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Culture

Fétichisme ou spéculation ? : Le marché des ventes aux enchères ne connaît pas de limite


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Mercredi 11 Mai 2022

Le maillot porté par Diego Maradona lors du match contre l’Angleterre pour la Coupe du monde de 1986, a été vendu aux enchères à 9,3 millions de dollars. Les marchés de la friperie doivent en être bouleversés.



Le maillot porté par Diego Maradona lors du match contre l’Angleterre pour la Coupe du monde de 1986, a été vendu aux enchères à 9,3 millions de dollars. Les marchés de la friperie doivent en être bouleversés. Ce n’est plus un maillot mais une œuvre d’art car unique et ancienne pour un tissu qui a résisté 25 ans aux vicissitudes et autres outrages du temps. C’est en somme un maillot « millésimé », comme diraient les oeunologues par une sorte d’extrapolation, au demeurant, soutenable.

« A ce prix-là, il vendrait aussi son slip et ses chaussettes, sans parler des baskets » dira Tahar Ben Jelloun qui n’est pas loin de considérer ce rapport au maillot de Maradona comme du fétichisme « très aigu », qui conclut « A la limite, le marché de l’art nous a habitués à ce genre d’excès qui nous laisse sans voix. C’est de l’investissement plus sûr que le marché du café ou des céréales.».

Dans la littérature, pour prendre quelques exemples, trois lettres signées par Freud ont été vendues, en 2012, respectivement, à 13 000 dollars, 9 500 dollars et 14 000 dollars…

« La correspondance entre Virginia Woolf et son mari, entre Simone de Beauvoir et son amant américain », rappelée par Tahar Ben Jelloun, a fait également « casser la tirelire » des collectionneurs.

Il existe par ailleurs un marché de vente de manuscrits aux enchères. Une édition originale de « Du côté de chez Swann » de Marcel Proust fut adjugée 1,51 million d’euros, laissant loin derrière la vente de l’édition originale des Fleurs du mal de Baudelaire, adjugée à l'époque pour 775.000 euros… comme ce bol en porcelaine acheté à 35$ et vendu à plus de 720 000$.

Dans le même ordre d’idées, une édition originale des Essais de Montaigne a été vendue 682.000 euros, une traduction en français des Vies de Plutarque, à 671.780 euros. Ce manuscrit sur parchemin était illustré de 54 peintures « pleine page ». L'édition originale de la première traduction en français du Capital a été cédée pour 164.288 euros, alors que l'original du contrat d'édition français du Capital avait rapporté la bagatelle de 122.000 euros.

Le manuscrit de Pompes funèbres, roman sulfureux de Jean Genet s’est vendu à 183.300 euros.

Du côté de la chanson, comment ne pas rappeler la vente des manuscrites des paroles de la chanson « Hey Jude » des Beatles à 910 000 dollars alors que le manuscrit de « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan fut adjugé à plus de 2 millions de dollars.

Un vent de surenchère a soufflé sur l’année 2021 où une œuvre qui s’autodétruit de Banski (La Petite Fille au ballon rouge) a marqué les esprits et le marché de l’art qui s’emballe et où la spéculation ne semble plus connaître de limite, les enchères devenant une sorte de dépassement de ce qui existe ou a existé. La notion même de plafond a disparu et l’enjeu semble être l’infini… que l’on n’atteint, en fait, jamais !

L’œuvre la plus chère de l’année est « Femme assise près d’une fenêtre (Marie-Thérèse) » de Pablo Picasso qui a levé pas moins de 103,41 millions de dollars. Cette œuvre avait été vendue pour 6,8 millions de dollars en 1997, puis 44,7 millions de dollars en 2013, 95,2 millions de dollars en 2006, enregistrant ainsi une augmentation de plus de 1400% par rapport à son prix d’origine, relèvent les spécialistes du marché de l’art.

L’art virtuel n’est pas en reste et Everyday : the First 5 000 days, un collage de l’artiste numérique Beeple a été adjugé à quelques 58 millions d’euros. Toujours dans le monde des pixels et du numérique, le premier SMS au monde envoyé sur le réseau (1992) a été vendu 107 000 euros. Le message : « Happy Chrismas »… Dans le style « portrait », c’est Andy Warhol, maître du Pop art, qui fait l’actualité avec Marilyn Monroe (Shot Sage Blue Marilyn) qui vient d’être cédé à 195 millions de dollars, battant le record de l'œuvre d'art du XXe siècle la plus chère jamais vendue en enchères publiques.

En commentaire, Richard Polsky à la tête d’une société d'authentification d'œuvres d'art dira « Marilyn Monroe était une icône en Amérique, elle fait partie de la culture populaire. Et Warhol, c'est comme les Beatles, chaque année il est plus populaire ».

Ce record reste tout de même loin de celui détenu par le « Salvator Mundi » attribué à Léonard de Vinci, vendu en novembre 2017 pour 450,3 millions de dollars… A quand la revente aux enchères de cette œuvre qui aura marqué l’art et la spéculation sur les œuvres d’art ?

Abdallah Bensmaïn



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