Le déplacement de Macky Sall, président du Sénégal et président en exercice de l’Union africaine (UA), en Union Soviétique, en pleine guerre avec l’Ukraine, a remis au goût du jour la perspective de la famine qui plane sur un certain nombre de pays africains.
Quand on sait que les deux pays en conflit constituent, à eux seuls, les gros exportateurs de céréales vers le continent. Idem pour les fertilisants. L’inquiétude est grande et avérée.
Dans la Corne de l’Afrique, le Groupe de travail sur la sécurité alimentaire et la nutrition (FSNWG) estime que 16,7 millions de personnes sont actuellement confrontées à une insécurité alimentaire aiguë élevée (phase 3+ de l’IPC, Integrated Phase Classification ou Classification de phase intégrée). Selon l’ONU, ce chiffre pourrait passer à 20 millions de personnes d’ici septembre prochain.
En Somalie, les analyses effectuées en avril dernier, ont révélé une menace de famine (phase 5 du CPI et indiqué que plus de 80.000 personnes souffraient d’une faim extrême, signe de catastrophe (phase 5 du CPI). Dans un autre rapport des Agences alimentaires, près de 17,8 millions de personnes en Ethiopie, au Kenya et en Somalie ont actuellement besoin d’une aide alimentaire d’urgence pour éviter la malnutrition aiguë.
L’ONU rapporte, à ce sujet, que la période de sécheresse prolongée associée à l’invasion de criquets pèlerins, aux perturbations liées à la pandémie de Covid-19, aux troubles civils et à la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant liée à la crise ukrainienne, ont aggravé l’insécurité alimentaire dans la région. A cette situation, il faut ajouter la politique agricole des Etats. Une politique agricole tournée vers l’export au détriment de la production des produits de première nécessité, laissant en rade le fameux slogan « produisons local, consommons local ».
Résultat : cela a créé une dépendance totale. Sur ce volet, le président sénégalais a été on ne peut plus clair : « si les engrais n’arrivent pas alors que c’est l’hivernage dans la plupart des pays africains, il n’y aura pas de récolte. Déjà qu’il y a des difficultés d’approvisionnement en blé, si en plus les céréales locales ne sont pas produites, on sera dans une situation de famine très sérieuse, qui pourrait déstabiliser le continent ».
Conjuguer plus d’efforts
Parlant de l’engrais, selon Macky Sall, l’Afrique est à 17 kilogrammes par hectare alors qu’en Europe, on est à 100 kilogrammes d’engrais par hectare. Pour le cas présent qu’est le blé, dont les Africains sont devenus friands, la situation est encore préoccupante. Plantons le décor : le marché de l’exportation de blé, selon les données de 2020, est dominé par huit acteurs, les trois premiers étant la Russie, les États-Unis et le Canada. Devant la France et l’Ukraine, puis l’Australie, l’Argentine et l’Allemagne. La Russie et l’Ukraine représentent ensemble 35% des exportations mondiales de blé.
Dans ce cadre, vingt-six pays, tous continents confondus, dépendent à plus de 55% de la Russie et de l’Ukraine pour leur approvisionnement en blé, révèle Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi de l’Afrique de l’Ouest. Dans son analyse, l’Érythrée est le seul pays africain dépendant à 100% des importations du blé russe ou ukrainien. Deux pays dépendent à 90% du blé russe ou ukrainien, la Somalie et les Seychelles.
Par ailleurs, pour quatre autres pays africains, la République démocratique du Congo, l’Égypte, Madagascar et le Bénin, le taux de dépendance du blé russe ou ukrainien est compris entre 75% et 85%. Au total, ce sont 16 pays africains regroupant 374 millions d’habitants, soit près de 40% de la population africaine, qui dépendent à 56% et plus du blé russe et ukrainien. Trois pays africains sont de gros importateurs de blé, mais ont su diversifier la source de leurs importations et font aussi des efforts appréciables pour développer leur production locale.
Concernant les terres arables, il est bon de rappeler que dans le « monopoly foncier », l’Afrique subsaharienne occupe une place de choix. Les grandes opérations d’achat de terres et de concentration foncière s’étendent aujourd’hui tout particulièrement dans cette région. Sur près de 1360 opérations portant sur 50 millions d’hectares recueillies dernièrement par le Land Matrix Partnership, qui diffuse les informations ayant fait l’objet d’annonces officielles et de vérifications, la moitié, soit 25 millions d’hectares, concernait l’Afrique subsaharienne.
Moindre politique publique
Il convient de noter toutefois que les informations sur la réalité de ces transactions foncières de grande ampleur sont souvent difficiles à obtenir en raison de leur relative opacité et que par ailleurs il y a une différence, de l’ordre de 3 à 1, entre les projets annoncés et les mises en exploitation effectives. Cette cartographie montre, à bien des égards, que l’Afrique doit s’investir davantage dans l’agriculture en modernisant son outil agricole revoir sa pratique agricole mais aussi et surtout de changer de mode de consommation.
En effet, si la diversification des fournisseurs est à encourager, en matière de blé, la réponse structurelle réside dans la hausse de la production locale du blé là où les conditions climatiques le permettent et surtout dans la substitution du blé par la large palette de céréales et même de tubercules utilisables dans la fabrication de farine à pain.
Certes, depuis des années, des entrepreneurs courageux innovent et proposent du pain composé au moins en partie de diverses céréales locales, sans bénéficier de la moindre politique publique de soutien. L’enjeu, c’est de passer d’un marché de niche à une production à grande échelle et cela ne peut passer que par des politiques publiques, notamment agro-industrielles qui en font un objectif stratégique pour les économies nationales, comme le souligne Gilles Yabi.
Quand on sait que les deux pays en conflit constituent, à eux seuls, les gros exportateurs de céréales vers le continent. Idem pour les fertilisants. L’inquiétude est grande et avérée.
Dans la Corne de l’Afrique, le Groupe de travail sur la sécurité alimentaire et la nutrition (FSNWG) estime que 16,7 millions de personnes sont actuellement confrontées à une insécurité alimentaire aiguë élevée (phase 3+ de l’IPC, Integrated Phase Classification ou Classification de phase intégrée). Selon l’ONU, ce chiffre pourrait passer à 20 millions de personnes d’ici septembre prochain.
En Somalie, les analyses effectuées en avril dernier, ont révélé une menace de famine (phase 5 du CPI et indiqué que plus de 80.000 personnes souffraient d’une faim extrême, signe de catastrophe (phase 5 du CPI). Dans un autre rapport des Agences alimentaires, près de 17,8 millions de personnes en Ethiopie, au Kenya et en Somalie ont actuellement besoin d’une aide alimentaire d’urgence pour éviter la malnutrition aiguë.
L’ONU rapporte, à ce sujet, que la période de sécheresse prolongée associée à l’invasion de criquets pèlerins, aux perturbations liées à la pandémie de Covid-19, aux troubles civils et à la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant liée à la crise ukrainienne, ont aggravé l’insécurité alimentaire dans la région. A cette situation, il faut ajouter la politique agricole des Etats. Une politique agricole tournée vers l’export au détriment de la production des produits de première nécessité, laissant en rade le fameux slogan « produisons local, consommons local ».
Résultat : cela a créé une dépendance totale. Sur ce volet, le président sénégalais a été on ne peut plus clair : « si les engrais n’arrivent pas alors que c’est l’hivernage dans la plupart des pays africains, il n’y aura pas de récolte. Déjà qu’il y a des difficultés d’approvisionnement en blé, si en plus les céréales locales ne sont pas produites, on sera dans une situation de famine très sérieuse, qui pourrait déstabiliser le continent ».
Conjuguer plus d’efforts
Parlant de l’engrais, selon Macky Sall, l’Afrique est à 17 kilogrammes par hectare alors qu’en Europe, on est à 100 kilogrammes d’engrais par hectare. Pour le cas présent qu’est le blé, dont les Africains sont devenus friands, la situation est encore préoccupante. Plantons le décor : le marché de l’exportation de blé, selon les données de 2020, est dominé par huit acteurs, les trois premiers étant la Russie, les États-Unis et le Canada. Devant la France et l’Ukraine, puis l’Australie, l’Argentine et l’Allemagne. La Russie et l’Ukraine représentent ensemble 35% des exportations mondiales de blé.
Dans ce cadre, vingt-six pays, tous continents confondus, dépendent à plus de 55% de la Russie et de l’Ukraine pour leur approvisionnement en blé, révèle Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi de l’Afrique de l’Ouest. Dans son analyse, l’Érythrée est le seul pays africain dépendant à 100% des importations du blé russe ou ukrainien. Deux pays dépendent à 90% du blé russe ou ukrainien, la Somalie et les Seychelles.
Par ailleurs, pour quatre autres pays africains, la République démocratique du Congo, l’Égypte, Madagascar et le Bénin, le taux de dépendance du blé russe ou ukrainien est compris entre 75% et 85%. Au total, ce sont 16 pays africains regroupant 374 millions d’habitants, soit près de 40% de la population africaine, qui dépendent à 56% et plus du blé russe et ukrainien. Trois pays africains sont de gros importateurs de blé, mais ont su diversifier la source de leurs importations et font aussi des efforts appréciables pour développer leur production locale.
Concernant les terres arables, il est bon de rappeler que dans le « monopoly foncier », l’Afrique subsaharienne occupe une place de choix. Les grandes opérations d’achat de terres et de concentration foncière s’étendent aujourd’hui tout particulièrement dans cette région. Sur près de 1360 opérations portant sur 50 millions d’hectares recueillies dernièrement par le Land Matrix Partnership, qui diffuse les informations ayant fait l’objet d’annonces officielles et de vérifications, la moitié, soit 25 millions d’hectares, concernait l’Afrique subsaharienne.
Moindre politique publique
Il convient de noter toutefois que les informations sur la réalité de ces transactions foncières de grande ampleur sont souvent difficiles à obtenir en raison de leur relative opacité et que par ailleurs il y a une différence, de l’ordre de 3 à 1, entre les projets annoncés et les mises en exploitation effectives. Cette cartographie montre, à bien des égards, que l’Afrique doit s’investir davantage dans l’agriculture en modernisant son outil agricole revoir sa pratique agricole mais aussi et surtout de changer de mode de consommation.
En effet, si la diversification des fournisseurs est à encourager, en matière de blé, la réponse structurelle réside dans la hausse de la production locale du blé là où les conditions climatiques le permettent et surtout dans la substitution du blé par la large palette de céréales et même de tubercules utilisables dans la fabrication de farine à pain.
Certes, depuis des années, des entrepreneurs courageux innovent et proposent du pain composé au moins en partie de diverses céréales locales, sans bénéficier de la moindre politique publique de soutien. L’enjeu, c’est de passer d’un marché de niche à une production à grande échelle et cela ne peut passer que par des politiques publiques, notamment agro-industrielles qui en font un objectif stratégique pour les économies nationales, comme le souligne Gilles Yabi.
Wolondouka SIDIBE