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Économie bleue : Larguer les amarres de l’industrie navale Made In Morocco [INTÉGRAL]


Rédigé par Souhail AMRABI Lundi 28 Octobre 2024

Remis en lumière par un récent rapport du CESE, le développement de l’industrie navale marocaine nécessite de faire confiance aux nouveaux acquis et capacités industrielles nationales.



Après l’industrie automobile, le Maroc mise sur l’industrie navale.
Après l’industrie automobile, le Maroc mise sur l’industrie navale.
Pêche, transport maritime, plaisance, recherche scientifique, défense, économie bleue, commerce international… Autant d’enjeux qui seront grandement impulsés si le Royaume parvient à booster son industrie navale, en reproduisant le même tour de force qui a permis de faire décoller l’industrie automobile nationale. Le sujet est récurrent depuis plusieurs années, mais jamais les spécialistes et les acteurs concernés n’ont autant entrevu une lumière au bout du tunnel que depuis la présentation, il y a quelques jours, du rapport annuel 2023 du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). Ce rapport dresse un constat pragmatique : malgré une situation géographique stratégique et des infrastructures portuaires prometteuses, le Maroc ne parvient toujours pas à exploiter pleinement le potentiel de son secteur maritime. La dépendance aux chantiers étrangers reste forte, et le rapport insiste sur la nécessité de moderniser la flotte nationale, de créer un écosystème maritime intégré, et d’investir dans la construction et la réparation navales.
 
Crédit maritime
 
Le CESE appelle également à améliorer la gouvernance du secteur et à développer des compétences locales. Aussi foisonnant que l’enjeu qu’il traite sur une bonne partie de ses pages, le rapport s’avère cependant comme une porte d’entrée vers un sujet bien plus complexe qui dépend de plusieurs facteurs exogènes, structurels, réglementaires et multisectoriels. Des dimensions qui ont été prospectées lors de la présentation officielle du CESE, qui a permis d’expliquer l’approche méthodologique et la substance du rapport, tout en évoquant des sujets connexes additionnels qui influent sur le secteur naval national. C’est le cas, par exemple, des enjeux liés au financement des porteurs de projets. « J’ai depuis plusieurs décennies plaidoyé pour la création d’un crédit maritime à l’image d’un crédit agricole. L’idée serait de demander à chaque banque de réserver 1 à 5% de ses dépôts pour encourager l’investissement d’acteurs locaux. La Caisse Centrale de Garantie pourrait également s’impliquer pour soutenir cette dynamique », estime Hassan Sentissi, pionnier de l’industrie navale au Maroc.

Y croire pour le voir
Faciliter l’accès au financement est ainsi une première étape fondamentale pour développer un nouveau fleuron naval. « Pour l’instant, investir dans l’industrie navale au Maroc est un véritable parcours du combattant. Mais si nous mettons en place les incitations et la volonté qu’il faut, nous pourrions en deux ou trois années commencer à produire localement une part de nos besoins en bateaux de toutes sortes, tout en créant une centaine de milliers d’emplois », souligne Hassan Sentissi, qui insiste également sur l’importance de croire aux capacités industrielles marocaines : « Les Marocains peuvent tout faire dès lors que les conditions adéquates sont réunies. Qui aurait cru, il y a quelques décennies, que notre pays deviendrait un leader de l’automobile et de l’aéronautique? Pourtant, nous y sommes parvenus et, aujourd’hui, il n’existe quasiment aucun avion qui n’est pas composé de pièces marocaines. Rien ne devrait nous empêcher de faire de même pour d’autres secteurs, notamment l’industrie navale, pour peu qu’on privilégie des acteurs qui sont marocains et qui sont spécialisés dans ce domaine ».

Fleuron national
 
Ce n’est donc pas un rêve inaccessible, mais bien un nouvel objectif industriel et stratégique que de vouloir développer une industrie navale moderne qui créée de l’emploi et qui joue le rôle de nouveau pilier de souveraineté économique et stratégique. Comme l’a rappelé SM le Roi Mohammed VI lors de Son discours du 6 novembre 2023, la constitution d’une flotte nationale de marine marchande est désormais indispensable pour sécuriser les routes commerciales et positionner le Maroc comme un hub logistique incontournable en Méditerranée et sur la façade atlantique africaine​. Un nouveau fleuron qui pourrait également contribuer à concrétiser la vision de l'Initiative Atlantique pour le Sahel, où le Maroc est appelé à mobiliser ses infrastructures pour connecter les pays enclavés à l’océan Atlantique et contribuer à la prospérité régionale. Tout est de savoir si les Marocains arriveront à reproduire le même élan qui a bénéficié au décollage de l’industrie automobile et aéronautique, en prouvant que le développement industriel national n’est pas un hasard, mais le fruit d’une volonté nationale et d’un travail collectif.
 

3 questions à Hassan Sentissi, pionnier de l’industrie navale marocaine « L’utilisation de technologies durables permettrait au Maroc de moderniser son industrie maritime tout en s'alignant sur les standards internationaux »

Président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche du Maroc, Hassan Sentissi répond à nos questions.
Président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche du Maroc, Hassan Sentissi répond à nos questions.
 
  • Quelles sont les conditions clé pour réussir le projet du chantier naval de Casablanca ?

- Il est essentiel d'adopter une vision stratégique cohérente, soutenue par des investissements ciblés dans les infrastructures. L'objectif n'est pas de copier des modèles existants, mais de créer une plateforme intégrée qui réponde aux besoins croissants en construction et réparation navale tout en optimisant la logistique. Casablanca, avec sa position géographique stratégique, est un emplacement idéal pour devenir un pôle maritime central. Le projet intègre la création de milliers d'emplois directs et indirects et des engagements en matière de normes environnementales, d’énergies renouvelables et de digitalisation des processus. Le soutien de l’État est également décisif, bien que certains ajustements réglementaires restent nécessaires. La formation de techniciens qualifiés, en collaboration avec des partenaires internationaux, est un autre pilier fondamental pour garantir le succès du projet.
 
  • Comment ce projet peut-il contribuer à la création d'emplois qualifiés et renforcer l'attractivité économique du Maroc ?

- Un écosystème de cette envergure mobilise plus de 50 corps de métier, offrant aux jeunes marocains l’opportunité de se former à des métiers techniques d’avenir et de participer à la résorption du chômage. Le développement de ce projet à Casablanca ferait du Maroc un hub maritime incontournable en Afrique, capable d’attirer des investissements internationaux et des partenaires industriels. Cette dynamique économique contribuerait également à diversifier les sources de croissance et à renforcer la souveraineté maritime du pays. L'innovation et l'emploi sont ainsi placés au cœur du modèle économique que ce projet entend promouvoir.
 
  • En quoi l'intégration des technologies propres est-elle un atout pour ce projet ?

- L’utilisation de technologies durables, telles que la propulsion par énergies renouvelables, permettrait au Maroc de moderniser son industrie maritime tout en s'alignant sur les standards internationaux. Cette démarche contribuerait à la réduction des émissions et à l’attraction d'investissements responsables. Le projet s'inscrit également dans une stratégie de transition écologique mondiale, en positionnant le Maroc comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique. In fine, je suis convaincu que nous avons la capacité de mobiliser les compétences locales, de tisser des partenariats solides et d’attirer les talents nécessaires pour transformer Casablanca en un véritable pôle maritime. Avec une vision claire, des formations spécialisées et le soutien de partenaires nationaux et internationaux, nous renforcerons la souveraineté maritime du Maroc et affirmerons notre place sur la scène mondiale, forts de la Vision et sous la Conduite éclairée de SM le Roi Mohamed VI, que Dieu l’Assiste.

Géopolitique : Un pavillon national pour regagner la souveraineté maritime

Dans un contexte où près de 90% des échanges mondiaux transitent par voie maritime, le contrôle des routes maritimes devient un enjeu stratégique majeur. Le Maroc, situé à la croisée de l’Atlantique et de la Méditerranée, bénéficie d’une position géographique privilégiée pour tirer parti de ces flux internationaux. Avec des infrastructures de premier plan comme Tanger Med, le plus grand port de la Méditerranée, et de nouveaux projets tels que Nador West et Dakhla Atlantique, le Royaume se positionne au cœur des grands axes commerciaux mondiaux. Dans ce cadre, le développement d’un pavillon national s’impose comme un levier essentiel pour renforcer la souveraineté maritime. Il ne s’agit pas seulement de sécuriser les routes commerciales et de protéger les ressources maritimes, mais aussi de consolider la position du Maroc sur la scène internationale. La vision Royale soutient cette ambition en insistant sur la nécessité d’inscrire le pays dans les dynamiques globales tout en préservant ses intérêts stratégiques. L’établissement d’un pavillon marocain favoriserait également l’autonomie économique, en posant les bases d’un écosystème maritime capable de développer une flotte sous pavillon national. Cela permettrait au Maroc de limiter sa dépendance aux infrastructures étrangères, tout en promouvant une industrie maritime compétitive et durable, conforme aux standards internationaux. Dans un monde en pleine mutation, cette stratégie maritime intégrée apparaît comme une priorité nationale, indispensable pour assurer le développement économique et la souveraineté du Royaume.

Enjeux : Des bateaux Made In Morocco pour concrétiser notre vocation maritime

La constitution d’un écosystème maritime local dédié à la réparation et à la construction navale permettrait au Maroc de renforcer sa souveraineté et de gagner en indépendance économique. Sur le plan politique, cet écosystème offrirait au Maroc la possibilité de gérer de manière autonome sa flotte, qu’elle soit marchande ou de pêche, tout en assurant une sécurité maritime accrue. En se positionnant comme un hub stratégique en Afrique et en Méditerranée, le Maroc consoliderait ainsi son influence diplomatique et économique dans la région. Sur le plan économique, cet écosystème apporterait des bénéfices considérables. Outre la création de milliers d’emplois qualifiés dans des domaines tels que l’ingénierie maritime, la gouvernance portuaire et la logistique, il renforcerait les compétences locales et réduirait notre dépendance aux chantiers navals étrangers. De plus, un pavillon national contribuerait à générer des gains en devises en assurant le fret et le transport des personnes sous pavillon marocain, ce qui renforcerait notre autonomie dans les échanges internationaux.









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