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Entretien avec rachid Guerraoui : «Une monnaie virtuelle offre clairement des bénéfices en termes de transparence et de lutte contre la corruption»


Rédigé par Hajar LEBABI Jeudi 29 Avril 2021

Alors que le Royaume explore une possible mise en place d’une monnaie virtuelle, Rachid Guerraoui, membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD), nous guide dans l’univers de la crypto-monnaie et nous explique son apport pour le Maroc.



Qu’est-ce qui définit une crypto-monnaie ?

- Une crypto-monnaie est définie par deux caractéristiques. D’une part, c’est une monnaie virtuelle, c’est à dire un moyen de paiement qui n’utilise ni pièces ni billets. D’autre part, c’est une monnaie qui ne passe pas par une banque centrale. Elle est typiquement mise en œuvre par les utilisateurs de la monnaie qui stockent dans leurs ordinateurs personnels des copies du cahier de transactions.


- Pourquoi dit-on du bitcoin qu’il est énergivore ?

- Le protocole sous-jacent au bitcoin est très énergivore car pour augmenter ses chances d’être élu coordinateur de transactions, et prélever une «taxe bitcoin», il faut avoir une grosse puissance de calcul. Et plus le cours du bitcoin augmente, plus il faut des ressources de calcul car le nombre de candidats à cette élection augmente. Ces ressources de calcul consomment énormément d’énergie qui est gaspillée. Aujourd’hui, l’énergie dépensée par ce processus d’élection dépasse celle des pays industrialisés.

- Une crypto-monnaie est-elle forcément énergivore ?

- Beaucoup pensaient que c’était le cas. En fait, non. Nous avons développé à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne des algorithmes alternatifs permettant d’assurer la sécurité de transactions sans dépenser autant d’énergie (https://dcl.epfl. ch/site/cryptocurrencies). En gros, on peut démontrer que le coût énergétique à payer n’est pas supérieur à quelques échanges de messages sur Internet. L’idée intuitive est de se passer complètement de la procédure d’élection de «banquier temporaire» en adoptant une stratégie complètement alternative de vérification décentralisée. - Quelle sont les autres applications de la technologie sous-jacente ? - La technologie sous-jacente permet non seulement de mettre en œuvre des crypto-monnaies, mais d’échanger tous les avoirs de manière décentralisée et sécurisée. Certains pays par exemple explorent l’utilisation de ces technologies pour tous leurs actes notariés.

- Bank Al-Maghrib (BAM) a mis en place un comité institutionnel exploratoire dédié à la thématique de la monnaie digitale de banque centrale (MDBC). Selon vous, quel est l’apport pour le Maroc ?

- Je pense que c’est une très bonne chose. Il est crucial, avant de se prononcer sur l’adoption ou l’interdiction d’une nouvelle approche monétaire, de bien comprendre la technologie sous-jacente et de bien évaluer de manière rationnelle les inconvénients et les bénéfices potentiels. De nombreux Etats et institutions qui avaient bannis la possibilité de l’utilisation d’une monnaie virtuelle sont en train de changer d’avis. - A votre avis, qu’est-ce qui pourrait aider à remédier à la réticence du Royaume vis-à-vis de la crypto-monnaie ? - Une monnaie virtuelle offre clairement des bénéfices en termes de transparence et de lutte contre la corruption. Par ailleurs, la technologie sous-jacente peut avoir d’autres applications très importantes au Maroc. Enfin, si les crypto-monnaies, sous une forme ou sous une autre, envahissent l’Afrique, il serait bon que le Maroc se positionne rapidement comme leader, comme il a réussi à le faire dans d’autres domaines.

Blockchain: Qu’est-ce que le protocole sous-jacent ?

«Le protocole décrit par Nakamoto est parfois aussi appelé le protocole bitcoin ou le protocole blockchain. C’est un algorithme qui explique comment effectuer des transferts entre personnes sans passer par une banque centrale, tout en évitant la triche et en particulier le double payement. L’idée intuitive consiste à élire périodiquement (toutes les 10 minutes) un «banquier temporaire» qui coordonne les transactions pour éviter la triche. Ce processus d’élection est basé sur ce que l’on appelle le «minage» et qui consiste à résoudre une sorte de Sudoku géant. Plus on a de puissance de calcul et plus on a de chance de résoudre le Sudoku. La probabilité que deux personnes résolvent le Sudoku en même temps est extrêmement faible et celui qui est élu prélève une taxe sur les transactions qu’il coordonne», déclare Rachid Guerraoui. Cela signifie que le bitcoin repose sur un protocole sous-jacent appelé blockchain. On parle de chaînes de blocs, ou blockchains, car les transactions effectuées entre les utilisateurs du réseau sont regroupées par blocs « horodatés ». C’est cet aspect précis de la technologie blockchain, objet du présent développement, qui a conduit à donner, par métonymie, son nom à l’ensemble de ces protocoles. Une fois le bloc validé, en moyenne toutes les dix minutes pour le bitcoin, la transaction devient visible pour l’ensemble des détenteurs du registre, potentiellement tous les utilisateurs, qui vont alors l’ajouter à leur chaîne de blocs. Selon Blockchain France, « une blockchain est une base de données numérique infalsifiable sur laquelle sont inscrits tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création ».



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