Il y a quelques semaines, la coopérative marocaine Biocannat a annoncé l’ouverture imminente de la première usine de valorisation légale du cannabis au niveau national. Une nouvelle étape qui confirme que ce nouveau chantier continue d’avancer à pas résolus. Depuis l’annonce de la nouvelle orientation du Royaume dans ce domaine, plusieurs avancées ont ainsi été réalisées afin d’entamer une transformation de la chaîne de valeur illégale et artisanale du cannabis vers un modèle licite et organisé qui se focalise sur la valorisation médicinale de cette plante. La question qui pourrait se poser à ce stade se réfère à la cadence de mise en œuvre de cette conversion programmée. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce projet national évolue rapidement au vu des contraintes et spécificités qui le conditionnent. N’oublions pas qu’il n’a fallu que quelques mois entre la reclassification en décembre 2020 du cannabis par la Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND) et l’adoption finale par le Maroc (en juin 2021) de la loi n°13-21 relative aux usages licites du cannabis », explique une source proche du dossier.
Un nouvel écosystème industriel
En octobre 2022, l’Agence Nationale de Réglementation des Activités relatives au Cannabis (ANRAC) avait délivré les 10 premières licences au profit d’opérateurs industriels et pharmaceutiques, pour l’exercice d’activités relatives à la transformation et la fabrication des produits issus du cannabis, leur commercialisation et leur exportation. « Du moment que l’Etat marocain a entamé la structuration de ce nouvel écosystème industriel, les étapes logiques se sont succédé, mais il ne faut pas pour autant confondre vitesse et précipitation.
Il faut en moyenne près de 24 mois pour qu’un écosystème de ce genre aboutisse, sachant qu’il y a des aspects sensibles qui impliquent de prendre le temps et les précautions légales et normatives nécessaires pour permettre un contrôle strict de cette nouvelle filière », poursuit notre interlocuteur. Dans ce cadre, l’ANRAC a récemment lancé une étude pour l’élaboration d’un plan stratégique pour le développement de la filière du cannabis licite. Cette feuille de route a pour ambition d’améliorer l’encadrement et la vision pour cette filière à moyen et long termes (voir article ci-bas, NDLR).
Il faut en moyenne près de 24 mois pour qu’un écosystème de ce genre aboutisse, sachant qu’il y a des aspects sensibles qui impliquent de prendre le temps et les précautions légales et normatives nécessaires pour permettre un contrôle strict de cette nouvelle filière », poursuit notre interlocuteur. Dans ce cadre, l’ANRAC a récemment lancé une étude pour l’élaboration d’un plan stratégique pour le développement de la filière du cannabis licite. Cette feuille de route a pour ambition d’améliorer l’encadrement et la vision pour cette filière à moyen et long termes (voir article ci-bas, NDLR).
Les premiers produits
En attendant, les premiers résultats concrets de la filière « bourgeonnante » du cannabis licite au Maroc se matérialisent déjà à travers la première usine de production en cours d’installation par la coopérative Biocannat dans la région de Bab Berred, Province de Chefchaouen. « Nous sommes en train de finaliser les préparatifs pour le lancement imminent de la production au niveau de notre usine de valorisation du cannabis qui est par ailleurs la première en son genre au Maroc. La capacité installée nous permettra de produire près de 30 tonnes d’extraction de CBD par an. À cet égard, 42 produits ont été développés ou sont en cours de développement », nous confirme un membre du Bureau de la coopérative. « Nous avons à ce jour plusieurs types d’industries qui sont intéressées par les produits actuellement en cours de préparation. Une grande partie de cette demande émane de l’étranger, mais il existe également une demande locale qui est également importante », ajoute la même source.
Variétés importées ou locales ?
La filière de valorisation légale du cannabis se doit actuellement d’utiliser des graines importées dans le cadre d’une procédure strictement encadrée par l’ANRAC. Sachant que le Royaume dispose d’une souche locale de cette plante, qui est par ailleurs reconnue pour sa résilience et sa consommation modérée en ressources hydriques, est-il envisageable que la filière puisse un jour la mettre à profit dans ses chaînes de valeur ? « Nous sommes bien évidemment intéressés par la souche locale, mais pour l’instant nous utilisons des graines qui ont été importées et qui sont conformes au cahier des charges stipulant que le taux de THC doit être inférieur à 1%. Quand les institutions chargées de la recherche dans ce domaine trouveront une graine locale qui est conforme aux standards exigés, nous ne manquerons pas de l’employer », affirme notre interlocuteur. En attendant, Biocannat annonce que, concernant la production 2023, « les semis seront prêts dans quelques semaines. Le processus de fabrication et celui de mise sur le marché pourront débuter au cours du dernier trimestre de l’année en cours ».
Omar ASSIF
3 questions au Pr Mohamed Fekhaoui « Le Royaume devrait mettre en place une banque de semences »
Directeur de l’Institut Scientifique de Rabat, et coordinateur de plusieurs études sur l’agrosystème du cannabis au Maroc, Pr Mohamed Fekhaoui répond à nos questions.
La filière licite du cannabis peut-elle à terme mettre à profit la souche locale de cette plante ?
Comme pour les autres cultures, le succès de la filière de valorisation médicinale du cannabis est conditionné par un bon choix de la variété à utiliser. Actuellement, l’enjeu réside dans l’identification de la souche autochtone de cannabis qui est mieux adaptée, plus résiliente et beaucoup moins consommatrice d’eau. À ce stade, il est nécessaire de capitaliser sur le travail qui a déjà été fait afin de parfaire l’état de connaissance au niveau génétique et moléculaire de cette variété. Ce n’est que par la suite que l’on pourra entamer un projet de remplacement progressif des autres variétés introduites.
De quelle manière peut-on entamer une transformation de ce genre ?
Je pense que le Royaume devrait mettre en place une banque de semences qui procède à l’identification et à la conservation de graines issues de la souche autochtone de cannabis. L’objectif à terme serait bien sûr de développer un projet pilote pour multiplier ces graines et les fournir aux agriculteurs.
Combien de temps pourrait prendre un projet de ce genre pour aboutir ?
Actuellement, l’Etat a délimité les zones où la culture sera autorisée. La deuxième étape logique a été de donner des licences puis de cheminer vers l’encadrement de la culture et de la valorisation de bout en bout. En parallèle à cela, il faudra également travailler sur la généralisation des bonnes pratiques agricoles et sanitaires. C’est donc un chantier qui ne peut pas aboutir dans l’immédiat, car il faudra au moins quelques années pour achever les diverses étapes.
L’info...Graphie
Evénement : La filière du cannabis au cœur d’un Salon pour la valorisation des plantes
Après le lancement de l’Écosystème régional « Marrakech, Health and Beauty Valley », lors du 1er congrès international des Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales (PPAM) à Marrakech en 2019, et suite aux recommandations des professionnels participants, le Cluster Ménara et le Centre Régional d’Investissement de Marrakech-Safi ont annoncé l’organisation de la première édition d’AROMAPLANT EXPO, le Salon de la valorisation et de l’innovation de la filière PPAM. Organisé sous l’égide du ministère de l’Industrie et du Commerce et de la Wilaya de Marrakech-Safi, cet événement se tiendra du 1er au 4 juin 2023, à Marrakech, au musée Mohammed VI pour la Civilisation de l’Eau au Maroc.
Le Salon rassemblera les professionnels de la filière pour échanger autour des grands enjeux de la filière PPAM et accueillera plus de 2.000 visiteurs et près de 100 exposants. AROMAPLANT EXPO prévoit également la tenue d’un atelier spécialement consacré aux vastes perspectives du marché mondial des produits thérapeutiques dérivés du cannabis. L’évènement sera par ailleurs l’occasion d’accueillir les transformateurs et vaporisateurs de la filiale Cannabis. « Le Maroc étant l’un des pays les plus prometteurs de ce secteur.
La création d’un marché de production et de valorisation réglementé pour le cannabis au Maroc s’accompagne d’avantages économiques importants pour les cultivateurs et les entreprises du secteur. Les entreprises qui investiront dans la filière pourraient tirer de grands avantages de cette opportunité », souligne un communiqué des organisateurs.
Le Salon rassemblera les professionnels de la filière pour échanger autour des grands enjeux de la filière PPAM et accueillera plus de 2.000 visiteurs et près de 100 exposants. AROMAPLANT EXPO prévoit également la tenue d’un atelier spécialement consacré aux vastes perspectives du marché mondial des produits thérapeutiques dérivés du cannabis. L’évènement sera par ailleurs l’occasion d’accueillir les transformateurs et vaporisateurs de la filiale Cannabis. « Le Maroc étant l’un des pays les plus prometteurs de ce secteur.
La création d’un marché de production et de valorisation réglementé pour le cannabis au Maroc s’accompagne d’avantages économiques importants pour les cultivateurs et les entreprises du secteur. Les entreprises qui investiront dans la filière pourraient tirer de grands avantages de cette opportunité », souligne un communiqué des organisateurs.
Etude : Une feuille de route pour un positionnement global de la filière
Dotée d’une enveloppe budgétaire de 4,98 millions de dirhams, l’étude d’élaboration du plan stratégique de développement de la filière du cannabis licite (récemment lancée par l’ANRAC) devra être bouclée dans un délai de 85 jours. Le prestataire qui sera sélectionné pour réaliser cette étude devra établir un benchmark du marché mondial du cannabis (industriel et médical) et proposer une analyse approfondie des perspectives de développement de la filière au Maroc.
Grâce à ce travail, le Royaume pourra disposer d’orientations claires afin de fixer un positionnement global de la filière, notamment en termes de segments des marchés-cibles, à l’export comme sur le marché local.
L’étude devrait également permettre d’établir une stratégie pour chaque maillon de la chaîne de valeur de cette filière et un programme d’action réalisable et chiffré. À noter que le marché mondial du cannabis, chiffré à 8,1 milliards de dollars en 2018, devrait en 2028 atteindre un chiffre d’affaires de 114 milliards de dollars.
Grâce à ce travail, le Royaume pourra disposer d’orientations claires afin de fixer un positionnement global de la filière, notamment en termes de segments des marchés-cibles, à l’export comme sur le marché local.
L’étude devrait également permettre d’établir une stratégie pour chaque maillon de la chaîne de valeur de cette filière et un programme d’action réalisable et chiffré. À noter que le marché mondial du cannabis, chiffré à 8,1 milliards de dollars en 2018, devrait en 2028 atteindre un chiffre d’affaires de 114 milliards de dollars.