula sort de prison après y avoir passé 580 jours. Il est acclamé par des milliers de partisans. Un début de renaissance. Celle-ci se concrétise un peu plus le 8 mars 2021. Ce jour-là, un juge de la Cour suprême, Edson Fachin, ordonne l'annulation de ses condamnations pour corruption, le rendant éligible pour affronter Jair Bolsonaro à la présidentielle de 2022, sans l'innocenter pour autant.
 
Une victoire à l’arrachée
 
Une décision confirmée par les autres magistrats de la haute cour en séance plénière le 15 avril. Quant à Sergio Moro, qui l'avait condamné, il est déclaré "partial" dans cette affaire par la Cour suprême. Il est établi que l'ex-ministre cherchait à discréditer Lula en vue de la présidentielle de 2018.

La suite du film apparaît alors comme une évidence: Lula sera élu président du Brésil en octobre. Pour autant, la campagne s'avère plus compliqué que prévu. Même si l'ex-chef d'Etat a réalisé la coalition la plus large de l'histoire du pays - s'alliant par exemple avec Géraldo Alckim (centre droit) qu'il avait battu lors de la présidentielle de 2006 - les affaires de corruption du PT reste dans la tête de nombreux brésiliens.

En face, Jair Bolsonaro, même s'il est affaibli par sa gestion de la crise du Covid-19, conserve de nombreux soutiens.

Cela se matérialise au premier tour de la présidentielle le 2 octobre. Lula espérait une victoire triomphante, il est finalement mis ballotage par son adversaire, qui résiste mieux que prévu. Il le devance seulement d'une courte tête, en réunissant 48,2% des suffrages, tandis que le président sortant parvient à réunir 43,2% des voix. Seconde mauvaise nouvelle pour le leader du PT: les bolsonaristes deviennent majoritaires dans les deux chambres du Parlement brésilien à l'issu des élections législatives.

 


Une transition qui s’avère difficile
 
Le Brésil était suspendu à la réaction de Jair Bolsonaro, muré dans le silence depuis l'annonce du résultat et qui n'a toujours pas reconnu sa défaite. La transition, qui dure au Brésil jusqu'au 1er janvier, date de l'intronisation en grande pompe du nouveau président à Brasilia, ne sera certainement pas une mince affaire.

Le silence assourdissant de Jair Bolsonaro, défait d'une courte tête au second tour de dimanche (49,1% des voix contre 50,9%), et qui doit encore gouverner deux mois, est en soi lourd de menaces. « Le pire qui puisse arriver serait que les Brésiliens aillent se coucher sans entendre la position de leur président (Bolsonaro), ce qui sèmerait le doute sur son acceptation du résultat » de l'élection, disait dimanche soir à l'AFP Leandro Consentino, politologue de l'université privée Insper de São Paulo. Or, le président défait aurait refusé toute visite après le résultat et serait allé se coucher.

Lors du second tour de la présidentielle dimanche, Lula, anticipant les difficultés, avait souhaité que « le gouvernement (sortant) soit civilisé au point de comprendre qu'il est nécessaire de faire une bonne passation des pouvoirs ». Ensuite, le président élu devra  réunir et pacifier le pays malmené par quatre années de crises et de surcroît coupé en deux par la campagne la plus polarisée et brutale de son histoire récente.

 « La moitié de la population est mécontente » du résultat, note Consentino. « Il va être essentiel que Lula ait la capacité de tendre la main à ceux qui n'ont pas voté pour lui et leur dise qu'il est le président de tous ».

C'est d'ailleurs ce qu'a dit promis le vétéran de la politique brésilienne dimanche : « Il n'existe pas deux Brésil, a-t-il lancé. Nous sommes un seul peuple, une seule nation ».
 
 








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