À l’échelle mondiale, les stratégies de lutte contre cette maladie se concentrent principalement sur la sensibilisation, le dépistage précoce et les avancées technologiques dans le diagnostic. Cependant, au Maroc, plusieurs défis persistent, notamment l'accès restreint aux technologies de pointe et une sensibilisation encore insuffisante. Contrairement aux programmes bien établis pour les cancers du sein et du col de l'utérus, le cancer de la prostate ne bénéficie pas encore d'une stratégie nationale structurée, comme l’indique l'oncologue Mohamed Amine Benhmidoune. Par ailleurs, l'absence de coordination entre les divers acteurs du système de santé entrave une prise en charge optimale des patients.
Pourtant, l’introduction d’outils de diagnostic innovants, tels que les systèmes de biopsie par fusion d’images, à l'instar de Koelis, offre de réelles perspectives pour un diagnostic précoce et précis. Si cette avancée technologique semble prometteuse, son adoption à grande échelle reste un défi organisationnel et décisionnel majeur. Dans ce contexte, Dr Benhmidoune plaide pour son intégration dans la nouvelle nomenclature des actes médicaux et son remboursement, surtout avec la réforme du système de santé en cours et le vaste chantier lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la généralisation de la couverture sociale.
Il est donc incontestable selon l'oncologue que ces technologies permettent des biopsies ultra-ciblées et précises, avec un taux de détection du cancer de la prostate supérieur à 90%, contre seulement 30 à 60% pour les méthodes traditionnelles employées au Maroc. Grâce à de tels résultats, Koelis s'impose désormais comme une référence mondiale dans le domaine des biopsies ciblées.
Fort heureusement, le Maroc dispose désormais de deux appareils de ce type : le premier à l'Hôpital d'Instruction Militaire Mohammed V à Rabat, et le second, récemment mis en service, à la Clinique Spécialisée Menara de Marrakech. Ce dernier a été révélé lors d’un workshop, où il a permis de diagnostiquer un cancer de la prostate chez un patient initialement diagnostiqué négatif, augmentant ainsi de manière significative ses chances de guérison.
Dr Benhmidoune insiste à cet égard sur la nécessité de ne plus pratiquer de biopsies à l'aveugle. «Éthiquement, il est devenu impératif de réaliser des biopsies ciblées afin de confirmer un diagnostic précis», affirme-t-il. Il souligne également que ce dispositif est le premier du genre à être disponible dans le secteur sanitaire civil marocain, tant public que privé. Plusieurs centres seront bientôt équipés de cette technologie, ouvrant la voie à une adoption plus large à l’échelle nationale.
Cette avancée technologique s'inscrit dans la volonté d'améliorer la santé masculine au Maroc, mais plusieurs défis demeurent. Il est donc crucial, selon lui, de renforcer les partenariats public-privé pour faciliter l'acquisition de ces équipements, notamment pour les établissements disposant de ressources financières limitées. De plus, la formation des professionnels de santé à l’utilisation de ces technologies est essentielle : comme l'indique l'oncologue, tout urologue peut maîtriser ce système après seulement deux ou trois interventions. Enfin, il appelle à des campagnes de sensibilisation pour encourager la population à se soumettre à un dépistage précoce et à demander un diagnostic précis, afin d'améliorer les chances de guérison des patients.
3 questions à Mohamed Amine Benhmidoune : «Lutter contre le cancer de la prostate au Maroc demande une stratégie intégrée»
- À quel âge commence-t-on à dépister le cancer de la prostate ? Et quelles pratiques de prévention pouvons-nous adopter pour réduire son incidence ?
Le dépistage du cancer de la prostate, simple et accessible, se fait principalement par un dosage du PSA (prise de sang). Il commence à 50 ans pour les hommes à risque moyen, à 45 ans pour ceux avec des antécédents familiaux ou issus de groupes à risque, et à 40 ans pour les cas à haut risque familial. Pour prévenir le cancer de la prostate, il est conseillé de maintenir un poids sain avec une alimentation équilibrée, riche en fruits, légumes et fibres, et de limiter les graisses animales. Pratiquer une activité physique régulière, éviter le tabac, modérer l’alcool et effectuer un suivi médical, surtout en présence de facteurs de risque, sont également essentiels pour réduire les risques.
- Lors du workshop, vous avez introduit le système Koelis, un dispositif innovant destiné aux biopsies ciblées du cancer de la prostate, qui sera lancé pour la première fois au Maroc. Quelles sont les particularités de ce système par rapport aux méthodes traditionnelles utilisées actuellement ?
Le système Koelis se distingue par plusieurs avantages majeurs dans le diagnostic du cancer de la prostate. Grâce à sa précision accrue, il combine les données IRM et échographiques pour cibler avec exactitude les zones suspectes. Moins invasif, il limite ainsi le nombre de prélèvements inutiles tout en réduisant les erreurs, notamment les risques de faux négatifs. De plus, il améliore l'efficacité du diagnostic en facilitant la détection précoce des formes agressives, ce qui permet de prévenir le sous-traitement. Comparé aux biopsies traditionnelles à l'aveugle, il offre une prise en charge plus personnalisée et des résultats beaucoup plus fiables.
- Dans le cadre de la sensibilisation, quelles stratégies devraient être mises en place pour encourager les citoyens marocains à s'inscrire à l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et profiter des avancées médicales ?
Il est important de lancer des campagnes éducatives via les médias et les mosquées, simplifier les démarches administratives et organiser des journées de dépistage gratuit. De plus, impliquer les collectivités locales permettrait de mieux atteindre les populations rurales. Le combat contre le cancer de la prostate au Maroc nécessite une approche intégrée, combinant technologies, politiques publiques et sensibilisation.