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Interview avec Einat Levi : “Israël déterminé à soutenir le Maroc pour la promotion du Made In Morocco”


Rédigé par Anass Machloukh Mardi 15 Février 2022

Einat Levi, chargée des Affaires économiques au Bureau de liaison d’Israël au Maroc, répond à nos questions sur les dessous de la coopération économique entre les deux pays. Commerce, investissements, tourisme, cannabis, innovation... La diplomate fait l’ état des lieux tout en donnant de nouveaux détails inédits.



Interview avec Einat Levi : “Israël déterminé à soutenir le Maroc pour la promotion du Made In Morocco”
- Le Maroc et Israël ont conclu plusieurs accords de coopération économique, quel bilan faites-vous de cette coopération durant l’année écoulée ?

- Pendant la première année, les efforts ont été orientés vers la construction d’une infrastructure économique nécessaire, puisqu’il n’y avait eu aucune base sur laquelle on pouvait s’appuyer avant le rétablissement des relations diplomatiques. C’est un effort de longue haleine qui requiert du temps, de la patience et une forte détermination et qui a abouti finalement à la signature de plusieurs accords de coopération dans plusieurs domaines, dont l’aviation civile, l’eau… etc.

Quelques nouveaux accords ont été négociés et seront signés prochainement tandis que d’autres sont en cours de négociation. Durant l’année écoulée, nous avions tâché, aux côtés de nos partenaires marocains, de poursuivre l’établissement d’un environnement de business en organisant une série de webinaires et de journées d’étude au profit des exportateurs, investisseurs et financiers des deux pays.

Notre objectif est de renforcer les liens entre les communautés d’affaires et c’est pour nous une priorité absolue.


- Les échanges commerciaux ont-ils évolué après la reprise des relations ?

- Je suis ravie que vous m’ayez donné l’opportunité de parler d’un sujet auquel on n’a pas accordé assez d’attention. Permettez-moi de rappeler que le commerce bilatéral entre le Maroc et Israël a véritablement commencé par la levée de quelques barrières formelles. Ça a été une étape importante parce que bien que les échanges aient eu lieu avant la reprise des relations diplomatiques, ils n’étaient ni directs ni ouverts et restaient peu conséquents et limités à quelques secteurs et à quelques produits non-régulés.

Bref ! Les échanges n’avaient pas une portée significative. Personnellement, je suis intimement persuadée que la reprise des relations diplomatiques permettra aux deux pays d’explorer de nouvelles opportunités dans de nouveaux secteurs prometteurs tels que les énergies renouvelables, le dessalement et le traitement de l’eau, l’aéronautique et l’aérospatial, la cyber-tech, la télémédecine, l’automobile… Des domaines où la coopération était inimaginable avant le 13 décembre.


- Quels sont les produits marocains les plus demandés en Israël ?

- En parcourant les supermarchés d’Israël, vous trouverez facilement des sardines, olives, huile d’argan et couscous marocain sur les rayons. C’est une réalité. Or, je crois que cette liste de produits aura tendance à changer radicalement dans les années à venir puisqu’on se dirige vers une diversification des produits et services échangés entre les deux pays. On se dirige vers plus de partenariat dans l’offshoring et les services digitaux.

Par ailleurs, le Maroc est actuellement en train de réaliser son ambition de devenir un hub économique et financier en Afrique, et cela est perçu avec enthousiasme en Israël qui est prêt à satisfaire les besoins du Royaume en matière de nouvelles technologies pour raffermir sa propre industrie et promouvoir le “Made in Morocco”.
 
Des sociétés d’investissement israéliennes cherchent à investir dans des start-up marocaines.

- On parle souvent de la possibilité d’un accord de libre-échange entre les deux pays, s’agit-il d’une priorité pour la mission diplomatique israélienne au Maroc ?

- En principe, conclure un accord de libre-échange est possible, mais il faudra du temps, puisqu’un accord d’une telle envergure nécessite une profonde compréhension et une forte complémentarité entre les deux marchés. Pour l’instant, les deux pays s’évertuent à se connaître mutuellement et à déceler les opportunités que chacun peut procurer à l’autre. Parler de libre-échange en ce moment-là me semble encore tôt.


- Les deux pays ont signé un mémorandum d’entente de coopération dans le domaine des Finances et de l’Investissement. Ce mémorandum prévoit la négociation d’autres accords relatifs à la non-double imposition, la promotion et la protection des investissements et l’assistance douanière. Avez-vous une idée sur l’état d’avancement des négociations ?

- Même si le commerce entre le Maroc et Israël est ouvert, les deux pays tâchent d’éviter le maximum possible les entraves, tous types confondus, qui peuvent surgir. Pour cette raison, ils ont prévu de négocier un traité de non-double imposition et les autres accords auxquels vous faites allusion. Ces accords permettront de créer un environnement propice au “Doing business”. Actuellement, ils sont en cours de négociation et j’ai l’intime conviction que nous assisterons à leur signature au cours des prochains mois.


-Vous travaillez beaucoup dans le networking et la prospection du marché marocain, quels sont les résultats que vous avez obtenus ?

- Au-delà des détails, permettez-moi de résumer tout mon travail en une conclusion qui me semble primordiale : Israël et le Maroc ont la chance d’avoir une relation spéciale qui transcende les liens politiques et économiques. Une relation forte des liens humains et culturels entre les deux peuples qui partagent une identité commune. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cette communion est importante même pour la coopération économique et je dis ça pour une raison très simple.

Les Israéliens, surtout ceux d’origine marocaine, ne voudront pas investir au Maroc uniquement pour chercher du profit mais parce qu’ils veulent faire du Royaume une partie de leur vie. Généralement, quand les Marocains visitent Israël, ils sont bien accueillis et reçoivent des réactions positives. Je pense qu’il s’agit d’une base assez solide pour faire du business.


- Comment la communauté d’affaires israélienne perçoit-elle le marché marocain, y aura-t-il des visites de délégations dans les jours qui viennent ?

- Selon les nombreuses consultations que j’ai eues avec des chefs d’entreprises, des hommes d’affaires désireux de pénétrer le marché marocain, les communautés d’affaires israéliennes sont très enthousiastes à l’idée de venir investir au Maroc. Encore faut-il travailler l’apprentissage et faire connaître davantage l’image du Royaume dans l’esprit des investisseurs israéliens. Nos réunions ont été l’occasion de corriger leur perception de la politique du Maroc sur plusieurs aspects.

Par exemple, ils sont nombreux à considérer que le Maroc est un pays du Moyen-Orient alors qu’il est, depuis 2017, tourné vers l’Afrique subsaharienne, ce qui fournit d’énormes opportunités à saisir. Aussi, une grande partie de la communauté d’affaires n’est pas assez consciente de l’immense progrès économique qu’a fait le Maroc durant les deux dernières décennies.

Pour vous donner un scoop, à l’heure où je vous parle, plusieurs délégations d’hommes d’affaires s’apprêtent à visiter le Maroc pour explorer les opportunités d’investissement dans les secteurs de l’agroalimentaire, les énergies renouvelables, le dessalement de l’eau. D’autres sociétés d’investissement cherchent à investir dans des start-up marocaines.


- Israël dispose d’un des écosystèmes de startups d’innovation les plus développées dans le monde, peut-on s’attendre à une coopération dans ce domaine ?

- Absolument. Sans doute que plusieurs développements intéressants auront lieu prochainement dans ces domaines. Je suis sûre que l’expérience israélienne dans l’innovation peut s’avérer très utile pour le Maroc afin qu’il puisse créer son propre écosystème de start-ups. D’abord, Israël peut contribuer en apportant des financements et tout en aidant les start-ups marocaines à façonner un écosystème de premier plan.


- Le stress hydrique menace le Maroc, les deux pays ont signé un accord qui prévoit une coopération dans ce domaine, que peut apporter Israël au Maroc sachant que le premier dispose d’un savoir-faire considérable ?

- Il y aura de nouveaux projets communs dans ce domaine tels que les usines de dessalement, l’irrigation intelligente, les traitements de l’eau et d’autres solutions. L’accord sur l’eau qui a été signé sert de cadre qui facilite le développement ultérieur de la coopération entre les pays dans ce domaine.


Recueillis par Anass MACHLOUKH