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Corne de l’Afrique : Escalade dangereuse dans la crise du Tigré


Lundi 16 Novembre 2020

Les dissidents du Tigré ont tiré, samedi, des roquettes sur Asmara, capitale de l’Erythrée qu’ils accusent de soutien à l’armée éthiopienne.



Corne de l’Afrique : Escalade dangereuse dans la crise du Tigré
Le 4 novembre, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé l’armée fédérale à l’assaut du Tigré, après des mois de tensions croissantes avec les autorités régionales du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF).

Premier ministre depuis 2018, Abiy a obtenu l’année suivante le prix Nobel de la paix pour avoir réconcilié l’Ethiopie et l’Erythrée, avec laquelle son pays était à couteaux tirés depuis une guerre meurtrière entre 1998 et 2000, menée alors que le TPLF était le parti tout-puissant à Addis Abeba. Il a progressivement écarté du pouvoir le TLPF, qui représente la minorité tigréenne (6% de la population) et qui durant presque 30 ans a contrôlé l’appareil politique et sécuritaire éthiopien.

Le TPLF a accusé ces derniers jours le pouvoir d’Asmara, son ennemi juré, de laisser l’armée éthiopienne utiliser son territoire - bordant toute la frontière Nord du Tigré - pour y faire passer ses troupes ou décoller ses avions, et affirme que l’armée érythréenne participe directement à des combats au sol au Tigré.

Dimanche, le président du Tigré, Debretsion Gebremichael, a revendiqué le tir des roquettes qui ont frappé la veille au soir, selon des diplomates basés à Addis Abeba, les abords de l’aéroport d’Asmara.

Gebremichael accuse l’Erythrée d’avoir envoyé des blindés et des milliers de militaires dans sa région en appui à l’offensive gouvernementale éthiopienne.

Le ministre érythréen des Affaires étrangères, Osman Saleh Mohammed, a déclaré la semaine dernière à Reuters que son pays n’était pas impliqué dans le conflit.

Les multiples affirmations de l’un et l’autre camp sont invérifiables de source indépendante, en raison du blackout imposé à la région et des restrictions de déplacement des journalistes.

Aucune information n’était disponible dimanche sur le bilan humain ou des dégâts à Asmara, capitale d’un des Etats les plus fermés au monde, dirigé d’une main de fer par Issaias Afeworki depuis son indépendance de l’Ethiopie en 1993.

10.000 prisonniers disparus
Par ailleurs, les autorités éthiopiennes ont accusé les forces du Tigré d’avoir emmené 10.000 prisonniers en fuyant une ville reprise par les forces gouvernementales dans cette région du nord du pays.

«Alors que la milice du TPLF était vaincue à Alamata, ils ont fui en emmenant environ 10.000 prisonniers», a déclaré dimanche soir le gouvernement éthiopien dans un message sur Twitter, en référence au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui dirige cette région.

Les multiples affirmations de l’un et l’autre camp sont invérifiables de source indépendante, en raison du blackout imposé à la région et des restrictions de déplacement des journalistes.

Les dirigeants du Tigré n’ont euxmêmes pas commenté les événements survenus à Alamata, une localité située à environ 120 km de Mekelle, la capitale régionale, près de l’Etat d’Amhara. 

Le ministre érythréen des Affaires étrangères, Osman Saleh Mohammed, a déclaré la semaine dernière à Reuters que son pays n’était pas impliqué dans le conflit.

Le Tigré veut «l’internationalisation de la guerre»
Ces derniers jours, le gouvernement éthiopien a ainsi assuré que les forces du TPLF étaient «à l’agonie» tandis que celles-ci ont affirmé avoir infligé de «lourdes pertes» à l’armée fédérale.

Dimanche, Abiy a assuré que les opérations militaires «progressaient bien» et que «l’Ethiopie était plus que capable d’(en) atteindre les objectifs (...) par elle-même». Dimanche, des médias d’Etat ont fait état de la prise d’Alamata, localité du Sud-Est du Tigré, à 180 km de route au sud de la capitale régionale Mekele.

Les autorités du Tigré souhaitent «l’internationalisation de la guerre», explique à l’AFP Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, afin de faire intervenir la communauté internationale tout en créant un sentiment nationaliste en Ethiopie qui leur serait favorable.

«Une implication de l’Erythrée permet aussi de justifier par avance le coût de la guerre pour la population civile» au Tigré, ajoute ce spécialiste de l’Afrique.

D’où les craintes croissantes de nombreux observateurs que ce conflit entraîne l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (100 millions d’habitants) et mosaïque de peuples, dans une guerre communautaire incontrôlable, mais déstabilise aussi toute la région de la Corne de l’Afrique.

Aucun bilan humain n’est connu dans l’immédiat, mais les analystes s’attendent à un conflit très meurtrier.



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