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Défense nationale : Nouvelles orientations pour relever les défis du 21ème siècle


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 17 Mai 2022

Confrontées aux nouveaux défis géostratégiques, les FAR s’y préparent par une nouvelle vision organisationnelle, basée sur la valorisation des ressources humaines, la modernisation des équipements, la souveraineté industrielle et la coopération internationale. Détails.



Le 14 mai, le Maroc a célébré le soixante-sixième anniversaire de la création des Forces Armées Royales. Au-delà des festivités, cette célébration a été l’occasion de définir les grandes orientations qui déterminent la stratégie de l’Armée royale dans les années à venir.

L’Ordre du Jour adressé par SM le Roi Mohammed VI à l’ensemble des officiers, sous-officiers et militaires de rang a tracé une ligne directrice pour toutes les composantes des Forces armées, cette institution en permanente adaptation aux enjeux géostratégiques du 21ème siècle. Il va sans dire que les éléments des Forces Armées Royales sont vitaux pour la défense des frontières nationales, notamment dans les provinces du Sud où une partie importante des effectifs est placée. Les ressources humaines sont au coeur de la nouvelle vision d’organisation des FAR. Dans l’Ordre du Jour, le Souverain a annoncé la création d’un nouveau Statut des sous-officiers de l’Armée.

Sur Hautes instructions royales, une haute commission militaire sera mise en place afin d’examiner le projet de création du nouveau statut, qui définit le cadre juridique et organisationnel, ainsi que la gestion du parcours professionnel, selon une vision moderne et globale pour cette catégorie que le Souverain considère comme “l’un des piliers des Forces Armées Royales”.

Gratuité du logement pour les sous-officiers

En vertu de ce nouveau statut, les sous-officiers des Forces Armées Royales auront droit à de nouveaux avantages sociaux. Cette catégorie de militaires va pouvoir, par exemple, bénéficier de la gratuité du logement. “Nous avons donné Nos Ordres afin de permettre à cette catégorie de bénéficier de logements dans les villes du Royaume, gratuitement et sans frais supplémentaires, afin de leur garantir et à leurs familles des conditions de vie décentes”, a souligné le Souverain. Il s’agit là d’une rétribution des efforts de cette catégorie de militaires, qui ont consenti d’énormes sacrifices pour la défense de la Patrie et de son intégrité territoriale.

Le corps des sous-officiers, rappelons-le, est d’une importance vitale sur le plan militaire vu la sensibilité des missions qui lui sont confiées sur le terrain en termes de coordination des opérations et d’exécution des stratégies militaires. La guerre en Ukraine a montré combien il est indispensable d’avoir un corps de sous-officiers efficace et bien entretenu.

En outre, cet intérêt porté pour le Capital humain se manifeste également dans la volonté de renforcer la formation dans le cadre du service militaire, qui a été suspendue pendant la crise sanitaire avant de reprendre officiellement en octobre 2021. Cette année, le nombre des conscrits devrait augmenter par rapport aux années précédentes, puisque la nouvelle promotion compte 20.000 personnes appelées.

En s’adressant aux militaires, le Souverain a appelé à continuer à appuyer cette expérience à travers “le développement des programmes, la modernisation des infrastructures et la mise à disposition des moyens matériels et humains”.

Modernisation des capacités de combat

En plus de la valorisation humaine, la nouvelle approche organisationnelle des FAR s’adapte également au contexte régional et international mouvementé, et ce, par le renforcement des capacités de défense.

A cet égard, la modernisation des équipements s’impose. Il s’agit d’un chantier dans lequel se sont engagées les FAR depuis des années et qui se poursuit jusqu’à présent. Ceci a abouti à des avancées remarquables telles que la modernisation de la flotte maritime depuis 2007 suite à l’acquisition des fameux chasseurs américains F-16, dont la version “upgraded” Viper sera livrée d’ici quelques années.

Le Maroc a mis le paquet également sur les drones, l’un des dispositifs sophistiqués les plus efficaces. Ce choix stratégique s’est manifesté par l’acquisition des drones turcs “Bayrakdar” qui ont fait leur preuve aussi bien dans le conflit ukrainien que celui du Haut Karabakh. L’appétence du Royaume pour cette nouvelle technologie, rappelons-le, est de plus en plus manifeste ces derniers temps. Le Maroc a passé plusieurs commandes, dont celle des drones américains “Sea Guadian”, dont la date de livraison n’a pas été annoncée.

En plus de la flotte aérienne, le Maroc s’emploie, depuis les deux dernières décennies, à moderniser également sa flotte maritime pour rattraper son retard dans ce domaine. Jusqu’à présent, la flotte de la Marine Royale compte près de 32 navires, dont la fameuse frégate multifonctions “Tarik Ibn Ziyad”, deux navires d’assaut et d’autres patrouilleurs, selon les données de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques.

Cap vers l’Est

Au moment où le contexte régional est perturbé, le Maroc opte pour la vigilance. Les FAR ont créé une nouvelle région militaire à l’Est du pays, aux frontières avec l’Algérie, qui s’ajoute à celles du Sud et du Nord. Une région importante sur le plan stratégique. Nizar Derdabi, analyste en Stratégie internationale, en Défense et Sécurité, nous en parle.



Anass MACHLOUKH

Repères

Souveraineté industrielle : priorité absolue
A l’instar de plusieurs pays émergents, le Maroc a l’ambition de développer sa propre industrie militaire. Dans le cadre de la volonté royale de renforcer et perfectionner l’équipement des FAR, l’industrie nationale est au centre de cette ambition. La base juridique est propice à l’émergence d’une industrie nationale après l’entrée en vigueur de la loi n° 10-20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions. Dans ce sillage, le Maroc s’est associé à des pays comme les Etats-Unis, Israël et l’Arabie Saoudite qui s’est engagée à apporter son soutien financier à ce chantier.
 
Royaume-Uni : futur partenaire de premier plan ?
Cela fait des années que le Royaume-Uni manifeste de plus en plus d’intérêt pour le Maroc, auquel il est lié, depuis le Brexit, par un partenariat économique prometteur. Ceci vaut également pour le domaine de la défense. Londres aspire à approfondir sa coopération militaire avec Rabat, comme nous l’avait indiqué Martin Elliot Sampson, Haut-conseiller britannique à la Défense pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et maréchal de l’air de l’Armée britannique. Le militaire britannique n’a pas exclu que son pays devienne un fournisseur du Maroc. Rappelons ici que les Etats-Unis demeurent le principal fournisseur d’armes au Royaume en accaparant la majeure partie de ses contrats.

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Multilatéralisme militaire


La coopération internationale ou le rayonnement des FAR

“Nous avons prôné le renforcement de la coopération entre Nos Forces Armées Royales et leurs homologues des pays frères et amis, un choix qui a donné des résultats louables et participé à la consolidation du rayonnement de Notre armée et de sa présence à l’international”, a affirmé le Souverain aux militaires. Le Maroc renouvelle ainsi sa volonté de s’ancrer davantage dans le multilatéralisme militaire, dont l’exercice African Lion, qui aura lieu en juin prochain, est la plus claire incarnation.

Cet exercice, le plus grand en Afrique, est prévu du 20 juin au 1er juillet prochain, et se déroulera selon le programme fixé par les autorités marocaines et américaines lors de la réunion de planification finale. En ce qui concerne les exercices purement militaires, comme à l’accoutumée, l’édition de cette année comprendra des exercices terrestres, aéroportés, aériens et maritimes.

Selon la revue des FAR, les exercices de décontamination nucléaire, radiologique, biologique et chimique sont à l’ordre du jour. Rappelons que le Maroc a intensifié, ces dernières années, sa participation aux exercices conjoints tels que ceux menés avec la France, le Pakistan, le Royaume-Uni et l’OTAN.
 

Maintien de la Paix


Création d’un Centre en collaboration avec l’ONU

Disposant d’une longue expérience en matière de participation aux missions de maintien de la paix, le Maroc abritera bientôt un Centre marocain pluridisciplinaire de maintien de la paix, comme l’a annoncé le Souverain dans l’Ordre du Jour adressé aux militaires. Ce centre aura pour mission de former et de soutenir les compétences nationales et étrangères, notamment sur le continent africain. Ceci se fera en partenariat avec les Nations Unies et des pays partenaires.

Dans l’Ordre du Jour adressé aux militaires, SM le Roi s’est félicité du degré d’implication du Royaume dans les efforts onusiens de maintien de la paix. «Grâce à l’expérience accumulée par les Forces Armées Royales, le Maroc est devenu aujourd’hui un partenaire agissant et fiable dans les opérations de maintien de la paix, à travers la participation de nos unités par divers contingents et par nos cadres militaires au sein des structures des organismes onusiens», a indiqué le Souverain.

Il convient de rappeler que le Maroc a déployé plus de 74.000 Casques bleus marocains dans le cadre de 14 missions de maintien de la paix de 1960 à 2020. Les contingents marocains sont déployés dans la MONUSCO à hauteur de 7 officiers d’état-major, tandis que 1361 militaires sont dépêchés dans la MINUSCA (11 officiers d’état-major, 750 militaires MINUSS). Ces chiffres, rappelons-le, proviennent de l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix.
 

Trois questions à Nizar Derdabi


“La région militaire de l’ Est permettra une grande liberté d’action en cas de conflit armé”
 

Nizar Derdabi, Analyste en stratégie internationale, défense et sécurité, a répondu à nos questions sur l’importance stratégique de la nouvelle région militaire de l’Est.


- Le Maroc a créé une région militaire à l’Est, s’agit-il d’une continuité stratégique ?

- En effet, la montée en puissance du dispositif des FAR sur la frontière algérienne s’est réalisée progressivement par l’installation d’unités des forces armées dans la zone Est au niveau des principales villes (Errachidia, Ouarzazate, Oujda, Bouarfa, Zagoura…). Les nouvelles unités implantées, qui relèvent principalement des « armes de mêlée » (infanterie, artillerie, arme blindée), constituent le fer de lance de la force déployée pour contrer toute offensive venant du voisin de l’Est.


- Pourquoi le Maroc a jugé nécessaire de créer une nouvelle région militaire à l’Est alors que la menace algérienne a toujours existé ?


- Cette stratégie de renforcement des capacités de défense a été dictée par le contexte politique régional qui a vu le régime algérien à l’origine d’une escalade de tensions en réaction aux succès diplomatiques réalisés par le Maroc dans le dossier du Sahara.

Ces tensions ont d’ailleurs connu leur point d’orgue lorsque Alger a brandi la menace d’un conflit armé lors de la mort de camionneurs algériens dans la zone tampon. Ce renforcement est donc une riposte stratégique à l’hostilité affichée par le commandement militaire algérien qui concentre le matériel militaire le plus sophistiqué au niveau de la frontière maroco-algérienne.


- A quel point la région militaire de l’Est est-elle si importante sur le plan militaire ?


- La création d’une zone Est sous le commandement d’un chef de zone a, par ailleurs, beaucoup d’avantages sur le plan stratégique et opérationnel. En effet, disposant d’un Etat-major de zone et de Bureaux qui se chargent des dimensions logistiques, d’administration, de renseignement et de planification, ainsi que des missions de soutien, le Général Commandant la Zone bénéficie d’une autonomie qui lui permet, en cas de conflit armé, de bénéficier d’une grande liberté d’action dans sa zone de responsabilité.

Ce système, qui a d’ailleurs déjà fait ses preuves dans la Zone Sud, permet d’assurer une certaine homogénéité entre les différentes unités en cas de manoeuvre combinée. Les grandes unités de première ligne (Brigades d’Infanterie Mécanisées, Brigades Blindées) pourront manoeuvrer ensemble et bénéficier de l’appui des Groupes d’Artillerie Royale ou d’un appui aérien déclenché sur ordre du Commandant de Zone.


Propos recueillis par
Anass MACHLOUKH

 



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