Tel OEdipe en son destin, la légende de Hammou Ounamir a la puissance du mythe comme le montre si bien Najate Nerci, un Hammou Ounamir dont une goutte de sang redonne la vue à sa mère et une autre immole le bélier de l’aïd. « Le mythe d’Ounamir nous apprend le secret de l’origine de la forme du corps partagée par tous les êtres » : les aisselles et la plante des pieds, restées creuses, sont les séquelles apparentes des morceaux arrachés de son propre corps pour nourrir l’aigle qui le transportait vers Tanirt, fille du ciel (Jazia dans les Banou Hilal est la fille d’une extraterrestre - le mythe ne tombe pas du ciel ainsi que l’affirme Freud mais nait sur la terre avant d’être projeté au ciel. Dépouillé de son « revêtement astral », il affiche clairement sa dimension humaine et terrestre -)… sans oublier que si « les volailles ont pris l’habitude de fureter dans la terre (c’est seulement) depuis que le coq de la mère d’Ounamir y a trouvé la clé cachée et en a été généreusement récompensé. ».
Le récit change, mais le sujet est le même
Le mythe peut ainsi « tout raconter car sa logique est « celle de l’imaginaire », rappelle enfin Najate Nerci. L’ogre ne peut franchir de grandes distances par le seul moyen de ses pattes ? L’imaginaire lui fournira - dans la fable ! - des bottes de sept lieues pour franchir une trentaine de km en une seule enjambée afin de rattraper le retard sur les enfants en fuite...
Cette économie du récit mythique est contenu également dans la version d’Arsène Roux qui commence ainsi : « Je vais changer de récit mais le sujet est le même. ». Dans cette version, Hammou Ounamir a une durée de vie… surhumaine : « Il a erré dit-on cinquante ans à travers le monde… Pendant cinquante ans dit-on ils parcoururent (Ounamir et l’oiseau familier) le ciel ». Ces 100 ans d’errance ajoutés au temps qu’il vécut auprès de sa mère et Tanirt sur terre, avec Tanirt au ciel… et l’on aura l’âge improbable de Hammou Ounamir à l’échelle humaine.
Dans la version rapportée par Yousseri Chaker et recensée par Najate Nerci, un fantasme de grossesse se donne même à lire dans toute sa splendeur : « Quelques mois après le ventre de l’homme commença à se gonfler, comme une femme enceinte, sans qu’il sache ce qui lui arrivait, mais au fil des jours, le foetus se mit à remuer dans son ventre.
Un jour qu’il était en compagnie de sa femme dans les bois, ils sentirent tous les deux les douleurs de l’accouchement, la femme revint à la maison et accoucha d’un garçon. L’homme, lui, ne toléra pas les douleurs, prit un couteau et s’ouvrit le ventre, une belle petite fille en sortit, et le père mourut. ». Cette version n’est pas sans rappeler le conte « Née de la pomme et de l’homme » dans laquelle ce n’est pas le ventre de l’homme qui porte l’enfant mais sa jambe, laquelle en se fendant met au monde une fille. Ce père, croqueur de pomme au pouvoir fécondant, n’assumera pas sa maternité et abandonnera le bébé dans la forêt, aux gazelles qui l’élèveront. Qui a dit que l’enfant nait de la copulation et de la rencontre de spermatozoïdes avec les ovules ? Dans « La prière de l’absent », Tahar Ben Jelloun raconte la naissance d’un enfant, avec quelques dents, de l’arbre (olivier) et de la source… « un être vierge de toute réalité, né de la limpidité de l’eau et de la fermeté de l’écorce de l’arbre. ».
Cette économie du récit mythique est contenu également dans la version d’Arsène Roux qui commence ainsi : « Je vais changer de récit mais le sujet est le même. ». Dans cette version, Hammou Ounamir a une durée de vie… surhumaine : « Il a erré dit-on cinquante ans à travers le monde… Pendant cinquante ans dit-on ils parcoururent (Ounamir et l’oiseau familier) le ciel ». Ces 100 ans d’errance ajoutés au temps qu’il vécut auprès de sa mère et Tanirt sur terre, avec Tanirt au ciel… et l’on aura l’âge improbable de Hammou Ounamir à l’échelle humaine.
Dans la version rapportée par Yousseri Chaker et recensée par Najate Nerci, un fantasme de grossesse se donne même à lire dans toute sa splendeur : « Quelques mois après le ventre de l’homme commença à se gonfler, comme une femme enceinte, sans qu’il sache ce qui lui arrivait, mais au fil des jours, le foetus se mit à remuer dans son ventre.
Un jour qu’il était en compagnie de sa femme dans les bois, ils sentirent tous les deux les douleurs de l’accouchement, la femme revint à la maison et accoucha d’un garçon. L’homme, lui, ne toléra pas les douleurs, prit un couteau et s’ouvrit le ventre, une belle petite fille en sortit, et le père mourut. ». Cette version n’est pas sans rappeler le conte « Née de la pomme et de l’homme » dans laquelle ce n’est pas le ventre de l’homme qui porte l’enfant mais sa jambe, laquelle en se fendant met au monde une fille. Ce père, croqueur de pomme au pouvoir fécondant, n’assumera pas sa maternité et abandonnera le bébé dans la forêt, aux gazelles qui l’élèveront. Qui a dit que l’enfant nait de la copulation et de la rencontre de spermatozoïdes avec les ovules ? Dans « La prière de l’absent », Tahar Ben Jelloun raconte la naissance d’un enfant, avec quelques dents, de l’arbre (olivier) et de la source… « un être vierge de toute réalité, né de la limpidité de l’eau et de la fermeté de l’écorce de l’arbre. ».
La transgression de l’interdit au prix de la vie
La transgression de l’interdit par Pandore a apporté à l’humanité « Vieillesse, Maladie, Guerre, Famine, Misère, Folie, Mort, Vice, Tromperie, Passion et Orgueil », comme elle n’a pas porté bonheur à Adam et Eve qui constatèrent leur nudité (fragilité ?) avant d’être chassés du paradis. Croquer le fruit interdit ou ouvrir la porte déconseillée ont pour corollaire le bannissement. L’aigle de Hammou Ounamir est la monture de son autobannissement de la terre et de la maison familiale. L’acte de quitter sa mère est ainsi une sorte de mutilation affective que ne compensera pas l’amour de Tanirt, Ounamir transgressant à son tour un interdit qui le ramènera disloqué vers la mère.
Un mythe sans père ni parricide, ni inceste avec la mère, sans oublier l’abandon de l’enfant à la naissance peut-il être rapproché de la tragédie d’OEdipe ? Dans la logique de l’imaginaire et de l’ordre de la représentation, cette action est possible. OEdipe a vécu son parricide et sa relation incestueuse avec sa mère : dans Jawdar des 1001 nuits, ainsi que dans le conte Ali et la légende Hammou Ounamir, c’est le lecteur… qui l’imagine.
Un mythe sans père ni parricide, ni inceste avec la mère, sans oublier l’abandon de l’enfant à la naissance peut-il être rapproché de la tragédie d’OEdipe ? Dans la logique de l’imaginaire et de l’ordre de la représentation, cette action est possible. OEdipe a vécu son parricide et sa relation incestueuse avec sa mère : dans Jawdar des 1001 nuits, ainsi que dans le conte Ali et la légende Hammou Ounamir, c’est le lecteur… qui l’imagine.
Abdallah Bensmain