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Interview avec Malika Lehyan : «Les progrès des femmes sont indéniables, mais il reste du chemin à parcourir»


Rédigé par Anass MACHLOUKH Samedi 8 Mars 2025

Engagée par conviction en politique, Malika Lehyan, députée du Parti de l’Istiqlal, a fait de la défense des droits des femmes et ceux des MRE une priorité de mandat parlementaire. Elle raconte son combat qu’elle mène depuis 2021. Interview.



  • Quel bilan faites-vous de l'évolution des droits des femmes au Maroc au cours de ces dernières années ?

Personnellement, j’ai pu constater de  mes propres yeux une belle évolution de la condition féminine au Maroc à tous les niveaux au cours des 24 dernières années. Les femmes aujourd’hui ont un meilleur accès à l'éducation, à l'enseignement supérieur, au marché du travail et au sport. Elles sont indéniablement plus autonomes et indépendantes. Elles occupent également des postes au plus haut niveau que ce soit dans la politique ou dans le monde de l’entreprise et ont plus de chances que jamais d’avoir des carrières épanouies. En gros, la vie au quotidien a beaucoup changé. C’est important de le relever. Cela montre les progrès que nous avons pu accomplir pendant les vingt dernières années.  Depuis que je suis rentrée au Parlement, j’étais témoin des efforts législatifs qui ont été consentis pour améliorer les conditions des femmes, notamment dans le domaine économique et dans la lutte contre tous les types de violences, notamment  conjugales. Cependant, il reste encore du chemin à parcourir pour promouvoir entièrement les droits des femmes. Il subsiste encore des idées archaïques et des résistances conservatrices dans le chemin vers l’égalité homme-femme. Il nous faut donc un changement de mentalité et cela passe impérativement par l’éducation. 
 
  • Vous êtes une femme politique engagée. Qu'est-ce qui vous a poussée à vous lancer en politique ?

Au début, je n’étais pas très enthousiaste à m’engager en politique au Maroc. Pour vous dire la vérité, je pensais que ça ne servait pas à grand-chose. Comme beaucoup de gens, j’avais plein d’arrière-pensées. Je trouvais que la politique était un monde de malhonnêteté et d’opportunisme. Par conséquent, je trouvais que ce n’était pas la peine d’y mettre les pieds puisque, pensais-je, je n’allais rien changer. Or, tout cela s’avérait faux après que j’ai pu découvrir la réalité de mes propres yeux. Je me suis engagée au Parti de l’Istiqlal dont j’ai porté les couleurs aux élections législatives de 2021. Au fil de mon mandat, je me suis rendu compte que je me suis trompée. En réalité, l’engagement politique peut changer les choses. Au-delà du Parlement, je suis élue régionale et ça me donne l’occasion d'œuvrer à améliorer le quotidien des gens. J’ai plaidé pour qu’il y ait assez de budgets pour les écoles et les projets socioprofessionnels. Nous travaillons actuellement en collaboration avec la ministre de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille pour créer une école socio-professionnelle à Asilah. 

Il y a énormément de jeunes qui ont besoin de formation, notamment dans la gestion d’entreprise. Pour moi, c’est fondamental. Cela montre à quel point l’engagement politique au niveau territorial est utile. 
 
  • Vous attachez beaucoup d’importance aux MRE dont vous défendez souvent les intérêts à l’hémicycle. Vous avez récemment consacré une série de tribunes pour critiquer les obstacles auxquels ils font face quand ils veulent investir au Maroc. Pensez-vous qu’ils ne sont pas assez représentés ? 

Il m’est autant cher de porter la voix des Marocains du monde que celle des femmes au Parlement.  N’oublions pas que les MRE n’ont jamais coupé le cordon ombilical avec la mère patrie. Ils aiment leur pays. Nombreux se sentent lésés du manque d’attention. Certains se plaignent  que peu d’élus défendent leurs intérêts dans la classe politique. Même de notre modeste position, nous avons pu heureusement leur rendre service par notre action législative. Je rappelle cette affaire de l’échange numérique des données bancaires à des fins fiscales qui avait beaucoup inquiété nos compatriotes à l’étranger. Les conventions qui ont fait polémique auraient pu être votées si nous n’avions pas fait obstruction. Les conséquences auraient été graves. Personnellement, j’ai voté contre et j’ai fait savoir au ministre des Affaires étrangères à quel point la loi est préjudiciable aux MRE. Je me suis empressée aux côtés de mes collègues istiqlaliens à convaincre nos camarades de la majorité. Mais, au début, personne ne s’y intéressait à la commission des Affaires étrangères. Il a fallu qu’on explique à nos collègues pourquoi un texte est dangereux. Finalement, dans un geste rare, la majorité et l’opposition se sont mobilisés. Le Parlement a rejeté quasiment à l’unanimité cette loi qui aurait été une catastrophe si elle avait abouti. Pour moi, ce fut une victoire et une source de fierté. Peut-être va-t-on en parler dans les prochaines années et dire comment une catastrophe a été évitée grâce à l’engagement des parlementaires. Par ailleurs, en parlant des MRE, j’ai travaillé inlassablement sur la question foncière qui demeure l’une de leurs préoccupations majeures, d’autant qu’ils acquièrent souvent des biens immobiliers au Maroc. Sachant les complications des procédures, j’avais ce sujet à cœur. J’ai, du coup, travaillé avec les services de la Conservation foncière pour faciliter l’accès des MRE aux services administratifs. Par exemple, nous avons essayé de prolonger les heures d’ouverture pendant l’été où les MRE viennent passer leurs vacances. 
 
  • Êtes-vous satisfaite de la représentativité des femmes dans la classe politique et notamment au Parlement ? 

Franchement, je pense qu’elles ne sont pas assez présentes. Je peux vous assurer que les femmes sont des parlementaires assidues et travaillent avec acharnement dans les commissions. Je m’en rends compte chaque jour lors des réunions.  Personnellement, je trouve inutile cette idée de quota pour assurer une part de représentation nationale aux femmes. C’est absurde tout comme ces listes réservées aux femmes. Il serait plus judicieux de laisser les femmes se présenter aux élections au même titre que les hommes sans discrimination positive ni artifice juridique qui servent souvent à les maintenir à une proportion. Assurons-nous de l’égalité des chances dès le départ et laissons les choses évoluer.  
 
  • Quel regard portez-vous sur le bilan du gouvernement actuel en matière de promotion des droits de la femme ? 

Je trouve que le gouvernement a fait beaucoup d’efforts même s’il reste énormément de chemin à parcourir. Mais les priorités sont tellement nombreuses, j’en cite l’Emploi, l’Education, la Santé, etc., que le gouvernement ne peut pas tout faire d’un seul coup. N’oublions pas que nous sommes repartis quasiment de zéro après des années de stagnation pendant les mandats des deux gouvernements précédents. Vous savez bien que le parti au pouvoir avait une vision rétrograde de la femme et a suspendu les progrès pendant des années. Nous avons heureusement fait des progrès, surtout la révision du Code de la famille dont je me réjouis beaucoup même si elle suscite encore des critiques et des réactions mitigées, souvent minoritaires. 
 
Recueillis par
Anass MACHLOUKH 








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