Il y a quelques jours, le ministère algérien de l’Energie et des Mines avait annoncé que son pays allait couvrir l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne de gaz naturel à travers le nouveau gazoduc Medgaz, reliant directement l’Algérie à l’Espagne à travers la Méditerranée.
Le contrat d’acheminement du gaz via le pipeline Maghreb-Europe, qui traverse le Maroc vers l’Espagne à travers le détroit de Gibraltar, arrivera à son terme fin du mois prochain et ne sera donc manifestement pas renouvelé, en dépit de l’intérêt avéré du projet pour les pays de la région.
« Il s’agit d’une décision purement politique, puisqu’elle n’a aucun sens économique. Ce gazoduc, en fonctionnement depuis 1996, est un projet régional gagnant-gagnant pour l’ensemble des pays impliqués, à savoir l’Espagne, le Portugal, le Maroc et l’Algérie», nous explique Taoufik Laâbi, consultant en énergie, expert en développement et en planification et ancien directeur en charge du développement et de la planification à l’ONEE.
À perdant, perdant et demi
À travers leur décision, les responsables algériens veulent retirer au Maroc une manne gazière que le Royaume recevait en nature en tant que droits de transit.
« Le non-renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe est en réalité plus préjudiciable pour l’Algérie puisqu’elle sera obligée de s’appuyer sur le Med Gaz qui alimente directement l’Espagne, mais qui a une capacité limitée à 8 milliards de m3 par an, alors que le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) pouvait faire transiter jusqu’à 13 milliards. Les deux gazoducs constituaient une capacité globale de transport de plus de 20 milliards de m3, laquelle capacité sera dorénavant réduite de deux tiers », explique l’expert qui souligne que les besoins espagnols l’année dernière en gaz avaient été estimés à plus de 9 milliards de m3.
« Le Med Gaz n’est pas en mesure de satisfaire les besoins espagnols alors que le Maroc peut parfaitement s’adapter à la nouvelle donne grâce à la marge de manoeuvre confortable qu’il s’est aménagée à travers ses diverses stratégies de diversification », estime Taoufik Laâbi.
L’impact sur les objectifs énergétiques 2030
Le gaz algérien prélevé par le Maroc dans le cadre du contrat lié au gazoduc Maghreb-Europe est en très grande partie destiné à la production d’électricité. Ce n’est donc pas demain la veille que la ménagère ne pourra pas trouver de bonbonnes de gaz dans le commerce.
La question pourrait en revanche se poser concernant l’atteinte des objectifs fixés pour le mix énergétique national à l’horizon 2030, et cela dans le cas de figure où le Royaume n’arrive pas à exploiter un gisement national de gaz...
« Je ne pense pas que les objectifs relatifs au mix énergétique en 2030 seront impactés puisque le Royaume a développé suffisamment de moyens de production électrique pour faire face à d’éventuelles situations imprévues. Aujourd’hui, la capacité dont il dispose lui permet de faire face à la demande d’électricité sans aucun problème. Donc, en terme d’approvisionnement électrique, il n’y aura pas d’impact à court terme. À moyen terme, il y a des solutions et des alternatives qui étaient déjà envisagées et qui peuvent être mises en oeuvre, notamment le recours à un terminal GNL ou encore à la mise en place assez rapide d’une unité flottante de stockage et de regazéification », poursuit la même source.
De Maghreb-Europe à Europe-Maghreb Taoufik Laâbi reprend également l’idée d’une utilisation éventuelle du gazoduc Maghreb-Europe en sens inverse pour importer du gaz espagnol. Cette piste a cependant été exclue par un responsable de la SONATRACH qui a déclaré, cette semaine à un média algérien, que le recours par le Maroc à cette solution « est loin de la réalité et très improbable, étant donné que le mouvement du gaz se faisait du Sud (Algérie) vers le Nord (Maroc et Espagne) par des moteurs de propulsion spéciaux (turbo-compresseurs) ».
Le responsable algérien a par ailleurs souligné que la mise en place de cette solution nécessiterait « beaucoup de temps » en prévoyant une potentielle concrétisation pour… le printemps prochain. La complexité et le coût présumé de cette solution mis en évidence par le responsable algérien, sont toutefois rapidement balayés par Taoufik Laâbi qui précise qu’il n’y aura « pas de besoin d’investissements conséquents pour pouvoir utiliser le gazoduc dans le sens inverse puisque cette structure a été conçue dès le départ pour pouvoir fonctionner dans les deux sens ». « L’eau dans le gaz » est, a priori, une spécialité de l’Algérie.
Le contrat d’acheminement du gaz via le pipeline Maghreb-Europe, qui traverse le Maroc vers l’Espagne à travers le détroit de Gibraltar, arrivera à son terme fin du mois prochain et ne sera donc manifestement pas renouvelé, en dépit de l’intérêt avéré du projet pour les pays de la région.
« Il s’agit d’une décision purement politique, puisqu’elle n’a aucun sens économique. Ce gazoduc, en fonctionnement depuis 1996, est un projet régional gagnant-gagnant pour l’ensemble des pays impliqués, à savoir l’Espagne, le Portugal, le Maroc et l’Algérie», nous explique Taoufik Laâbi, consultant en énergie, expert en développement et en planification et ancien directeur en charge du développement et de la planification à l’ONEE.
À perdant, perdant et demi
À travers leur décision, les responsables algériens veulent retirer au Maroc une manne gazière que le Royaume recevait en nature en tant que droits de transit.
« Le non-renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe est en réalité plus préjudiciable pour l’Algérie puisqu’elle sera obligée de s’appuyer sur le Med Gaz qui alimente directement l’Espagne, mais qui a une capacité limitée à 8 milliards de m3 par an, alors que le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) pouvait faire transiter jusqu’à 13 milliards. Les deux gazoducs constituaient une capacité globale de transport de plus de 20 milliards de m3, laquelle capacité sera dorénavant réduite de deux tiers », explique l’expert qui souligne que les besoins espagnols l’année dernière en gaz avaient été estimés à plus de 9 milliards de m3.
« Le Med Gaz n’est pas en mesure de satisfaire les besoins espagnols alors que le Maroc peut parfaitement s’adapter à la nouvelle donne grâce à la marge de manoeuvre confortable qu’il s’est aménagée à travers ses diverses stratégies de diversification », estime Taoufik Laâbi.
L’impact sur les objectifs énergétiques 2030
Le gaz algérien prélevé par le Maroc dans le cadre du contrat lié au gazoduc Maghreb-Europe est en très grande partie destiné à la production d’électricité. Ce n’est donc pas demain la veille que la ménagère ne pourra pas trouver de bonbonnes de gaz dans le commerce.
La question pourrait en revanche se poser concernant l’atteinte des objectifs fixés pour le mix énergétique national à l’horizon 2030, et cela dans le cas de figure où le Royaume n’arrive pas à exploiter un gisement national de gaz...
« Je ne pense pas que les objectifs relatifs au mix énergétique en 2030 seront impactés puisque le Royaume a développé suffisamment de moyens de production électrique pour faire face à d’éventuelles situations imprévues. Aujourd’hui, la capacité dont il dispose lui permet de faire face à la demande d’électricité sans aucun problème. Donc, en terme d’approvisionnement électrique, il n’y aura pas d’impact à court terme. À moyen terme, il y a des solutions et des alternatives qui étaient déjà envisagées et qui peuvent être mises en oeuvre, notamment le recours à un terminal GNL ou encore à la mise en place assez rapide d’une unité flottante de stockage et de regazéification », poursuit la même source.
De Maghreb-Europe à Europe-Maghreb Taoufik Laâbi reprend également l’idée d’une utilisation éventuelle du gazoduc Maghreb-Europe en sens inverse pour importer du gaz espagnol. Cette piste a cependant été exclue par un responsable de la SONATRACH qui a déclaré, cette semaine à un média algérien, que le recours par le Maroc à cette solution « est loin de la réalité et très improbable, étant donné que le mouvement du gaz se faisait du Sud (Algérie) vers le Nord (Maroc et Espagne) par des moteurs de propulsion spéciaux (turbo-compresseurs) ».
Le responsable algérien a par ailleurs souligné que la mise en place de cette solution nécessiterait « beaucoup de temps » en prévoyant une potentielle concrétisation pour… le printemps prochain. La complexité et le coût présumé de cette solution mis en évidence par le responsable algérien, sont toutefois rapidement balayés par Taoufik Laâbi qui précise qu’il n’y aura « pas de besoin d’investissements conséquents pour pouvoir utiliser le gazoduc dans le sens inverse puisque cette structure a été conçue dès le départ pour pouvoir fonctionner dans les deux sens ». « L’eau dans le gaz » est, a priori, une spécialité de l’Algérie.
Oussama ABAOUSS
Repères
La traversée du désert du Gazoduc transsaharien
Toufik Hakkar, PDG de SONATRACH, a annoncé, lundi, que « l’étude de faisabilité du projet du gazoduc transsaharien, reliant le Nigeria à l’Europe à travers l’Algérie et le Niger, est terminée et sera soumise aux entreprises des deux pays africains ». Le responsable algérien n’a cependant pas désigné les partenaires subsahariens qui auraient participé à la réalisation de cette étude. Un élément qui ne joue pas à la faveur de la crédibilité de ce projet bloqué depuis 12 ans, quand on sait que le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc a pour sa part bien mis en évidence les divers acteurs impliqués.
Le gaz américain en embuscade
Les importations de gaz en provenance d’Algérie, principale fournisseur d’Espagne depuis des décennies, ont enregistré leur niveau le plus bas de l’Histoire, d’après Cores, l’entité spécialisée dans l’industrie pétrolière et le gaz naturel en Espagne. Entre janvier et mars, l’Espagne a reçu 20.251 GWh de gaz naturel liquéfié américain contre 19.748 GWh d’Algérie. Les Américains ont ainsi augmenté leurs ventes à Madrid de 467 % au cours des deux derniers mois, alors que l’Algérie les a réduites de 30 %.
L'info...Graphie
Histoire
Quand le gazoduc Maghreb-Europe été considéré comme « l’oeuvre du siècle »…
Le Gazoduc Maghreb-Europe, aussi appelé gazoduc Pedro Duran Farell, part du gisement algérien Hassi R’mel et rejoint Cordoue en Espagne en traversant le Maroc et le détroit de Gibraltar.
Le diamètre de la partie terrestre du pipeline est de 48 pouces, soit 122 cm. La partie maritime a un diamètre de 22 pouces. La capacité de transport était de 8,5 milliards de m3 par an initialement, elle a été augmentée à 13,5 en 2005. La longueur totale est d’environ 1 300 km (tronçon algérien : 520 km, tronçon marocain : 540 km, tronçon maritime : 45 km et tronçon espagnol : 270 km).
Considéré en Espagne comme « l’oeuvre du siècle » au moment de son inauguration en novembre 1996, le gazoduc Maghreb-Europe est une véritable prouesse technique pour l’époque puisque la réalisation de sa partie sous-marine a nécessité plusieurs études du fond marin ainsi que des courants assez forts et instables.
Sa construction, qui a duré 4 ans et demi, a coûté 11,8 milliards de francs. L’Union Européenne a participé pour près de la moitié à ce montant, le gazoduc ayant été considéré comme un projet d’intérêt communautaire.
Prospection
Début des forages dans le gisement gazier sous-marin au large de Larache
Le Maroc est actuellement en phase de sécuriser une nouvelle source de production (nationale) de gaz naturel. Le gisement concerné se situe au large de la ville de Larache (sables gazeux d’Anchois) et fait partie de la licence d’exploration Lixus Offshore qui couvre une superficie d’environ 2.390 km2, avec des profondeurs d’eau allant du littoral à 850 mètres. Cette licence est détenue à 25% par l’ONHYM et à 75% par la société britannique « Chariot Oil&Gas ».
La semaine dernière, la société spécialisée dans l’exploration pétrolière et gazière a d’ailleurs annoncé avoir conclu un accord avec Stena Drilling, l’un des principaux opérateurs de forage indépendants dans le monde, pour le forage du gisement Anchois.
Le démarrage de la campagne de forage est prévu en décembre 2021 et devrait durer près de 40 jours. Selon le communiqué, cette opération se fera au moyen du Stena Don, une plateforme appartenant à Stena Drilling capable de réaliser des forages dans les environnements les plus difficiles.
« L’équipe de Chariot Oil&Gas est résolument focalisée sur la réalisation de la campagne de forage pour laquelle nous avons récemment collecté des fonds et nous sommes ravis que la signature de ce contrat nous rapproche un peu plus de cet objectif», a par ailleurs commenté Andonis Pouroulis, PDG par intérim de Chariot Limited.
À noter que le gisement gazier Anchois est considéré comme un gisement «à fort potentiel» : en 2020, une évaluation indépendante avait conclu à un potentiel d’un trillion de pieds cubes de gaz.
La semaine dernière, la société spécialisée dans l’exploration pétrolière et gazière a d’ailleurs annoncé avoir conclu un accord avec Stena Drilling, l’un des principaux opérateurs de forage indépendants dans le monde, pour le forage du gisement Anchois.
Le démarrage de la campagne de forage est prévu en décembre 2021 et devrait durer près de 40 jours. Selon le communiqué, cette opération se fera au moyen du Stena Don, une plateforme appartenant à Stena Drilling capable de réaliser des forages dans les environnements les plus difficiles.
« L’équipe de Chariot Oil&Gas est résolument focalisée sur la réalisation de la campagne de forage pour laquelle nous avons récemment collecté des fonds et nous sommes ravis que la signature de ce contrat nous rapproche un peu plus de cet objectif», a par ailleurs commenté Andonis Pouroulis, PDG par intérim de Chariot Limited.
À noter que le gisement gazier Anchois est considéré comme un gisement «à fort potentiel» : en 2020, une évaluation indépendante avait conclu à un potentiel d’un trillion de pieds cubes de gaz.
3 questions à Taoufik Laâbi, expert en développement et en planification
« Le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc pourrait voir le jour à l’horizon 2030 »
Taoufik Laâbi, co-auteur de l’étude publiée par l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) à propos des retombées potentielles du projet de gazoduc Nigeria-Maroc-Europe, répond à nos questions.
- Comment résumez-vous les retombées du projet de Gazoduc Nigeria-Maroc sur la région ?
- Le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc est un projet régional qui sera non seulement structurant pour le Maroc, mais également pour toute la région. Aujourd’hui, plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, qui vont être des pays de transit de ce gazoduc, sont devenus des pays producteurs de gaz naturel. Le défi auquel ils sont confrontés est celui de trouver les moyens de valoriser ce gaz. Le gazoduc Nigeria-Maroc va être une aubaine pour ces pays-là aussi, parce que ça leur permettra de mieux valoriser les gisements gaziers qu’ils viennent de découvrir. Je parle notamment du Sénégal et de la Mauritanie.
- Quels seront les bénéfices de ce projet pour le Maroc et l’Europe ?
- Pour le Maroc, il s’agit bien évidemment d’une nouvelle source d’approvisionnement en gaz naturel. Notre pays sera consommateur, mais sera également un pays de transit pour les pays de l’Europe qui, grâce à ce projet, seront dans une situation beaucoup plus confortable en terme de diversification des sources d’approvisionnement. À noter que le non-renouvellement du contrat du Med Gaz prive l’Espagne d’une source complémentaire d’import, ce qui la met dans une situation qui est handicapante car contraire aux objectifs européens qui ambitionnent de diversifier les sources d’approvisionnement.
- Selon vous, dans quels délais le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc pourrait-il se concrétiser ?
- Je pense que les bailleurs de fonds actuellement ont compris l’intérêt de financer ce projet. Cela dit, ce qui prendra certainement le plus de temps avant la concrétisation, ce sont justement les discussions avec les bailleurs de fonds afin de déterminer les modalités de finalisation des contrats de financement. Les études sont pour leur part déjà bien avancées. S’il fallait donner une estimation du délai de concrétisation, je dirais que le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc pourrait voir le jour à l’horizon 2030.
- Quels seront les bénéfices de ce projet pour le Maroc et l’Europe ?
- Pour le Maroc, il s’agit bien évidemment d’une nouvelle source d’approvisionnement en gaz naturel. Notre pays sera consommateur, mais sera également un pays de transit pour les pays de l’Europe qui, grâce à ce projet, seront dans une situation beaucoup plus confortable en terme de diversification des sources d’approvisionnement. À noter que le non-renouvellement du contrat du Med Gaz prive l’Espagne d’une source complémentaire d’import, ce qui la met dans une situation qui est handicapante car contraire aux objectifs européens qui ambitionnent de diversifier les sources d’approvisionnement.
- Selon vous, dans quels délais le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc pourrait-il se concrétiser ?
- Je pense que les bailleurs de fonds actuellement ont compris l’intérêt de financer ce projet. Cela dit, ce qui prendra certainement le plus de temps avant la concrétisation, ce sont justement les discussions avec les bailleurs de fonds afin de déterminer les modalités de finalisation des contrats de financement. Les études sont pour leur part déjà bien avancées. S’il fallait donner une estimation du délai de concrétisation, je dirais que le projet de Gazoduc Nigeria-Maroc pourrait voir le jour à l’horizon 2030.
Recueillis par O. A.