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International

Hydrocarbures : Une OPEP du gaz siérait bien à Moscou


Rédigé par La rédaction Dimanche 17 Octobre 2021

La crise des prix de l’énergie, inspire l’idée d’une OPEP du gaz, pour réguler les cours et l’approvisionnement.



Hydrocarbures : Une OPEP du gaz siérait bien à Moscou
La semaine russe de l’énergie, forum tourné sur l’avenir de l’industrie russe des carburants et de l’énergie, les perspectives de coopération internationale et de développement dans le secteur de l’énergie, est secouée par l’explosion récente du prix des hydrocarbures. Un responsable saoudien a ainsi remis au goût du jour la proposition de créer une OPEP du gaz. «Nous voyons déjà une hausse des prix du gaz de 500%, des prix très élevés du charbon et une augmentation des prix du GNL de 200%.

Si ces marchés bénéficiaient du même niveau d’attention que celui que nous avons accordé au secteur pétrolier, comme l’OPEP+, la situation y serait incontestablement meilleure», a plaidé le prince Abdelaziz Ben Salmane, ministre saoudien de l’Énergie. Les officiels russes ont accueilli la proposition saoudienne d’OPEP du gaz avec enthousiasme. «Il y a là une pépite rationnelle, mais il faut travailler dessus plus en détail», a réagi Alexandre Novak, vice-Premier ministre russe. Il faut dire que lui-même avait déjà formulé cette idée en juillet 2020, alors qu’il était ministre de l’Énergie.

Il ne peut y avoir de «vrai trading» avec le gaz

L’idée est effectivement loin d’être farfelue, estime Pierre Fabiani, ancien numéro un de Total Iran. «Avoir un club avec des contraintes régulatrices concernant les prix du gaz est au moins aussi pertinent que d’avoir l’OPEP pour le pétrole», résume-t-il. Pour lui, «rien d’intrinsèquement différent, sauf l’aspect technique». Toutefois un détail compliquerait les choses. Contrairement au pétrole, le gaz liquéfié ne pouvant être simplement transporté et stocké dans des cuves. Il faut impérativement que les stocks transportés ou stockés soient refroidis en permanence. Un processus extrêmement coûteux qui fait que la régulation du prix de cette énergie n’est pas comparable à la régulation du tarif de l’or noir.

«Un tanker rempli de pétrole peut aller à une destination, finalement être racheté, puis transporté à un autre endroit, sans que cela n’engendre des coûts de conservation faramineux», rapporte notre interlocuteur. Il ne peut donc pas y avoir de «vrai trading» avec le gaz. Et c’est pour cette raison, entre autres, que le marché gazier est essentiellement régionalisé. La plupart des échanges se font via gazoduc, entre voisins.

De plus, nombre d’acteurs du marché militent pour ne pas réguler les prix du gaz, estimant qu’ils auraient plus à perdre qu’à y gagner. Mais cela n’empêcherait pas une réflexion autour d’une OPEP du gaz, sous une nouvelle forme, avec un aspect spéculatif moindre. Et «les Russes seraient parfaitement légitimes pour monter ça. Ce sont eux qui devraient le faire», estime Pierre Fabiani.

La Russie semble idéalement placée

«Quand on regarde la puissance gazière et les ressources économiques et politiques des différentes puissances gazières, la Russie semble idéalement placée», poursuit- il. En effet, la Russie avec 37,4 milliards de m3, l’Iran avec 32 milliards de m3 et le Qatar avec 24 milliards de m3 disposent des plus importantes ressources gazières prouvées, loin devant leurs concurrents.

Or, de ces trois pays, seule Moscou jouirait, selon notre expert, d’une légitimité politique, géopolitique et énergétique permettant de mener ce projet d’OPEP du gaz. D’autant qu’une structure de ce type existe déjà: le Forum des pays exportateurs de gaz, ou FPEG, fondé en 2001 à Téhéran et dont le siège est au Qatar.

Son objectif est d’aider ses membres à anticiper les évolutions du marché du gaz naturel et à développer l’exploitation des ressources dans les meilleures conditions financières, économiques et environnementales. Douze pays en font partie: l’Algérie, l’Égypte, la Guinée équatoriale, la Libye et le Nigeria pour l’Afrique. L’Iran, le Qatar, les Émirats arabes unis pour le Moyen-Orient. Le Venezuela, la Bolivie et Trinité-et- Tobago pour l’Amérique du Sud. Et la Russie pour l’Europe. Néanmoins, cette structure semble manquer d’ambition. L’organisme assure n’avoir aucune envie de fixer de quotas de production et ne possède aucun mécanisme de contrôle efficace sur le prix du gaz à l’international.

D’ailleurs, les États-Unis, qui figurent parmi les trois premiers exportateurs de gaz au monde, ne font pas partie de cet organisme. C’est comme imaginer l’OPEP sans l’Arabie saoudite ou le Venezuela: un non-sens total.


Moscou sur tous les fronts énergétiques

La Russie multiplie les interventions ces derniers jours pour tenter de se placer au centre des débats sur la crise énergétique européenne. Le président Vladimir Poutine peut être tenté de jouer la carte des livraisons de gaz pour obtenir des concessions de l’Europe. Mais c’est un pari à double tranchant pour Moscou. La crise de l’énergie fait-elle du Kremlin le maître du jeu ? À l’ouest, le président Vladimir Poutine a appelé, mercredi 13 octobre, à des efforts pour “stabiliser” le marché du gaz en Europe où les prix se sont envolés ces dernières semaines. À l’est, Pékin a toqué, le même jour, à la porte russe pour pouvoir importer plus de charbon, d’électricité et de gaz pour surmonter sa propre crise de l’énergie.

“À court terme la Russie est dans une position confortable, ne serait-ce qu’en raison du tarif du gaz”, assure Arild Moe, spécialiste du secteur de l’énergie russe à l’Institut norvégien Fridtjof Nansen, contacté par France 24. Son prix a, en effet, bondi de plus de 170 % depuis le début de l’année, ce qui constitue une très bonne nouvelle pour les finances de Moscou qui, à travers Gazprom, est le principal fournisseur de gaz pour l’Europe.

“Cela fait aussi longtemps que Moscou n’avait pas été dans une telle position de force pour négocier avec les pays européens”, ajoute Agata Łoskot-Strachota, spécialiste de la politique énergétique européenne au Centre d’études orientales de Varsovie, contactée par France 24. L’Europe pense, en effet, que Moscou a les moyens d’étancher sa soif de gaz naturel.

“La Russie dispose certainement d’une certaine marge de manoeuvre car Gazprom n’a jamais fait plus qu’honorer les termes de ses contrats d’approvisionnement avec l’Europe”, rappelle Arild Moe. Bruxelles espère que le géant gazier puise dans ses réserves.