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Crise du Covid-19 : Quel impact socio-économique sur le Maroc et quelles solutions ?


Rédigé par A. CHANNAJE Mercredi 19 Août 2020

La crise sanitaire présente au Maroc un risque systémique créant des vulnérabilités, renforçant les inégalités et entravant la réalisation des ODD, soulignent le HCP, le Système des Nations Unies au Maroc et la Banque Mondiale



Crise du Covid-19 : Quel impact socio-économique sur le Maroc et quelles solutions ?
Le HCP, le SNU au Maroc et la Banque Mondiale ont publié lundi une note stratégique relative à l’impact socio-économique de la pandémie de la Covid-19 au Maroc. Il en ressort, en premier lieu, que l’économie nationale est d’ores et déjà affectée par l’effondrement économique global, qui touche notamment l’Europe, principal partenaire commercial du Royaume.

En effet, selon le HCP, la croissance économique n’a pas dépassé 0,1% au premier trimestre 2020. Cette faible croissance est due à deux facteurs : accentuation de la baisse de la valeur ajoutée agricole à -5%, et ralentissement de l’industrie et des services marchands. Sous confinement strict de la population pendant près de 10 semaines sur 13, l’économie a été confrontée, au 2ème trimestre 2020, à une baisse de la demande intérieure. La consommation des ménages, en volume, se serait repliée de 6,7%. Cette baisse aurait, particulièrement, concerné les dépenses des ménages en biens manufacturés, notamment celles de l’habillement et d’équipement ainsi que celles du transport, de la restauration et des loisirs.  

La demande extérieure aurait reculé, elle-aussi, entraînant une baisse de 25,1% du volume des exportations. Les importations se seraient, pour leur part, infléchies de 26,7%, impactées par le recul des achats des biens d’équipement, des produits énergétiques, des biens de consommation, des produits bruts et des demi-produits. 

Par branche d’activité, la note stratégique souligne la baisse de la valeur ajoutée à -6,1% au 2ème trimestre 2020, dans l’agriculture, sous l’effet de la sécheresse. 

Le secteur tertiaire aurait, lui-aussi, régressé de 11,5%, pâtissant de la contraction des activités commerciales, de transport, d’hébergement et de restauration. 

Autre secteur frappé de plein fouet par la pandémie est le secteur secondaire. Les valeurs ajoutées de la construction, de l’électricité, du textile et des industries électriques et mécaniques auraient sensiblement diminué. Cette situation aurait particulièrement pénalisé les activités des TPME (Très Petites et Moyennes Entreprises). 

En revanche, les entreprises opérant dans les mines, l’agroalimentaire et les industries chimiques auraient mieux résisté face aux effets de la pandémie. En somme, l’économie marocaine devrait connaître une récession en 2020, la première depuis plus de deux décennies, sous l’effet conjugué de la sécheresse et de la pandémie. 

Selon le HCP, le PIB connaîtrait une contraction de 5,8% qui serait accompagnée par un creusement du déficit budgétaire à 7,4% du PIB. Le déficit courant devrait également s’aggraver, pour atteindre 6,9% du PIB.

Le retour de la croissance vers son sentier d’évolution s’opérerait progressivement à partir de 2021, avec une hausse prévue du PIB de 4,4% par rapport à 2020. 

Même la BM estime que l’économie marocaine subirait le double impact des chocs économiques intérieurs et extérieurs. Elle prévoit, pour 2020, une baisse du PIB réel de 4%, et un creusement du déficit budgétaire global à 7,5 % du PIB. 

Les travailleurs du secteur informel frappés de plein fouet

Les nouvelles estimations de la Banque Mondiale, basées sur le revenu par habitant, indiquent, en outre, que l’incidence de la pauvreté pourrait atteindre 6.6% en 2020. En raison de la crise socio-économique déclenchée par la Covid-19, la proportion de personnes « vulnérables à la pauvreté » et/ou « pauvres » pourrait passer de 17,1% de la population en 2019 à environ 19.87% en 2020, soit 1,058 million de personnes additionnelles.

L’impact socio-économique de la crise sera sans doute ressenti en premier lieu et durement par les travailleurs du secteur informel qui représentent une grande majorité des Marocains actifs et populations étrangères (migrants, réfugiés), et qui sont généralement employés dans des secteurs particulièrement vulnérables à la crise, comme le secteur du tourisme ou des transports, et la vente au détail…

Ceci dit, la Covid-19 présente un risque systémique créant des vulnérabilités, renforçant les inégalités et entravant la réalisation des ODD (Objectifs du Développement Durable). Le Maroc devra alors agir rapidement et de manière intégrée pour mesurer et répondre à l’ampleur des changements dans la vie des individus et dans plusieurs secteurs de son économie, tout particulièrement le secteur informel.

Les cinq recommandations

Cinq recommandations sont proposées alors au Maroc. La première consiste à élaborer un nouveau modèle d’équilibre économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD et appuyé par un suivi des indicateurs déjà disponibles.

Cette recommandation implique de soutenir l’analyse d’impact de la crise sur les différents secteurs, l’appui à la planification de la réponse économique et sociale, ainsi que la gestion des ressources. 

Pour la seconde recommandation, il s’agit d’innover dans la collecte et l’analyse des données contextualisées afin de ne laisser personne pour compte.

Quant à la 3ème suggestion, il faut voir la crise comme une opportunité de renforcer la régionalisation avancée et valoriser le rôle de la société civile, qui est souvent en première ligne, notamment pour collecter les informations sur le terrain auprès des populations vulnérables et participer ainsi à une réponse nationale coordonnée, notamment entre les autorités locales (Conseils élus localement), les représentants de l’autorité centrale au niveau territorial.

Il est, par ailleurs, recommandé d’accorder une attention particulière à la pauvreté multidimensionnelle, même s’il faudra attendre une collecte de données plus précises afin de formuler une analyse approfondie à ce sujet. Il s’agit notamment de planifier une réponse adaptée aux segments de la population les plus durement touchés par la crise, et donc les plus vulnérables à basculer dans la pauvreté. Il s’agit des salariés des PME, des travailleurs indépendants, des travailleurs agricoles et des journaliers. Enfin, pour la 5ème recommandation, il faut investir dans la continuité des services publics de santé, d’éducation et d’administration durant et après la crise. 
A. CHANNAJE

Repères

Vulnérabilité
La vulnérabilité à la pauvreté, telle que conceptualisée par la Banque Mondiale, mesure le risque pour un individu de basculer dans la pauvreté, si les filets de sécurité ne lui permettent pas de faire face à des chocs économiques et sociaux ou à des situations très défavorables. La vulnérabilité renseigne sur la pauvreté potentielle et fournit un éclairage pour un ciblage plus efficace des programmes de développement social. La méthode de mesure de la « vulnérabilité à la pauvreté » consiste à estimer la part de la population dont le niveau de consommation par tête se situe dans une fourchette comprise entre le seuil de pauvreté et une fois et demie ce seuil.
Travailleurs informels 
Comme déjà expliqué, les travailleurs informels sont plus vulnérables à l’appauvrissement et aux maladies, ne bénéficiant pas des filets de sécurité sociale et des systèmes de soutien nécessaires s’ils perdent leurs moyens de subsistance. Il convient alors, selon les auteurs de cette note stratégique, d’examiner les impacts de la crise sur le chômage, le sous-emploi, la pauvreté au travail, mais aussi l’impact différencié sur les groupes vulnérables comme les travailleurs indépendants, les travailleurs non-protégés et les personnes occupant des formes d’emploi atypiques, urbains et ruraux, notamment les jeunes et les femmes. Des méthodologies de communication spécifiques devraient continuer à être appliquées au-delà du confinement pour atteindre les plus vulnérables par les canaux les plus susceptibles de transmettre des mises à jour sur la situation et sur les mesures prises par le gouvernement pour la sécurité publique, la continuité éducative et l’accès aux soins.








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