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Ecole publique : l’éducation artistique enseignée sans artistes


Rédigé par Rachid TARIK Jeudi 24 Décembre 2020

Face à une actualité dynamique qui montre l’importance des arts plastiques dans la vie culturelle, qu’en est-il de l’enseignement de cette discipline dans le programme scolaire, au niveau du cycle primaire ?



Ecole publique : l’éducation artistique enseignée sans artistes
S’il faut bien reconnaître que des efforts ont été réalisés, en matière d’enseignement d’éducation artistique dans les écoles publiques, il n’en reste pas moins que cette discipline, qui libère l’imagination des élèves et surtout développe leurs aptitudes créatives, a du mal à trouver une vraie place au sein de l’enseignement public.

Selon des témoignages, l’enseignement de l’éducation artistique dominée largement par les arts plastiques est loin de répondre aux attentes des élèves, car ces cours sont dispensés par des enseignants en grande majorité non artistes.

Par ailleurs, le programme dans le primaire n’est pas souple, pour pouvoir enseigner cette activité artistique dans des conditions idéales. Tout enseignant est obligé de terminer son programme annuel exigé par l’Education nationale. « L’éducation artistique et surtout l’enseignement des arts plastiques qui débute dès le plus jeune âge scolaire est une discipline importante.

Cette matière est aussi utilisée dans les cours de mathématiques pour dessiner des formes géométriques ou colorer des lettres d’alphabet, lors des séances de langues. Les cours d’arts plastiques représentent un vrai plaisir pour les enseignants, car ils leur permettent de faire des découvertes telles que notamment l’art de la récup. Il s’agit pour eux de récupérer des morceaux de fils ou de bois pour les recycler à des fins artistiques. Pour que cette matière trouve sa vraie place, il est temps de réformer notre programme scolaire primaire, trop rigide et trop chargé pour les élèves. Il faut le remplacer par un enseignement allégé et attrayant», a déclaré Mustapha Lamouadene, enseignant en classe de 6ème dans une école à Sidi-Slimane.

D’autre part, il devient aussi nécessaire de sensibiliser les familles à l’importance de l’éducation artistique. « Souvent, à raison de trente minutes, le temps consacré à chaque séance d’éducation artistique, il est demandé aux élèves de terminer leurs travaux à la maison. Une fois chez eux, les parents les poussent à abandonner leur travail de dessin pour réaliser d’abord les devoirs ou apprendre par cœur les leçons», a ajouté M. Lamouadene.

Des conditions qui laissent à désirer
Autre constat et non des moindres : l’enseignement de l’éducation artistique dans les écoles publiques se fait dans des conditions non idéales. Les classes sont surchargées et ne sont pas conçues pour un vrai enseignement de cette discipline. Les cours doivent être dispensés en petits groupes pour qu’ils profitent à tous les élèves. De plus, il n’existe pas de classes spécialisées, équipées en matériel de dessin pour accueillir des cours d’art. Par exemple, le manque de chevalets pousse les élèves à réaliser leurs dessins directement sur leur table de travail. Il est à noter aussi que l’enseignement de l’éducation artistique est dominé par les arts plastiques et que les élèves ne peuvent opter pour d’autres disciplines de leur choix : danse, théâtre, musique, etc. Celles-ci ne sont pas présentes dans toutes les écoles publiques. Cela s’explique par le manque de moyens financiers et humains. 

Quelles solutions ?
« Face à cette situation, il faut former les jeunes artistes dans ces domaines artistiques pour les orienter vers l’enseignement public. Ajouter à cela la nécessité d’augmenter les postes budgétaires pour les ministères de l’Education nationale et de la Culture dans la loi de finances», ont indiqué des sources proches du ministère de la Culture. « C’est grâce à cela que nous pouvons former le goût à la culture chez les citoyens, afin de les inciter à aller au théâtre, au cinéma et aux musées. Il faut aussi que les acteurs intervenant dans l’éducation artistique se concertent pour travailler ensemble », ont ajouté nos sources. Comme le système d’enseignement public est incapable d’instituer l’éducation artistique à une grande échelle pour répondre à la demande des familles, des acteurs privés ou associatifs se sont positionnés sur ce secteur, pour proposer des ateliers artistiques (danse, théâtre, musique, etc.), mais leur prix n’est pas à la portée de toutes les familles.

Pour remédier à cette situation, l’association Symposium des jeunes à Rabat propose des ateliers d’arts plastiques à des prix abordables. Quant aux lauréats de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC), ils dispensent aussi des cours de théâtre dans un centre installé dans la Délégation de la Culture, au quartier Diour Jamaâ, dans la capitale. Toujours à Rabat, l’éducation artistique est aussi proposée aux couches sociales les plus défavorisées, notamment les femmes, par l’association « Théâtre Aquarium », installée au quartier Al Aqqari et dont l’objectif consiste, grâce au théâtre, à promouvoir l’égalité entre les sexes. 

Rachid TARIK

3 questions à Mohammed Najib Idrissi Kacemi

Mohammed Najib Idrissi Kacemi
Mohammed Najib Idrissi Kacemi
« Il faut instaurer un programme scolaire souple en concertation avec les enseignants et les inspecteurs pour répondre aux attentes des élèves »

Mohammed Najib Idrissi Kacemi, président fondateur de l’association Symposium des Jeunes, dont l’objectif est de participer à l’éducation artistique hors de l’école via deux types de cours : l’un pour des enfants et l’autre pour des adultes, répond à nos questions. 

- Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’enseignement de l’éducation artistique dans les écoles publiques ?
- L’école publique a un manque de pédagogie et de moyens au niveau de l’enseignement de l’éducation artistique. Les enseignants du public ne sont pas des artistes. Il faut le reconnaître, la grande majorité des enseignants ne pratiquent pas la peinture hors de la classe. Ils privilégient la théorie au détriment de la pratique, faute de vrais ateliers d’arts plastiques dans chaque établissement scolaire.

Par ailleurs, la fourniture de matériel (peinture, pinceaux, chevalet, etc.) leur fait défaut. Ajouter à ces difficultés l’inexistence pour les élèves d’un programme scolaire souple. Tout enseignant est obligé de terminer son programme annuel au mois de juin, comme l’exige le ministère de l’Education nationale.

- Quelles solutions proposez-vous pour que l’enseignement de l’éducation artistique réponde aux attentes des élèves ?
- Il faut instaurer un programme scolaire souple en concertation avec les enseignants et les inspecteurs pour répondre aux attentes des élèves. Il faut aussi que les équipements soient disponibles au moment de la séance d’éducation artistique, ainsi qu’une salle réservée uniquement à l’enseignement de cette matière. D’autre part, il est important d’associer un public extérieur en ouvrant les portes aux artistes et aux associations d’arts plastiques. Et cela concerne aussi les autres disciplines artistiques telles que notamment le théâtre, la danse et la musique.

- Votre association participe à la promotion de l’éducation artistique hors de l’école. Quelles sont vos actions sur le terrain ?
- Notre association propose deux sortes de cours : l’un pour les enfants et l’autre pour les adultes. Les cours pour enfants sont encadrés par un professeur d’arts plastiques et les séances réservées aux adultes sont dispensées par des artistes-peintres. Parmi les membres de notre association, il y a des artistes-peintres professionnels, des artistes amateurs et nos élèves. Tous les membres participent aux expositions collectives que nous organisons avec des galeries, des centres culturels étrangers, des instituts, des grandes écoles et des collectivités locales. Des fois, nous organisons des expositions en plein-air avec des associations régionales. C’est l’occasion pour les enfants de découvrir la peinture dans un atelier conçu spécialement pour eux. Nos cours qui sont abordables au niveau du prix sont dispensés chaque mercredi et samedi après-midi à la « Maison des jeunes Laymoune », quartier « Les Orangers » à Rabat. Mais aujourd’hui, en raison du Coronavirus, toutes les « Maisons des Jeunes » sont fermées depuis mars dernier.
Recueillis par R. T

Encadré

Post-Covid 19 : « ResiliArt », un mouvement mondial, lancé par l’UNESCO
Comme l’éducation artistique ne peut se faire sans les artistes et que ces derniers sont confrontés dans le monde entier à l’impact du Covid-19, il fallait s’organiser pour débattre de leur avenir et préparer celui des générations futures. C’est pour discuter de ces thèmes qu’a été lancé « ResiliArt », un mouvement mondial, créé par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), lors de la célébration de la Journée mondiale de l’art, le 15 avril 2020. Cet événement a été marqué par un débat en partenariat avec la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC). Jean-Michel Jarre, Yasmina Khadra, Deeyah Khan, Angélique Kidjo, Nina Obuljen-Koržinek et Luis Puenzo, artistes reconnus internationalement, ont participé à ce débat, suivi sur internet par des milliers de personnes à travers le Globe.

« ResiliArt a été créé pour débattre de l’impact considérable du Covid-19 sur le secteur culturel. Au 14 avril dernier, 128 pays ont fermé toutes leurs institutions culturelles, 32 pays les ont fermées partiellement, et l’industrie cinématographique mondiale a enregistré une perte de revenus de 7 milliards de dollars américains », ont indiqué les organisateurs. Les dégâts engendrés à toute la chaîne de valeur de la culture auront des répercussions durables sur l’économie créative. A cet effet, ResiliArt vise à faire de cet événement une occasion pour que la sensibilisation et le partage des informations continuent durant la période post-Covid 19.

Le premier débat de ResiliArt s’est intéressé aux questions urgentes « affectant les moyens de subsistance des professionnels de la culture et l’intégrité du secteur culturel, y compris les droits sociaux et économiques des artistes, la protection du droit d’auteur, la numérisation de contenus et la liberté d’expression. ResiliArt vise à placer ces questions en tête de l’agenda international », ont-ils ajouté.

Repères

Adeptes de l’art urbain
L’appel à projets exceptionnel du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France, lancé cette année dans un contexte Covid-19, vise à soutenir un secteur fragilisé par la crise sanitaire et à renforcer la cohésion sociale, tout en facilitant la mise en place d’actions artistiques en faveur des populations défavorisées.
Réinventer le monde
Selon l’UNESCO, « l’éducation artistique est une clé pour former des générations capables de réinventer le monde dont elles héritent ». Dans ce registre, l’organisation onusienne qui se fixe de promouvoir l’éducation artistique a organisé, en 2006 au Portugal, une conférence mondiale sur le thème «Développer les capacités créatrices pour le 21ème siècle » qui s’est achevée par l’adoption de la Feuille de route de Lisbonne. Ce rendez-vous international a été suivi par une deuxième conférence en Corée du Sud en 2010 et qui s’est achevée par l’adoption de « L’Agenda de Séoul : objectifs pour le développement de l’éducation artistique ». Enfin, l’UNESCO a proclamé la 4ème semaine du mois de mai «Semaine internationale de l’éducation artistique ». 








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