- Le 20 juin, le monde célèbre la Journée mondiale des Réfugiés. Quelle est la thématique retenue pour cet événement cette année?
- «Chacun peut agir et chaque geste compte», c’est la thématique choisie par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR) pour célébrer l’édition 2020 de la journée internationale du réfugié. C’est une thématique qui a d’abord une résonance globale, par rapport au Pacte Mondial pour les Réfugiés qui a été entériné par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 17 décembre 2018, avec pour idée centrale la revitalisation de la protection internationale des réfugiés. Cette idée implique quatre objectifs principaux dont le premier est l’allégement de la pression sur les pays hôtes dans un esprit de solidarité globale et partagée, l’accroissement de l’autonomie des réfugiés, l’élargissement du champ des possibles en termes de solutions durables dans les pays tiers et, enfin, l’amélioration des conditions dans les pays d’origine pour favoriser le rapatriement volontaire. Un an après le pacte mondial, un forum global pour les réfugiés a été organisé à Genève à la mi-décembre 2019, c’était le premier du genre dans l’Histoire du HCR. Il a réuni 3000 participants dont des représentants de gouvernements, organisations internationales et régionales dont des banques multinationales. Ces acteurs réunis ont pris plus de 1400 engagements afin d’améliorer et le bien-être et la protection des réfugiés à travers le monde. Le Maroc a joué un rôle très actif pour la préparation de ces deux événements. Ce qui nous amène à la résonance locale du thème de cette année et qui renvoie à la stratégie nationale marocaine d’immigration et d’asile que le Maroc a lancée en décembre 2014 et qui est une stratégie extrêmement progressiste.
- Comment l’actuelle crise du Coronavirus, avec ses répercussions sanitaires, économiques et sociales, a été ressentie par la communauté des réfugiés installés au Maroc ?
Cette crise a été un choc pour tout le monde, mais son impact a été encore plus dur pour les populations réfugiées à travers le monde. Il y a tout d’abord l’impact psychologique et la peur légitime des répercussions sanitaires d’une maladie méconnue. L’autre impact est d’ordre économique puisque la quasi-majorité des populations réfugiées et demandeuses d’asiles est employée dans le secteur informel qui a gravement souffert des effets de la crise du Coronavirus.
Afin d’avoir un aperçu précis sur leur situation en période de pandémie, avec des indicateurs fiables, j’ai pris l’initiative à la mi-avril de solliciter le concours du Haut-Commissariat au Plan en vue d’initier une enquête à ce sujet. Monsieur Ahmed Lahlimi a répondu favorablement à cette demande. L’enquête qui a été menée sur un échantillon de 600 familles est actuellement en cours de finalisation et sera présentée prochainement. Ce qui est un très bon exemple de partenariat qui s’inscrit dans l’esprit de la Stratégie Nationale Marocaine de l’Immigration et d’Asile.
- Quelles sont les actions qui ont été entreprises par le HCR au profit de cette communauté pour atténuer sa détresse en période de pandémie?
- J’aimerais tout d’abord signaler que le HCR s’est engagé dès le début de la crise du Coronavirus pour le respect scrupuleux des dispositions sanitaires judicieuses mises en place par les autorités marocaines. A partir du 20 mars, date de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, nous avons cessé de recevoir les demandeurs d’asile physiquement dans nos bureaux de Rabat. Nous avons donc dû nous adapter à cette nouvelle situation en mettant en place une organisation à même de permettre la continuité de nos services d’accompagnement, dans le respect des mesures de protection sanitaire imposée par la pandémie. En premier lieu, nous avons démultiplié l’effort de communication en vue d’informer notre public et de le rassurer. Cela inclut la transmission de toutes les informations et l’explication de l’ensemble des mesures de protection sanitaires et la manière de les respecter de façon à minimiser les risques de contamination. La continuité des services a été assurée via le canal digital à travers la numérisation de nos procédures. Un standard d’appels d’urgence en langues française, anglaise et arabe a également été mis en place dont une ligne spéciale dédiée aux femmes, avec à l’autre bout du fil des interlocutrices femmes. Ce standard d’urgence a permis de traiter à peu près 1800 consultations de protection depuis le début du confinement le 20 mars.
Et qu’en est-il des aides financières ?
- Dès le déclenchement de la crise, nous avons pris la décision de reconfigurer l’assistance financière. Ce qui nous a permis d’effectuer deux paiements de solidarité en avril et en mai au bénéfice des réfugiés qui ne recevaient pas d’assistance financière, puisque celle-ci est réservée en temps normal aux seuls réfugiés en situation vulnérable ainsi que pour l’appui à l’éducation. Avec nos partenaires marocains de la société civile, nous avons également pu continuer à assurer l’accès des réfugiés aux services de santé et à l’éducation. A ce propos, j’aimerais évoquer un chiffre assez éloquent qu’une enquête menée avec notre partenaire, la Fondation Orient Occident, a permis de révéler. Il s’agit des 73% d’enfants de réfugiés qui ont pu suivre leur éducation à distance en période de pandémie. J’aimerais aussi signaler que toutes les planifications de réussite scolaire pour les niveaux primaire, secondaire et tertiaire pour les populations réfugiées au Maroc sont entre 88 et 91% pendant cette année scolaire, en dépit de la crise. Ce qui est un deuxième révélateur de la pertinence de la politique d’inclusion des réfugiés dans les services nationaux d’éducation. Enfin, nous avons initié un important travail de plaidoyer avec les acteurs institutionnels marocains, le secteur privé et la société civile pour l’inclusion systématique des réfugiés dans toute action de solidarité ou programme spéciaux qui étaient mis en œuvre.
- Quelles sont les actions qui ont été entreprises par les autorités marocaines, soit sur leur propre initiative, soit en partenariat avec l’UNHCR ?
- On ne le dira jamais assez, mais la crise du Coronavirus a réaffirmé de manière concrète la pertinence de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile initiée par le Maroc en 2014. Cette stratégie est un cadre extrêmement favorable qui offre un champ des possibles très important. En parallèle, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré dès le début de la crise le caractère inclusif de la réponse santé Covid-19 en faveur de l’ensemble des populations au Maroc, y compris les étrangers dont les réfugiés et les migrants. Cette démarche louable a favorisé et encouragé la mise en place de solutions sanitaires dédiées aux réfugiés dont notamment la signature, le 20 mai, d’une importante convention de partenariat entre le HCR et le Conseil National de l’Ordre des Médecins en vue de faciliter l’accès des réfugiés aux soins de santé mentale et spécialisée, ainsi que pour l’apport de médicaments.
- Le Maroc a-t-il jamais été une terre d’asile et le cas échéant, l’est-il toujours et le restera-t-il ?
- Nombre d’observateurs ont évoqué durant les dernières années un changement de paradigme au Maroc qui serait passé du statut de pays de transit et de départ à celui de pays de destination et d’accueil pour les réfugiés et les migrants. Mais d’autres observateurs rappellent que l’Histoire très ancienne du Maroc, mais également récente, prouve que le Royaume a toujours été une terre d’asile avec un ancrage très profond dans sa culture des valeurs de compassion et de solidarité. Cet ancrage n’a jamais cessé de se décliner jusqu’au 20ème et au 21ème siècle. On rappellera à ce propos qu’au moment de la guerre civile espagnole et sous le régime du Général Franco, un nombre important de réfugiés espagnols s’étaient établis au Maroc. L’une des dernières représentantes de cette population espagnole réfugiée au Maroc est une dame décédée en 2017 à l’âge de 104 ans. On se souviendra également de l’accueil au Maroc d’importantes populations algériennes au moment de la guerre de libération en Algérie entre 1954 et 1962. Ce conflit avait d’ailleurs été le premier théâtre des opérations hors d’Europe dans lequel intervenait le HCR qui avait commencé son action le 1er janvier 1951 en faveur des populations déplacées durant le deuxième conflit mondial. En 1959, le rapport du représentant du HCR en Afrique du Nord faisait ainsi état de la présence de 110.000 réfugiés algériens sur le sol marocain.
- Et qu’en est-il aujourd’hui ?
- Durant les dernières décennies, le Maroc n’a eu de cesse d’accueillir des réfugiés sur son sol à la faveur des différents conflits enregistrés de part et d’autre du globe et surtout au niveau continental, avec une forte prépondérance des réfugiés originaires de pays d’Afrique Subsaharienne, mais également de pays arabes comme la Palestine, puis l’Irak et récemment la Syrie et le Yémen. Durant les six dernières années, il y a eu une nette accélération des afflux et le Royaume est passé de 1200 réfugiés, à fin 2014, à 7300 en 2020. Nous constations également un net prolongement de la durée de séjour des populations réfugiées. Ceci notamment à la faveur de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale Marocaine d’Immigration et d’Asile que l’on peut considérer comme la dernière manifestation de cette longue tradition d’accueil au Maroc.
- Le Maroc est-il une terre attrayante d’un point de vue économique pour les réfugiés ?
- Le Maroc présente beaucoup d’opportunités pour l’intégration socio-économique des réfugiés à la fois dans le secteur primaire, secondaire et tertiaire. Les réfugiés évoluent dans divers secteurs économiques qui vont des services comme les centres d’accueil, en passant par l’industrie et jusqu’aux nouvelles technologies. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’un réfugié n’est pas toujours qu’une victime, c’est aussi quelqu’un qui peut apporter de la valeur ajoutée à son pays d’accueil. Au Maroc, les success-story sont nombreuses qui attestent de la capacité de ces populations à s’adapter, à prospérer et à faire profiter les populations locales de leur réussite. Les domaines de prédilection de ces réussites sont nombreux et variés, avec certes une forte prépondérance dans le secteur des services dont à titre d’exemple la restauration, la coiffure et autres. Mais il y a aussi des expertises particulières dont le Maroc a pu profiter par le biais de l’asile et de sa politique d’accueil. Il me vient à l’esprit l’exemple d’un réfugié centre-africain qui a créé de sa propre initiative une association ‘vivre ensemble’, membre éminent du Conseil mondial de la jeunesse du HCR et lauréat en octobre dernier d’un Prix récompensant au Maroc l’innovation pour son projet de ‘cyber-café’ de l’apprentissage.
- Quelles sont les chantiers et projets à venir du HCR pour le reste de l’année ?
- L’action du HCR qui est une organisation intergouvernementale d’appui aux autorités marocaines dans la conduite de leur propre stratégie continuera en matière de partage de compétences pour la mise en œuvre de cette stratégie, notamment à travers la mise en place d’une loi « Asile » et d’un Système National Marocain de l’Asile et de l’Apatridie. Notre souci immédiat qui va nécessiter une mobilisation accrue de tous les moyens qu’ils soient locaux ou internationaux, c’est d’accélérer la reprise après le confinement pour des populations qui ont été extrêmement affectées par cette crise. L’autre défi, c’est de continuer notre travail avec la société civile en vue de prôner le vivre-ensemble au quotidien dont l’une des dernières actions fut le «Morocco Play Ground» qui s’est traduit par l’organisation, sur plusieurs mois, d’un certain nombre de tournois de Basketball de part et d’autre du Maroc impliquant des équipes locales, de réfugiés et de migrants. La finale s’est jouée juste avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire. La véritable victoire qui ressort de cette compétition c’est l’échange entre des jeunes issus de divers horizons et origines autour d’une passion commune qui est le sport et le vivre-ensemble.
- «Chacun peut agir et chaque geste compte», c’est la thématique choisie par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR) pour célébrer l’édition 2020 de la journée internationale du réfugié. C’est une thématique qui a d’abord une résonance globale, par rapport au Pacte Mondial pour les Réfugiés qui a été entériné par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 17 décembre 2018, avec pour idée centrale la revitalisation de la protection internationale des réfugiés. Cette idée implique quatre objectifs principaux dont le premier est l’allégement de la pression sur les pays hôtes dans un esprit de solidarité globale et partagée, l’accroissement de l’autonomie des réfugiés, l’élargissement du champ des possibles en termes de solutions durables dans les pays tiers et, enfin, l’amélioration des conditions dans les pays d’origine pour favoriser le rapatriement volontaire. Un an après le pacte mondial, un forum global pour les réfugiés a été organisé à Genève à la mi-décembre 2019, c’était le premier du genre dans l’Histoire du HCR. Il a réuni 3000 participants dont des représentants de gouvernements, organisations internationales et régionales dont des banques multinationales. Ces acteurs réunis ont pris plus de 1400 engagements afin d’améliorer et le bien-être et la protection des réfugiés à travers le monde. Le Maroc a joué un rôle très actif pour la préparation de ces deux événements. Ce qui nous amène à la résonance locale du thème de cette année et qui renvoie à la stratégie nationale marocaine d’immigration et d’asile que le Maroc a lancée en décembre 2014 et qui est une stratégie extrêmement progressiste.
- Comment l’actuelle crise du Coronavirus, avec ses répercussions sanitaires, économiques et sociales, a été ressentie par la communauté des réfugiés installés au Maroc ?
Cette crise a été un choc pour tout le monde, mais son impact a été encore plus dur pour les populations réfugiées à travers le monde. Il y a tout d’abord l’impact psychologique et la peur légitime des répercussions sanitaires d’une maladie méconnue. L’autre impact est d’ordre économique puisque la quasi-majorité des populations réfugiées et demandeuses d’asiles est employée dans le secteur informel qui a gravement souffert des effets de la crise du Coronavirus.
Afin d’avoir un aperçu précis sur leur situation en période de pandémie, avec des indicateurs fiables, j’ai pris l’initiative à la mi-avril de solliciter le concours du Haut-Commissariat au Plan en vue d’initier une enquête à ce sujet. Monsieur Ahmed Lahlimi a répondu favorablement à cette demande. L’enquête qui a été menée sur un échantillon de 600 familles est actuellement en cours de finalisation et sera présentée prochainement. Ce qui est un très bon exemple de partenariat qui s’inscrit dans l’esprit de la Stratégie Nationale Marocaine de l’Immigration et d’Asile.
- Quelles sont les actions qui ont été entreprises par le HCR au profit de cette communauté pour atténuer sa détresse en période de pandémie?
- J’aimerais tout d’abord signaler que le HCR s’est engagé dès le début de la crise du Coronavirus pour le respect scrupuleux des dispositions sanitaires judicieuses mises en place par les autorités marocaines. A partir du 20 mars, date de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, nous avons cessé de recevoir les demandeurs d’asile physiquement dans nos bureaux de Rabat. Nous avons donc dû nous adapter à cette nouvelle situation en mettant en place une organisation à même de permettre la continuité de nos services d’accompagnement, dans le respect des mesures de protection sanitaire imposée par la pandémie. En premier lieu, nous avons démultiplié l’effort de communication en vue d’informer notre public et de le rassurer. Cela inclut la transmission de toutes les informations et l’explication de l’ensemble des mesures de protection sanitaires et la manière de les respecter de façon à minimiser les risques de contamination. La continuité des services a été assurée via le canal digital à travers la numérisation de nos procédures. Un standard d’appels d’urgence en langues française, anglaise et arabe a également été mis en place dont une ligne spéciale dédiée aux femmes, avec à l’autre bout du fil des interlocutrices femmes. Ce standard d’urgence a permis de traiter à peu près 1800 consultations de protection depuis le début du confinement le 20 mars.
Et qu’en est-il des aides financières ?
- Dès le déclenchement de la crise, nous avons pris la décision de reconfigurer l’assistance financière. Ce qui nous a permis d’effectuer deux paiements de solidarité en avril et en mai au bénéfice des réfugiés qui ne recevaient pas d’assistance financière, puisque celle-ci est réservée en temps normal aux seuls réfugiés en situation vulnérable ainsi que pour l’appui à l’éducation. Avec nos partenaires marocains de la société civile, nous avons également pu continuer à assurer l’accès des réfugiés aux services de santé et à l’éducation. A ce propos, j’aimerais évoquer un chiffre assez éloquent qu’une enquête menée avec notre partenaire, la Fondation Orient Occident, a permis de révéler. Il s’agit des 73% d’enfants de réfugiés qui ont pu suivre leur éducation à distance en période de pandémie. J’aimerais aussi signaler que toutes les planifications de réussite scolaire pour les niveaux primaire, secondaire et tertiaire pour les populations réfugiées au Maroc sont entre 88 et 91% pendant cette année scolaire, en dépit de la crise. Ce qui est un deuxième révélateur de la pertinence de la politique d’inclusion des réfugiés dans les services nationaux d’éducation. Enfin, nous avons initié un important travail de plaidoyer avec les acteurs institutionnels marocains, le secteur privé et la société civile pour l’inclusion systématique des réfugiés dans toute action de solidarité ou programme spéciaux qui étaient mis en œuvre.
- Quelles sont les actions qui ont été entreprises par les autorités marocaines, soit sur leur propre initiative, soit en partenariat avec l’UNHCR ?
- On ne le dira jamais assez, mais la crise du Coronavirus a réaffirmé de manière concrète la pertinence de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile initiée par le Maroc en 2014. Cette stratégie est un cadre extrêmement favorable qui offre un champ des possibles très important. En parallèle, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré dès le début de la crise le caractère inclusif de la réponse santé Covid-19 en faveur de l’ensemble des populations au Maroc, y compris les étrangers dont les réfugiés et les migrants. Cette démarche louable a favorisé et encouragé la mise en place de solutions sanitaires dédiées aux réfugiés dont notamment la signature, le 20 mai, d’une importante convention de partenariat entre le HCR et le Conseil National de l’Ordre des Médecins en vue de faciliter l’accès des réfugiés aux soins de santé mentale et spécialisée, ainsi que pour l’apport de médicaments.
- Le Maroc a-t-il jamais été une terre d’asile et le cas échéant, l’est-il toujours et le restera-t-il ?
- Nombre d’observateurs ont évoqué durant les dernières années un changement de paradigme au Maroc qui serait passé du statut de pays de transit et de départ à celui de pays de destination et d’accueil pour les réfugiés et les migrants. Mais d’autres observateurs rappellent que l’Histoire très ancienne du Maroc, mais également récente, prouve que le Royaume a toujours été une terre d’asile avec un ancrage très profond dans sa culture des valeurs de compassion et de solidarité. Cet ancrage n’a jamais cessé de se décliner jusqu’au 20ème et au 21ème siècle. On rappellera à ce propos qu’au moment de la guerre civile espagnole et sous le régime du Général Franco, un nombre important de réfugiés espagnols s’étaient établis au Maroc. L’une des dernières représentantes de cette population espagnole réfugiée au Maroc est une dame décédée en 2017 à l’âge de 104 ans. On se souviendra également de l’accueil au Maroc d’importantes populations algériennes au moment de la guerre de libération en Algérie entre 1954 et 1962. Ce conflit avait d’ailleurs été le premier théâtre des opérations hors d’Europe dans lequel intervenait le HCR qui avait commencé son action le 1er janvier 1951 en faveur des populations déplacées durant le deuxième conflit mondial. En 1959, le rapport du représentant du HCR en Afrique du Nord faisait ainsi état de la présence de 110.000 réfugiés algériens sur le sol marocain.
- Et qu’en est-il aujourd’hui ?
- Durant les dernières décennies, le Maroc n’a eu de cesse d’accueillir des réfugiés sur son sol à la faveur des différents conflits enregistrés de part et d’autre du globe et surtout au niveau continental, avec une forte prépondérance des réfugiés originaires de pays d’Afrique Subsaharienne, mais également de pays arabes comme la Palestine, puis l’Irak et récemment la Syrie et le Yémen. Durant les six dernières années, il y a eu une nette accélération des afflux et le Royaume est passé de 1200 réfugiés, à fin 2014, à 7300 en 2020. Nous constations également un net prolongement de la durée de séjour des populations réfugiées. Ceci notamment à la faveur de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale Marocaine d’Immigration et d’Asile que l’on peut considérer comme la dernière manifestation de cette longue tradition d’accueil au Maroc.
- Le Maroc est-il une terre attrayante d’un point de vue économique pour les réfugiés ?
- Le Maroc présente beaucoup d’opportunités pour l’intégration socio-économique des réfugiés à la fois dans le secteur primaire, secondaire et tertiaire. Les réfugiés évoluent dans divers secteurs économiques qui vont des services comme les centres d’accueil, en passant par l’industrie et jusqu’aux nouvelles technologies. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’un réfugié n’est pas toujours qu’une victime, c’est aussi quelqu’un qui peut apporter de la valeur ajoutée à son pays d’accueil. Au Maroc, les success-story sont nombreuses qui attestent de la capacité de ces populations à s’adapter, à prospérer et à faire profiter les populations locales de leur réussite. Les domaines de prédilection de ces réussites sont nombreux et variés, avec certes une forte prépondérance dans le secteur des services dont à titre d’exemple la restauration, la coiffure et autres. Mais il y a aussi des expertises particulières dont le Maroc a pu profiter par le biais de l’asile et de sa politique d’accueil. Il me vient à l’esprit l’exemple d’un réfugié centre-africain qui a créé de sa propre initiative une association ‘vivre ensemble’, membre éminent du Conseil mondial de la jeunesse du HCR et lauréat en octobre dernier d’un Prix récompensant au Maroc l’innovation pour son projet de ‘cyber-café’ de l’apprentissage.
- Quelles sont les chantiers et projets à venir du HCR pour le reste de l’année ?
- L’action du HCR qui est une organisation intergouvernementale d’appui aux autorités marocaines dans la conduite de leur propre stratégie continuera en matière de partage de compétences pour la mise en œuvre de cette stratégie, notamment à travers la mise en place d’une loi « Asile » et d’un Système National Marocain de l’Asile et de l’Apatridie. Notre souci immédiat qui va nécessiter une mobilisation accrue de tous les moyens qu’ils soient locaux ou internationaux, c’est d’accélérer la reprise après le confinement pour des populations qui ont été extrêmement affectées par cette crise. L’autre défi, c’est de continuer notre travail avec la société civile en vue de prôner le vivre-ensemble au quotidien dont l’une des dernières actions fut le «Morocco Play Ground» qui s’est traduit par l’organisation, sur plusieurs mois, d’un certain nombre de tournois de Basketball de part et d’autre du Maroc impliquant des équipes locales, de réfugiés et de migrants. La finale s’est jouée juste avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire. La véritable victoire qui ressort de cette compétition c’est l’échange entre des jeunes issus de divers horizons et origines autour d’une passion commune qui est le sport et le vivre-ensemble.
Recueillis par Majd EL ATOUABI
Repères
Des chiffres et des origines
Les réfugiés viennent principalement de Syrie (56%),Yémen (12%), République Centrafricaine (9%), Côte d’Ivoire (5%), Sud Soudan (4%). 39% sont des femmes et filles et 61% sont des hommes et garçons. Le tiers est âgé de moins de 18 ans, 64% entre 18 et 59 ans et 2.4% de plus de 60 ans. Ils sont répartis sur 71 localités à travers le Maroc, notamment Rabat, Casablanca, Oujda, Nador, Kénitra, Témara, Meknès, Tanger, Salé, Fès, Tétouan et Marrakech.
Que fuient les réfugiés installés au Maroc ?
Les motifs de demande de protection internationale sérieuse au Maroc concernent des personnes fuyant les conflits armés comme ceux en provenance du Yémen, de la Syrie, de la République de Centrafrique ou du Sud Soudan, et représentent 85% des personnes en besoin de protection internationale. D’autres pour des raisons plus personnelles de crainte de persécution tels que l’opinion politique, la race, la religion, l’appartenance à un groupe social ou nationalité. Une frange de réfugiés était arrivée en tant qu’étudiants au Maroc, et avec l’éclatement des conflits armés dans leur pays d’origine, ils sont devenus ce qu’on appelle des « réfugiés sur place ». C’est le cas de beaucoup de Centrafricains, Sud Soudanais et Yéménites.