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Actu Maroc

Convention BEPS : maintenir la confiance des MRE, principal défi du Trésor


Rédigé par Amine ATER Mardi 30 Mars 2021

L’annonce de l’entrée en vigueur des normes OCDE a suscité un vent de panique chez la diaspora. Les MRE craignent une double imposition entre le Royaume et leurs pays de résidence. Une crainte que la DGI s’efforce de dissiper en rappelant qu’aucune mesure d’automatisation d’échanges d’information fiscale n’est à l’ordre du jour.



La ratification par le Maroc de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales BEPS, auxquelles le Royaume a adhéré en juin 2019, a fait craindre aux MRE, comme aux opérateurs nationaux, une mise en place d’échanges automatiques de renseignements entre les pays signataires. L’inquiétude se focalise principalement sur une supposée obligation pour les MRE de déclarer, dès 2021, leurs avoirs détenus au Maroc, dans leurs déclarations fiscales déposées dans leurs pays de résidence qui disposeraient désormais de toutes les informations concernant ces avoirs, à même de leur permettre de contrôler la fiabilité de leurs déclarations. 

L’hypothèse est promptement balayée par la Direction Générale des Impôts (DGI), qui précise dans un communiqué que «l’objet de la convention BEPS ne concerne pas l’échange automatique de renseignements», et que «le Maroc n’est tenu par aucun engagement pour échanger de manière automatique des informations à des fins fiscales au cours de l’année 2021». Malgré sa clarté, le démenti de la DGI ne met aucunement fin au vent d’inquiétude qui souffle parmi la communauté marocaine à l’étranger. Post Facebook, live YouTube et autres commentaires fleurissent sur la Toile, dénotant la persistance du scepticisme ambiant quant aux récents aménagements fiscaux. 

La DGI appelle au calme

«Concrètement, cette convention a à la base un objectif noble, elle vise à harmoniser les dispositifs fiscaux des pays faisant partie de l’OCDE. Le Maroc a signé cette convention, ce qui nous a permis de montrer patte blanche à l’OCDE et notamment à l’Europe, concernant les dispositifs anti-blanchiment d’argent. Ce qui a abouti au retrait du Maroc de la liste grise sur laquelle il était inscrit et qui pouvait bien entendu poser beaucoup de problèmes pour la cotation du Maroc au niveau international et pour tous le business et échanges macroéconomiques entre le Maroc et ses partenaires commerciaux », explique Mohammed Saoud , membre du Comité exécutif de l’Istiqlal qu’il représente à Bruxelles. 

D’ailleurs, les institutions financières marocaines sont tenues, depuis 2018, d’identifier les personnes titulaires et les bénéficiaires d’un compte disposant d’une résidence fiscale à l’étranger. Une disposition qui s’étend également aux établissements de crédit et aux compagnies d’assurance et de réassurance. Une liste qui est transmise à la DGI et qui pourrait être utilisée dans le cadre d’échanges entre l’administration fiscale et ses homologues à l’international, dans le cadre d’accords et de conventions ratifiés par le Maroc. «Les Marocains résidant à l’étranger ont une peur bleue de ce genre de pratiques. Ils craignent, en effet, que cela soit un préalable pour d’autres mécanismes qui pourraient être imposés au Maroc par ses partenaires et qui pourraient nuire à leur épargne», précise Saoud. 

Pour ce dernier, les comptes bancaires dont disposent les MRE au Maroc ont généralement pour finalité l’épargne, mais abritent également des parts d’héritage de leurs parents, voire de leurs grands-parents. «Ces fonds domiciliés dans le système bancaire marocain peuvent être sujet à mauvaise interprétation et porter ainsi préjudice aux intérêts des MRE», précise notre interlocuteur qui ajoute : «D’un autre côté, l’adhésion du Royaume à ces mécanismes fiscaux doit prendre en compte la question de la protection des données personnelles et privées de cette catégorie que le Royaume se doit de protéger». 

Protection des données personnelles sur fond de guerre économique

«Il faut avant tout protéger les données personnelles des MRE, surtout dans un contexte de concurrence géopolitique autour de l’attraction des épargnes et des capitaux. On sait pertinemment qu’il existe une hypocrisie fiscale internationale. Dans ce sens, le Maroc doit se garder de tout excès de naïveté et chercher le moyen d’équilibrer entre ses obligations de respect envers les conventions internationales et la préservation de ses intérêts et ceux de ses citoyens», insiste le représentant de l’Istiqlal à Bruxelles. En effet, l’Union Européenne compte parmi ses membres un nombre non négligeable de pays qui proposent des avantages fiscaux, à l’image de Monaco, Andorre, la Belgique ou encore le Luxembourg. 

Idem pour les USA, où l’Etat du Delaware est un paradis fiscal notoire. S’y ajoutent certaines îles sous pavillon britannique et Macao en Chine. «Le Maroc ne peut pas se permettre de perdre cette manne générée par les MRE, ni altérer la confiance qu’il construit depuis des décennies. Ce qui a permis au pays de se développer grâce aux investissements directs et indirects des MRE qui contribuent  à plus de 30% des dépôts dans le système bancaire marocain. Il faut que la communication soit intelligente, il faut réinstaurer la confiance qui est un facteur très important, surtout quand il y a une guerre économique qui se joue pour attirer les investissements des uns et des autres », alerte Saoud.  

Tout le défi pour le Royaume reste de trouver un équilibre entre le respect des accords et conventions auxquels il adhère, et la protection de ses citoyens résidant à l’étranger dans cette guerre économique qui se joue sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent. En effet, le Maroc ne peut se permettre de mettre en danger ses équilibres macro-économiques, notamment en termes de balance commerciale pour le cas des transferts de fonds de la diaspora. Sachant que le Royaume dispose déjà d’un arsenal juridico-fiscal complet en la matière, exigeant notamment de ses résidents fiscaux de communiquer de manière exhaustive sur les montants disponibles sur leurs comptes en banque.  

Amine ATER