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Interview avec Kamal Bounouara et Tarik Alaoui : « Le Maroc compterait environ 100.000 puits »


Rédigé par Safaa KSAANI Dimanche 20 Février 2022

Touchés par la tragédie du petit Rayan, mort au fond d’un puits près de Chefchaouen, deux Franco-Marocains souhaitent agir à leur niveau pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Ils développent bénévolement une plateforme numérique collaborative pour recenser les puits et envisager des actions de sécurisation.



- Dans un communiqué publié samedi 12 février, vous annonciez le lancement de votre application “Safer Wells” (Puits sécurisés, ndlr). D’abord qui se cache derrière cette initiative ?

- Kamal Bounouara : Ma famille est originaire de Sidi Kacem. J’ai 51 ans. Je suis marié et père de trois enfants, installé près de Paris. Sur le plan professionnel, je travaille dans le secteur des nouvelles technologies. J’ai ma propre entreprise dans un autre secteur qui est l’impression 3D industrielle.

- Tarik Alaoui : J’ai 40 ans. Je suis marié et père de trois enfants. Je suis le voisin de Kamal. J’ai une société de services en informatique, précisément en création d’applications mobiles. Je suis né à Casablanca et suis venu en France en 2000.


- Qu’est-ce qui vous a motivés pour recenser les puits ?

- Comme beaucoup de monde au Maroc et ailleurs, nous avons été très touchés par la tragédie du petit Rayan mort au fond d’un puits près de Chefchaouen. Une autre chute mortelle d’un enfant de 7 ans dans un puits a eu lieu trois jours plus tard près de Khémisset. En soutien à la population marocaine, nous souhaitons agir à notre niveau pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise.

Nous avons donc décidé de développer bénévolement une plateforme numérique collaborative qui est déclinée en deux formats : site web et application IOS ou Android pour toucher un maximum de personnes, pour recenser les puits et envisager des actions de sécurisation. Les utilisateurs de “Safer Wells” pourront ainsi signaler la présence d’un puits grâce à la géolocalisation, ajouter des photos pour faciliter les échanges et confirmer si le puits est actif ou sec.

Le drame de Rayan me rappelle des souvenirs d’enfance, il y a 40 ans, lorsque mes parents nous emmenaient en vacances au Maroc. L’une de nos activités, pour ma part (Kamal Bounouara, ndlr), était d’accompagner de temps en temps mes oncles pour aller chercher de l’eau aux puits ou à la source.

Forcément, la tragédie de Rayan m’a immédiatement fait remonter ce souvenir en me disant que ça aurait pu arriver à moi à l’époque.


- Quels objectifs vous vous assignez ?

- Notre application est vouée à recenser d’abord tous les puits (déclarés ou pas, domestiques ou industriels, puits d’eau ou forages de construction, etc.). C’est la première étape. La deuxième, sur laquelle nous travaillons, est de collaborer avec des associations locales qui sont sur le terrain afin de mettre en oeuvre la sécurisation des puits. L’objectif ultime est vraiment de protéger les enfants de ce type d’accidents.


- Vous proposez une plateforme collaborative, de son côté, le ministère de l’Equipement et de l’Eau a donné des instructions strictes aux directeurs des Agences des bassins hydrauliques pour qu’ils réalisent un recensement complet des puits abandonnés, en coordination avec les autorités locales. Une collaboration serait-elle possible avec le ministère de tutelle ?

- On ne les a pas contactés mais nous restons ouverts à toute proposition. Pour l’instant, on veut lancer cette initiative. On le fait sur notre temps personnel, parce que Tarik et moi avons nos propres activités professionnelles qui nous consomment assez d’heures dans la journée. On essaye en même temps de lancer cette application, qui n’a pas de limite géographique.

Si effectivement le ministère de l’Equipement veut exploiter notre initiative, ce serait avec grand plaisir. On ne cherche pas à se substituer. Notre idée est de proposer un outil qui est prêt à l’emploi tout de suite. Derrière, on pourra mettre à disposition du gouvernement marocain les données qu’on va pouvoir constituer.

Pour l’instant, tant qu’on n’a pas de puits recensés, on ne peut pas mener des actions de sécurisation. L’objectif est vraiment d’agir après. Notre initiative est complètement bénévole. Il n’y a aucune attention de monétiser quoique ce soit dessus. On ne veut pas que ce soit un outil de répression, pour traquer et punir les gens qui vont creuser des puits.


- Comment avez-vous créé en moins d’une semaine l’application et le site web de votre initiative ?

- Le gros du travail technique a été fait par Tarik. Il faut savoir qu’une application et un site web pareils se créent entre trois ou quatre mois. Là, ça a été fait en quatre jours, avec des nuits de 2 heures de sommeil. Les deux applications sont codées en langage de programmation Swift pour IOS et Kotlin pour Android. Le site web est codé en HTML5, CMS, Java script.

On reste sur du standard. Grâce aux fonctionnalités du site web et de l’application, les usagers n’ont pas à créer de compte. Il suffit d’appuyer sur signaler un puits, et géolocaliser automatiquement le puits cible. Ils peuvent ajouter des commentaires, des photos…


- Par ailleurs, selon vos informations, combien de puits existent au Maroc ?

- Ce que nous avons pu trouver comme données, est que le Maroc compterait environ 100.000 puits. Comparé à la France, on en aurait recensé que 12.500. Ce qui est logique puisqu’au Maroc il y a moins de pluie. Donc, la réaction est de creuser pour chercher de l’eau.



Recueillis par Safaa KSAANI

Ministère de l’Equipement et de l’Eau


La traque des puits clandestins ou abandonnés lancée
 
Alors que la mort du petit Rayan a causé une vive émotion sur toute la planète, le ministère marocain de l’Équipement et de l’Eau va recenser tous les puits abandonnés ou clandestins, et sanctionnera les contrevenants.

«Pour que la tragédie de l’enfant Rayan ne se reproduise plus, le ministre de tutelle a donné des instructions strictes aux directeurs des Agences des bassins hydrauliques pour qu’ils réalisent un recensement complet des puits abandonnés», a déclaré Abdelaziz Zerouali, responsable au ministère de l’Equipement, dans une interview à la MAP.

«En cas de non-respect des procédures, l’Agence compétente procédera à la sécurisation des puits abandonnés aux frais du contrevenant, avec possibilité de poursuites judiciaires», a-t-il averti. Si le forage de puits au Royaume est soumis à un permis, il n’existe pas «de données exactes» sur le nombre des puits clandestins et abandonnés, a concédé Abdelaziz Zerouali, précisant que près de 1.000 procès-verbaux par an sont dressés pour des infractions liées aux forages illicites.

De son côté, le député istiqlalien Noureddine Moudiane a exhorté les autorités à «mettre fin au forage aléatoire de puits qui, souvent, n’est pas soumis aux procédures légales en vigueur».

S. K.