La commercialisation des tests salivaires rapides anti Covid-19 du laboratoire Gigalab continue d’opposer les parties concernées, à savoir le ministère de la Santé, les laboratoires et les pharmaciens. Après avoir décidé de retirer les tests salivaires des officines, la Direction du Médicament et de la Pharmacie (DMP), subordonnée au département de Khalid Ait Taleb, a diligenté des équipes d’inspection auprès des officines et des grossistes répartiteurs pour veiller au respect de l’interdiction de la vente de ces tests aux citoyens et au retrait de ce genre de dispositifs.
Ceci a fait l’objet d’une lettre signée par la directrice de la DMP en question, adressée au président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, dans laquelle elle lui fait part d’un rappel du retrait du « réactif à usage de diagnostic in vitro Gigalab Covid-19 Ag Gold Salive». Pour cause, ces tests rapides ne se sont pas encore autorisés à être vendus en pharmacie, sachant que seul Gigalab fait des tests salivaires – à ne pas confondre avec les tests antigéniques qui se font par voie nasale…
Des tests autorisés, mais ?
Pourquoi le ministère a retiré les tests des pharmacies, bien qu’ils soient autorisés ? C’est la question qui intrigue tout le monde. Nous avons essayé de joindre le ministère, dont une source proche du dossier, ayant requis l’anonymat, nous a indiqué que les pharmaciens ne sont pas encore autorisés à vendre ou effectuer les tests de dépistage rapide, ajoutant que l’autorisation de commercialisation fait actuellement l’objet d’un examen.
Ceci dit, la décision de retrait semble provisoire, en attendant l’aboutissement de l’examen mentionné. Cette autorisation de commercialisation concerne aussi bien les officines que le laboratoire fabriquant. Jointe par « L’Opinion », une source proche du laboratoire Gigalab, qui commercialise les tests rapides sous le numéro de référence « COV04S », nous a confirmé que ces dispositifs sont autorisés par le ministère de la Santé qui leur a accordé un certificat d’enregistrement, datant du 3 juin 2021.
En effet, certes, le kit de dépistage salivaire est formellement enregistré chez le ministère de la Santé, toutefois, selon notre source ministérielle, il faut faire la différence entre enregistrement du produit et autorisation de sa commercialisation. C’est là l’origine du malentendu.
« Le produit est enregistré sous un numéro d’enregistrement mais pas encore autorisé à être commercialisé, puisqu’il faut définir le circuit de vente de ce produit afin de garantir que les cas Covid positifs seront pris en charge immédiatement par le test PCR », nous explique notre interlocuteur, toujours sous le manteau. Ceci dit, le ministère juge nécessaire d’attendre la définition du circuit de commercialisation des kits de dépistage rapide avant qu’ils soient mis en vente.
À la question de savoir si l’interdiction concernait uniquement les pharmaciens, notre source répond que la commercialisation de ces tests devrait être entièrement réétudiée, ce qui pourrait toucher également Gigalab. Pour comprendre comment tout cela a commencé, faisons un flashback : le retrait des tests rapides est dû à « certaines réclamations ».
C’est la corporation des biologistes qui en serait à l’origine. Dans une correspondance adressée à la Direction du Médicament et de la Pharmacie, la Chambre syndicale des biologistes a dénoncé la vente des tests salivaires rapides dans les officines, arguant que les pharmaciens ne sont pas habilités à le faire, et ce, en vertu de l’arrêt N° 1131-13 relatif à la loi 12-01.
« Les tests rapides salivaires Covid-19 ne sont pas autorisés dans le privé, où tout examen réalisé dans le cadre du Covid est soumis à une autorisation ministérielle préalable, à la base d’un cahier des charges avec la RT-PCR comme seul examen autorisé », lit-on dans la lettre. Ceci dit, les biologistes prétextent que les tests PCR sont les seuls moyens de dépistage admis jusqu’à présent.
L’arrêt allégué date de 2013 et est signé par l’ex-ministre Houcine El Ouardi. Il stipule, dans son article premier, que la liste des analyses d’orientation clinique pouvant être pratiquées par les pharmaciens d’officine, et prévues par l’article 57 de la loi n° 12-01, se limite aux prélèvements urinaires, à savoir la recherche de glucose, de corps cétoniques et des protéines dans les urines par bandelette réactive.
En colère, les pharmaciens exigent des éclaircissements
Le retrait des tests des officines a irrité les apothicaires qui ne comprennent pas les raisons d’une décision qu’ils trouvent incompréhensible et subite, sachant qu’ils avaient l’habitude de vendre les tests rapides aux consommateurs, en plus des tests de grossesse.
Contacté par nos soins, le président de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, Mohamed Lahbabi, nous a fait part de sa sidération devant cette décision. «Nous ne comprenons pas la démarche du ministère qui concerne des tests qui sont des réactifs d’usage invitro, et sont normalement dispensés en pharmacie », a-t-il éclairci, ajoutant qu’un lot de tests salivaires de Gigalab a commencé à être commercialisé après enregistrement, avant qu’ils soient retirés.
Donc, le problème, selon M. Lahbabi, est l’absence d’un cahier de charges bien défini qui régule le circuit de commercialisation et l’usage des tests pendant cette phase. « En ces circonstances exceptionnelles, il fallait définir un cahier de charges avant de songer à accorder un certificat d’enregistrement aux tests en question », a-t-il repris.
À quoi ressemble ce cahier de charges, que le ministère est en train d’élaborer, d’après ce qui nous est parvenu ? Personne ne sait, mais comme il s’agit d’une pandémie et que la transparence est obligatoire, il est question de mettre en place les moyens adéquats à cet effet, pour permettre de dépister un maximum de cas et fixer le mode d’usage.
A cet égard, « il est à rappeler que les tests rapides ont été fabriqués à la base pour permettre leur manipulation et utilisation par n’importe qui, y compris le patient lui-même, et j’ajoute qu’en Europe ces tests sont dispensés dans les toutes les officines », nous explique M. Lahbabi.
Pour sa part, Amine Bouzoubaa, Secrétaire général de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, ne cache pas son agacement, estimant que le retrait des tests n’a aucun appui légal. M. Bouzoubaa évoque la loi 84.12 qui régit la commercialisation des dispositifs médicaux, qui stipule «la mise en marché d’un DM et qui est subordonnée à l’obtention préalable d’un certificat d’enregistrement délivré par l’administration après consultation de la commission nationale consultative des DM».
En effet, en dépit de ce débat juridique qui oppose des plaidoiries différentes, l’enjeu est mercantile. Etant seuls habilités à faire des tests PCR, les laboratoires se trouvent face au risque de perdre une part de marché importante si les pharmaciens vendent les autotests antigéniques, dont le prix est de 100 dhs, ce qui est largement inférieur au PCR qui coûte plus de 700 dhs. Le ministère de la Santé joue le rôle d’arbitre entre pharmaciens et biologistes, seule la sortie d’un cahier de charges peut résoudre un malentendu qui plus il dure, plus il crée de la polémique.
Ceci a fait l’objet d’une lettre signée par la directrice de la DMP en question, adressée au président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, dans laquelle elle lui fait part d’un rappel du retrait du « réactif à usage de diagnostic in vitro Gigalab Covid-19 Ag Gold Salive». Pour cause, ces tests rapides ne se sont pas encore autorisés à être vendus en pharmacie, sachant que seul Gigalab fait des tests salivaires – à ne pas confondre avec les tests antigéniques qui se font par voie nasale…
Des tests autorisés, mais ?
Pourquoi le ministère a retiré les tests des pharmacies, bien qu’ils soient autorisés ? C’est la question qui intrigue tout le monde. Nous avons essayé de joindre le ministère, dont une source proche du dossier, ayant requis l’anonymat, nous a indiqué que les pharmaciens ne sont pas encore autorisés à vendre ou effectuer les tests de dépistage rapide, ajoutant que l’autorisation de commercialisation fait actuellement l’objet d’un examen.
Ceci dit, la décision de retrait semble provisoire, en attendant l’aboutissement de l’examen mentionné. Cette autorisation de commercialisation concerne aussi bien les officines que le laboratoire fabriquant. Jointe par « L’Opinion », une source proche du laboratoire Gigalab, qui commercialise les tests rapides sous le numéro de référence « COV04S », nous a confirmé que ces dispositifs sont autorisés par le ministère de la Santé qui leur a accordé un certificat d’enregistrement, datant du 3 juin 2021.
En effet, certes, le kit de dépistage salivaire est formellement enregistré chez le ministère de la Santé, toutefois, selon notre source ministérielle, il faut faire la différence entre enregistrement du produit et autorisation de sa commercialisation. C’est là l’origine du malentendu.
« Le produit est enregistré sous un numéro d’enregistrement mais pas encore autorisé à être commercialisé, puisqu’il faut définir le circuit de vente de ce produit afin de garantir que les cas Covid positifs seront pris en charge immédiatement par le test PCR », nous explique notre interlocuteur, toujours sous le manteau. Ceci dit, le ministère juge nécessaire d’attendre la définition du circuit de commercialisation des kits de dépistage rapide avant qu’ils soient mis en vente.
À la question de savoir si l’interdiction concernait uniquement les pharmaciens, notre source répond que la commercialisation de ces tests devrait être entièrement réétudiée, ce qui pourrait toucher également Gigalab. Pour comprendre comment tout cela a commencé, faisons un flashback : le retrait des tests rapides est dû à « certaines réclamations ».
C’est la corporation des biologistes qui en serait à l’origine. Dans une correspondance adressée à la Direction du Médicament et de la Pharmacie, la Chambre syndicale des biologistes a dénoncé la vente des tests salivaires rapides dans les officines, arguant que les pharmaciens ne sont pas habilités à le faire, et ce, en vertu de l’arrêt N° 1131-13 relatif à la loi 12-01.
« Les tests rapides salivaires Covid-19 ne sont pas autorisés dans le privé, où tout examen réalisé dans le cadre du Covid est soumis à une autorisation ministérielle préalable, à la base d’un cahier des charges avec la RT-PCR comme seul examen autorisé », lit-on dans la lettre. Ceci dit, les biologistes prétextent que les tests PCR sont les seuls moyens de dépistage admis jusqu’à présent.
L’arrêt allégué date de 2013 et est signé par l’ex-ministre Houcine El Ouardi. Il stipule, dans son article premier, que la liste des analyses d’orientation clinique pouvant être pratiquées par les pharmaciens d’officine, et prévues par l’article 57 de la loi n° 12-01, se limite aux prélèvements urinaires, à savoir la recherche de glucose, de corps cétoniques et des protéines dans les urines par bandelette réactive.
En colère, les pharmaciens exigent des éclaircissements
Le retrait des tests des officines a irrité les apothicaires qui ne comprennent pas les raisons d’une décision qu’ils trouvent incompréhensible et subite, sachant qu’ils avaient l’habitude de vendre les tests rapides aux consommateurs, en plus des tests de grossesse.
Contacté par nos soins, le président de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, Mohamed Lahbabi, nous a fait part de sa sidération devant cette décision. «Nous ne comprenons pas la démarche du ministère qui concerne des tests qui sont des réactifs d’usage invitro, et sont normalement dispensés en pharmacie », a-t-il éclairci, ajoutant qu’un lot de tests salivaires de Gigalab a commencé à être commercialisé après enregistrement, avant qu’ils soient retirés.
Donc, le problème, selon M. Lahbabi, est l’absence d’un cahier de charges bien défini qui régule le circuit de commercialisation et l’usage des tests pendant cette phase. « En ces circonstances exceptionnelles, il fallait définir un cahier de charges avant de songer à accorder un certificat d’enregistrement aux tests en question », a-t-il repris.
À quoi ressemble ce cahier de charges, que le ministère est en train d’élaborer, d’après ce qui nous est parvenu ? Personne ne sait, mais comme il s’agit d’une pandémie et que la transparence est obligatoire, il est question de mettre en place les moyens adéquats à cet effet, pour permettre de dépister un maximum de cas et fixer le mode d’usage.
A cet égard, « il est à rappeler que les tests rapides ont été fabriqués à la base pour permettre leur manipulation et utilisation par n’importe qui, y compris le patient lui-même, et j’ajoute qu’en Europe ces tests sont dispensés dans les toutes les officines », nous explique M. Lahbabi.
Pour sa part, Amine Bouzoubaa, Secrétaire général de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, ne cache pas son agacement, estimant que le retrait des tests n’a aucun appui légal. M. Bouzoubaa évoque la loi 84.12 qui régit la commercialisation des dispositifs médicaux, qui stipule «la mise en marché d’un DM et qui est subordonnée à l’obtention préalable d’un certificat d’enregistrement délivré par l’administration après consultation de la commission nationale consultative des DM».
En effet, en dépit de ce débat juridique qui oppose des plaidoiries différentes, l’enjeu est mercantile. Etant seuls habilités à faire des tests PCR, les laboratoires se trouvent face au risque de perdre une part de marché importante si les pharmaciens vendent les autotests antigéniques, dont le prix est de 100 dhs, ce qui est largement inférieur au PCR qui coûte plus de 700 dhs. Le ministère de la Santé joue le rôle d’arbitre entre pharmaciens et biologistes, seule la sortie d’un cahier de charges peut résoudre un malentendu qui plus il dure, plus il crée de la polémique.
Anass MACHLOUKH
Intégrer les pharmacies dans l’effort national de dépistage
Du point de vue de M. Bouzoubaa, il faut associer les pharmaciens dans la stratégie nationale de dépistage, par la voie des tests rapides. « Cette approche nous permettra de profiter des pharmacies qui constituent des établissements sanitaires de proximité et qui épaulent le système de santé du pays », a-t-il argué, ajoutant que ces tests rapides permettent aux utilisateurs révélés positifs de prendre les mesures sanitaires de protection anti-Covid et de suivre les démarches thérapeutiques nécessaires. En effet, les tests salivaires rapides sont faciles à utiliser, selon Amine Bouzoubaa, qui rappelle que ces dispositifs sont utilisables par le citoyen et sont pareils dans leurs conceptions aux tests de glycémie, de grossesse, etc.