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Gestion des déchets médicaux : Les cabinets de médecins et de vétérinaires privés, dans l’attente de leur propre réglementation


Rédigé par Oussama ABAOUSS Dimanche 8 Mai 2022

Pour exercer, les centres d’hémodialyse, les laboratoires et les cliniques privées sont tenus légalement de traiter leurs déchets. Les cabinets de praticiens privés n’ont pas cette exigence.



Gestion des déchets médicaux : Les cabinets de médecins et de vétérinaires privés, dans l’attente de leur propre réglementation
Il y a quelques décennies, les déchets médicaux générés dans notre pays finissaient en grande partie dans le circuit des déchets ménagers. Une situation qui représentait des risques considérables (sanitaires et environnementaux) au vu de la dangerosité de ces déchets et de l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur le sol, la nappe phréatique ou encore sur la santé des personnes qui les manipulent.

Les professionnels du traitement des déchets médicaux et pharmaceutiques au Maroc s’accordent cependant sur le fait qu’un changement important a pu être opéré dans ce domaine depuis le début des années 2000.

Ces avancées ont été consolidées par un cadre réglementaire qui conditionne l’activité des établissements de santé à la mise en place de conventions avec des sociétés spécialisées qui se chargeront de traiter leurs déchets. Le nombre d’entreprises qui s’activent dans ce domaine a depuis augmenté, donnant ainsi lieu à une capacité de traitement plus importante, à des offres plus compétitives et à des procédés de traitement plus efficaces.

Etat actuel des lieux

Il y a quelques jours, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, M. Khaled Ait Taleb, a mis en avant l’état des lieux actuel de la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques au niveau national. Le ministre, qui répondait à une question orale à la Chambre des Représentants, a ainsi souligné que la quantité de déchets médicaux produits par le secteur de la Santé est estimée à 7.000 tonnes par an.

« Cette quantité est répartie entre 3.500 tonnes dans les hôpitaux publics, 800 tonnes dans les établissements de soins de santé primaires et 2.000 tonnes au niveau des établissements de santé du secteur privé », a-t-il détaillé.

« Le ministère a pris un ensemble de mesures pour la gestion et le traitement de ces déchets médicaux de manière sûre », a précisé M. Ait Taleb qui a par ailleurs souligné que « 21 appareils de broyage et de traitement de ces déchets ont été acquis depuis 2002, alors que les Centres hospitaliers universitaires de Marrakech et de Fès ont été dotés de 3 appareils de traitement des déchets ».

Les déchets non-quantifiables

Contacté par nos soins, un professionnel de la gestion des déchets médicaux confirme l’avancée effectuée par le Royaume dans ce domaine, mais nuance les quantités avancées par le ministre.

« Je pense qu’il est difficile de quantifier le volume total des déchets médicaux produits au niveau national, car, en plus des grands producteurs (hôpitaux, centres d’hémodialyse, laboratoires et cliniques) qui sont légalement tenus de faire des conventions avec des sociétés spécialisées dans le traitement, subsistent encore des milliers de cabinets de médecins et de vétérinaires dont les déchets médicaux se déversent en grande partie dans le circuit des déchets ménagers et, surtout, continuent à échapper à toute quantification », explique-t-il.

Théoriquement, les praticiens installés à leurs comptes doivent également prévoir des solutions de traitement, mais la loi actuelle ne conditionne pas leur droit d’exercer à l’existence de ces dispositifs. « Pourtant, des offres adaptées leur sont proposées et le coût mensuel à payer n’excède pas celui d’une ou deux consultations », fait remarquer notre interlocuteur.

Les améliorations potentielles

Concernant les appareils de traitement mis en place au sein des centres hospitaliers, notre source semble également mitigée sur leur réel apport. « L’expérience a prouvé que les Centres hospitaliers n’arrivent pas à mettre à profit ces équipements qui tombent facilement en panne et requièrent des opérateurs spécialisés pour les maintenir et prévenir les pannes potentielles récurrentes », relève-t-elle.

Avec huit sociétés autorisées qui sont spécialisées dans le traitement des déchets médicaux et pharmaceutiques, la capacité installée semble être largement suffisante pour les volumes générés au niveau national.

« Le Royaume est actuellement cité en exemple dans ce domaine au niveau régional. Nous gagnerons cependant à consolider le cadre réglementaire existant, mais également à améliorer les conditions de passation des marchés dans ce domaine afin de permettre à la compétitivité qui existe actuellement de bénéficier à la collectivité à travers une gestion plus responsable de l’argent du contribuable », conclut notre source.


Oussama ABAOUSS

Repères

Renforcement des capacités
Dans son allocution, le ministre de la Santé a rappelé que le cadre de référence dédié à l’audit environnemental des hôpitaux pour la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques a été établi en 2013. Il a également souligné que des fonds dédiés à la gestion déléguée des déchets médicaux ont été alloués aux budgets des délégations et des établissements publics de santé. Le ministre a par ailleurs précisé que des sessions de formation ont été organisées pour assurer la gestion des déchets médicaux conformément à la loi en vigueur.
 
Cadre juridique en vigueur
Dans son article 29, la loi n°28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination précise que les déchets dangereux (dont font partie les déchets médicaux et pharmaceutiques catégorie 1 et catégorie 2) ne peuvent être traités, en vue de leur élimination ou de leur valorisation, que dans des installations spécialisées désignées par l’administration. La même loi (article 30) stipule que la collecte et le transport des déchets dangereux sont également soumis à autorisation de l’administration.

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Technologie


Divers procédés pour traiter les déchets médicaux
 
Plusieurs types de procédés ont été développés durant ces dernières décennies afin de garantir un traitement efficace des déchets pharmaceutiques et médicaux. L’incinération - qui est le moyen le plus simple et le moins coûteux - est de moins en moins privilégiée par les spécialistes en raison de la pollution atmosphérique générée.

Au Maroc, les entreprises spécialisées dans la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques ont recours à divers procédés, notamment le traitement chimique ou encore l’autoclavage dont le revers de la médaille est de générer des quantités importantes de déchets liquides.

La solution qui semble minimiser l’impact environnemental tout en garantissant de bons résultats est le broyage et la stérilisation par micro ondes. Ce procédé permet de transformer les déchets médicaux en produit sec qui peut par la suite être valorisé en tant que combustible. Plusieurs entreprises autorisées qui s’activent dans ce domaine ont mis en place des machines capables de traiter les déchets moyennant cette technologie.
 

Pandémie


L’OMS appelle à une meilleure gestion des déchets médicaux
 
Dans un rapport publié en février dernier, l’OMS pointait « les dizaines de milliers de tonnes de déchets médicaux supplémentaires liés à la riposte à la pandémie qui ont mis à rude épreuve les systèmes de gestion des déchets des activités de soins partout dans le monde ».

Les estimations qui figurent dans ce rapport sont fondées sur les quelque 87.000 tonnes d’équipements de protection individuelle (EPI) achetées entre mars 2020 et novembre 2021 et expédiées pour répondre aux besoins urgents des pays face à la Covid-19 dans le cadre d’une initiative d’urgence conjointe des Nations Unies.

Les auteurs du rapport notent que ces estimations ne constituent qu’une première indication de l’ampleur du problème des déchets liés à la Covid-19. Elles ne tiennent compte ni des produits liés à la Covid-19 achetés en dehors de l’initiative, ni des déchets produits par la population, par exemple en raison de l’utilisation de masques médicaux jetables.

Selon l’OMS, le problème posé par les déchets liés à la Covid-19 et la question pressante de la durabilité environnementale sont l’occasion de renforcer les systèmes pour réduire les déchets d’activités de soins et les gérer de manière sûre et durable.

« Pour y parvenir, on peut adopter des politiques et des règlements nationaux rigoureux, assurer une surveillance et une notification régulières, accroître la responsabilisation, favoriser le changement de comportement et le perfectionnement du personnel, mais aussi augmenter les budgets et le financement », précise la même source.

 

3 questions au Dr Ali Kettani, médecin et co-fondateur d’ECOES Environnement

Gestion des déchets médicaux : Les cabinets de médecins et de vétérinaires privés, dans l’attente de leur propre réglementation

« La pandémie a permis de mettre en exergue l’importance du tri au niveau des infrastructures hospitalières »
 
Médecin et co-fondateur de la société « ECOES Environnement » spécialisée dans le traitement des déchets médicaux et pharmaceutiques, Dr Ali Kettani répond à nos questions.

 
- Quel est votre point de vue sur la gestion des déchets médicaux au Maroc durant la pandémie ?

- Il faut d’abord différencier deux types de déchets médicaux qui ont été générés durant la pandémie. Il y a bien évidemment les déchets constitués principalement de masques.

D’un autre côté, il y a les déchets générés par les établissements qui hébergeaient des personnes infectées par la Covid. Globalement, je pense que ces déchets ont été gérés d’une manière exemplaire par les autorités. Que ça soit à travers les moyens qui ont été mobilisés à cet effet, ou encore à travers les protocoles qui permettaient de gérer correctement tous les déchets potentiellement infectés.


- Qu’en est-il des déchets liés à la prévention qui ont été générés par les ménages ?


- Malheureusement, la bonne gestion de ces déchets repose principalement sur la possibilité de pouvoir effectuer un tri sélectif en amont. Nous tardons au Maroc à voir se mettre en place des dispositifs de tri à la source et cela a compliqué la gestion des déchets liés à la prévention durant la pandémie.

Cela dit, les autorités ont communiqué à travers des campagnes de sensibilisation pour indiquer aux citoyens comment s’y prendre avec ce genre de déchets afin de minimiser les risques. A noter également que ces déchets n’ont pas le même potentiel de dangerosité que ceux qui sont générés dans des lieux qui hébergent des personnes dont l’infection a été confirmée.


-
La pandémie a-t-elle permis d’améliorer la gestion des déchets médicaux au Maroc ?

- Je pense que oui. La pandémie a permis de mettre en lumière cette problématique. Elle a également mis en évidence la nécessité de traiter ces déchets par des procédés efficaces, ce qui a souligné l’importance du rôle joué par les entreprises spécialisées dans ce genre de service. La pandémie a également permis de mettre en exergue l’importance du tri au niveau des infrastructures hospitalières. Je pense que ces leçons nous permettront d’améliorer encore plus la gestion des déchets médicaux au Maroc dans le futur.


Recueillis par O. A.

 








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