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Faut-il avoir peur des requins au Maroc ?


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 16 Août 2020

Des surfeurs et des plongeurs marocains ont à plusieurs reprises rencontré des requins dans les eaux
côtières marocaines. Récit de quelques nez à nez à glacer le sang.



Faut-il avoir peur des requins au Maroc ?
Depuis la sortie en 1975 du film «Les dents de la mer », la frayeur des requins hante les baigneurs dans les plages du monde entier. Beaucoup de scientifiques et écologistes accusent ce film d’avoir donné aux requins une image déformée et injuste. Les attaques de requins que subissent des baigneurs et des surfeurs dans plusieurs régions du monde –Australie et Afrique du Sud notamment- prouvent cependant que ces prédateurs ne sont pas complètement inoffensifs pour l’Homme et qu’ils peuvent dans certains cas et sous certaines latitudes s’avérer meurtriers. « Pour les surfeurs australiens, 2020 est une mauvaise année : le nombre d’attaques de requins est anormalement élevé. Il y a eu beaucoup de morts dont un jeune de quinze ans tué par un requin il y a quelques semaines », raconte Younes Fizazi qui pratique le surf au Maroc depuis trente ans.

Le requin du Sud marocain

Le plus impressionnant des squales est incontestablement le grand requin blanc. Devenu cauchemardesque malgré lui à cause du film « Les dents de la mer », le grand requin blanc doit en plus sa sulfureuse réputation à une physiologie de colosse si parfaite qu’elle n’a quasiment pas changé depuis des millions d’années. « Un surfeur australien a raconté dans un blog pour surfeurs qu’il était persuadé d’avoir observé un grand blanc en surfant à Tifnit », confie Younes Fizazi. En parcourant le site « wanasurf.com » dédié aux amateurs de surf, la fiche de Tifnit indique effectivement que le « spot » peut être éventuellement fréquenté par des requins. « Dans la région de Tantan, il y a un certain nombre de surfeurs qui ont rapporté des rencontres avec des requins tigres. Mais, à ce jour, il n’y a jamais eu aucun baigneur ou surfeur tué, blessé ou même attaqué par un requin. Malgré quelques rencontres, les face-à-face avec les requins au Maroc relèvent plus du mythe », nuance le surfeur.

Des rencontres déstabilisantes

Si les vagues de la façade méditerranéenne ne sont pas très propices au surf, les rencontres avec des requins n’en sont pas moins rapportées régulièrement, cette fois, par la communauté de plongeurs. « Les membres de notre association ont nagé à proximité de requins, à diverses occasions, notamment avec des requins-pèlerins –complètement inoffensifs- de très grandes tailles. Les rencontres les plus impressionnantes sont celles avec les grands requins blancs », confie Younes Baghdidi, président de l’association de plongée sous-marine et de protection de l’environnement de Fnideq. « C’était le cas pendant une séance de plongée dans le large d’Al Hoceima. Les plongeurs qui ont vécu cette rencontre avec le grand blanc nous ont raconté qu’ils ne sentaient plus leurs pieds tellement ils avaient eu peur. Heureusement, le prédateur a passé son chemin sans leur prêter aucune attention», poursuit Youness Baghdidi. Les plongeurs de Fnideq ont vécu trois autres nez à nez avec le grand blanc au large de Belyounech. Le super prédateur se contentait à chaque fois –heureusement pour eux- de les ignorer royalement.

Menace « presque » insignifiante

« La seule fois où un requin a rodé autour d’un de nos plongeurs, il était plus intéressé par les poissons accrochés à une bouée de plongée qu’au plongeur lui-même. Le requin avait alors tourné autour du plongeur puis a mordu et enlevé les poissons de la bouée pour s’éloigner juste après », raconte le président de l’association des plongeurs de Fnideq. Les requins n’auraient donc jamais attaqué personne au Maroc ? Pas si sûr. « Dans les années 70, je me rappelle qu’on avait rapporté des cas d’attaques de requins sur des baigneurs dans la façade méditerranéenne. Il y avait à l’époque une vraie peur de nager loin de la côte. Les requins étaient alors beaucoup plus abondants. Aujourd’hui, les espèces de requins sont rares et quasiment toutes menacées », souligne le Pr Mustapha Aksissou, enseignant de biologie marine à l’université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan.

« De nos jours, la probabilité d’une attaque de requin au Maroc n’est pas égale à zéro. La menace, aussi infime soit-elle, n’est pas à exclure complètement », conclut le Pr Aksissou. La vigilance est de rigueur.

Oussama ABAOUSS

Encadré

Un nouveau projet de loi pour lutter contre la pêche illicite

Un avant-projet de loi modifiant et complétant le Dahir formant règlement sur la pêche maritime vient d’être soumis à consultation. Selon le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, ce texte intervient dans le cadre de l’accompagnement de l’évolution du secteur de la pêche maritime en tant que levier stratégique du développement durable. Il vise à renforcer le système de contrôle des navires de pêche et la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Cette nouvelle mise à jour légale fixe les nouvelles modalités de délivrance du permis de pêche de loisir et de l’autorisation de pêche maritime scientifique. Le projet de loi apporte un nouveau cadre pour la gestion ou l’interdiction des rejets en mer ainsi que pour l’application des dispositions qui concernent la destruction des produits halieutiques saisis. Ce nouveau texte prévoit par ailleurs certaines dispositions visant la définition de nouvelles infractions détectées récemment, notamment le transport d’un produit halieutique issu d’une pêche illicite, non déclarée et non réglementée, le dépassement du pourcentage alloué aux navires de pêche concernant les espèces accessoires et la navigation avec un dispositif de positionnement et de localisation inopérant ou présentant des dysfonctionnements. La société civile environnementale semble bien accueillir ce projet de loi qui renforcera la lutte contre la pêche illicite et la sauvegarde des espèces marines menacées, dont plusieurs espèces de requins.

3 questions au Pr Mustapha Aksissou, biologiste

Faut-il avoir peur des requins au Maroc ?
« La tendance mondiale indique un recul de près d’un quart des populations de requins »

Professeur de biologie marine à l’université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, le Pr Mustapha Aksissou a répondu à nos questions à propos des requins qui vivent dans les écosystèmes marins du Royaume.

- Combien d’espèces différentes de requins vivent dans les eaux maritimes du Royaume ?
- Selon un document de l’Institut National de Recherche Halieutique publié dans les années 2010, il y aurait 47 espèces de requins recensées dans les deux façades maritimes du Royaume. Nombre de ces espèces sont vulnérables ou menacées d’extinction. La tendance mondiale globale indique d’ailleurs un recul de près d’un quart des populations de requins sur la planète.

- Les écosystèmes marins peuvent-ils se passer des diverses espèces de requins qui les peuplent ?
- Les requins sont de grands prédateurs qui sont au sommet de la chaîne alimentaire marine. Si ce groupe est éliminé, le chaînon des poissons carnivores -qui vient juste après celui des requins- va s’épanouir. En absence de régulation par les requins, les poissons carnivores régneront alors sur le milieu marin, ce qui impactera les populations d’espèces herbivores. Cet effet domino engendrera alors la prolifération d’algues, des méduses et des végétations marines entraînant ainsi un déséquilibre des écosystèmes marins et une désoxygénation des eaux marines et des récifs coraliens où se reproduit plus d’un tiers de la faune marine.

- Que faut-il faire pour sauvegarder les requins au Maroc ?
- Je pense qu’il faut travailler sur l’interdiction par les autorités concernées des ventes de requins dans les marchés et grandes surfaces et aussi sensibiliser les acheteurs et les diverses parties prenantes à propos de la nécessité de conserver ces espèces importantes pour l’équilibre des milieux marins.

Recueillis par O. A.

Repères

Webinaire sur les requins de la Méditerranée
L’association algérienne Marenostrum de Cherchell a organisé le jeudi 13 août 2020 à 17h un webinaire intitulé «Requins en Méditerranée ». L’événement a connu la participation de François Sarano, docteur en océanographie, fondateur de l’association Longitude 181, ancien directeur de recherche du programme Deep Ocean Odyssey et ancien conseiller scientifique du Commandant Cousteau. Le webinaire a permis d’échanger sur les diverses espèces de squales de la Méditerranée et sur les menaces auxquelles elles font face.
Webinaire sur le requin-taupe
À l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, un webinaire a été organisé sous le thème: « Le rôle important des scientifiques, de la société civile et des médias dans la protection des populations vulnérables de requin-taupe bleu ». L’événement, qui a rassemblé des scientifiques, des journalistes et des acteurs de la société civile, a permis de débattre sur la problématique de capture accidentelle au Maroc du requin-taupe dont la population a, ces dernières années, diminué de 90 % dans l’Atlantique Nord.



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