A l’issue du second tour des élections législatives, Emmanuel Macron n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Un scrutin historique et une énorme surprise. C’est la première fois, depuis que les législatives se passent dans la foulée de la présidentielle, que le parti au pouvoir ne remporte pas de majorité absolue au Palais bourbon. L’alliance de la gauche, sous la bannière de la Nupes, a fait mentir le fait majoritaire, mais son score est aussi plus bas qu’attendu.
Selon une estimation Ipsos/Sopra Steria, Ensemble est donné à 224 sièges, soit très loin des 289 sièges de la majorité absolue. Renaissance (LREM) est à 154, le Modem à 44 et Horizons fait 26 sièges. 4 sièges pour les divers « centre ».
L’alliance de la gauche, avec la Nupes, fait 149 sièges, dont 86 pour LFI, 28 pour EELV, 22 pour le PS, 13 pour le PCF et 21 pour les divers « gauche ».
La grosse surprise vient du RN, qui est donné à 89 sièges. LR/UDI est à 78 sièges. 12 sièges pour des députés non classés dans un de ces partis.
L’alliance de la majorité présidentielle, avec la confédération qui allie Renaissance (nouveau nom de LREM), le Modem et Horizons, le parti d’Edouard Philippe, n’a pas suffisamment pesé. Concrètement, la majorité absolue est à 289 sièges (sur 577). Avec 224 sièges, il faudra donc que la majorité trouve soit des majorités de circonstance, à droite ou à éventuellement à gauche, texte par texte, soit se tourne plus naturellement vers les LR, pour une alliance plus durable. Idée défendue par Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé. Mais le parti de Christian Jacob, s’il est prêt à être constructif, entend rester dans l’opposition.
Les LR, seule option pour Macron
Reste qu’Emmanuel Macron ne devrait avoir d’autres choix que de se tourner vers les LR, qui pourraient être prêts à voter la réforme des retraites par exemple, non sans négocier quelques points… Ces législatives marquées par une poussée de la gauche, en nombre de sièges, va paradoxalement déplacer le curseur de la politique gouvernementale davantage à droite.
Les LR ont les clefs avec leurs 78 sièges, qui permettraient d’arriver à 302 sièges, soit la majorité. Mais rien ne dit qu’ils soient tous prêts à se mêler à Emmanuel Macron. Ce scrutin est un cadeau empoisonné pour les LR. Certains, comme Laurent Wauquiez, entendaient jusqu’ici être clairement dans l’opposition.
Pour Emmanuel Macron, c’est un cuisant échec. S’il a réussi à être réélu chef de l’Etat – déjà un premier événement historique – il ne parvient pas à convaincre les Français à lui laisser les mains libres pour gouverner. Deux de ses plus proches, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et le patron des députés LREM, Christophe Castaner, sont battus.
L’Exécutif entre ce soir dans une période de grande incertitude. S’il n’arrive pas à trouver de majorité pour voter ses réformes, c’est sa capacité à agir qui sera mise en cause. Dans le pire des scénarios, il pourrait au mieux devoir renoncer en partie à certains points de son programme, au pire se retrouver totalement empêché. Il lui restera toujours l’option du 49-3, mais dont l’usage est limité, est, dernière carte, la dissolution de l’Assemblée…
Pari en partie réussi pour Mélenchon, Le Pen crée la surprise
De son côté, Jean-Luc Mélenchon, qui a mené la Nupes, réussi en partie son pari. C’est la fourchette basse pour lui. En transformant les législatives en troisième tour de la présidentielle, en appelant à l’élire premier ministre, il a réussi d’abord un coup politique, en centrant l’agenda médiatique sur lui. Grâce à l’alliance avec EELV, le PCF et même le PS, qui a accepté l’alliance, au prix d’une crise interne, la gauche profite pleinement du mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
Le leader Insoumis a certes échoué à trouver une cohabitation qui l’aurait mené à Matignon, mais il réussit à porter LFI de 17 députés à 86. Reste à voir s’il sera le premier groupe d’opposition.
Car le RN, avec 89 sièges, réussit un très beau score et devance pour l’heure LFI pour être le premier groupe d’opposition. Malgré une campagne discrète pour Marine Le Pen, l’extrême droite montre qu’elle est toujours au plus haut niveau.
Visages défaits chez Macron, la fête chez Mélenchon et Le Pen
Visages fermés, des militants macronistes assistent dépités aux résultats des législatives au QG parisien de LREM, pendant que des cris de joie retentissent pour la gauche Nupes dans une salle de concert parisienne et chez les militants RN dans un boulodrome d'Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais.
Elisabeth Borne évoque une « situation inédite » qui « constitue un risque pour le pays »...
Au siège de LREM dans le 8e arrondissement de Paris, une trentaine de marcheurs découvrent les éliminations de leurs ténors: le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand dans le Finistère, le chef du groupe LREM Christophe Castaner dans les Alpes-de-Haute-Provence
Du côté de Nupes, militants et sympathisants ont fait la queue en musique pour rentrer à l'Elysée Montmartre, une salle de concert du XVIIIe arrondissement de Paris. Une clameur envahit la salle à l'annonce des résultats, qui créditent de 160 à 200 députés l'alliance de gauche scellée derrière Jean-Luc Mélenchon. Chauffés à blanc, les militants applaudissent les échecs de figures de la « Macronie » et huent chaque fois qu'apparaissent à l'écran des responsables politiques RN ou LREM.
A 20h, au boulodrome de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), l'annonce d'une percée historique du parti d'extrême droite à l'Assemblée nationale, entre 75 et 95 sièges, déclenche une explosion de joie au sein du Rassemblement national.